​Le maro'ura à Tahiti en 2022


Le musée de Tahiti réserve un place de choix au maro'ura, comme on le voit ici sur une image 3D, un mur d'exposition central lui sera consacré. La réouverture est prévue en 2022. (©Musée de Tahiti et des îles)
Tahiti, le septembre 2021 - Après son exposition parisienne au musée du quai Branly, le maro'ura sera de retour sur ses terres d'origine en 2022, en dépôt au musée de Tahiti. Ce dépôt, d'une durée de cinq ans renouvelable, est le fruit d'une étroite collaboration entre les deux institutions et preuve d'une grande confiance. À son arrivée, le musée polynésien lui réserve une place centrale. Dans la continuité de notre entretien paru mardi, Miriama Bono et Marine Vallée du musée de Tahiti, nous éclairent sur cette démarche de dépôt d'objet de musée et nous parlent du retour du maro'ura en Polynésie.
 
Après nous être intéressés à la prochaine exposition que le musée du quai Branly consacre au maro'ura en octobre, nous continuons notre voyage sur les traces de cet objet fascinant. Tahiti Infos a cette fois interrogé Miriama Bono, directrice du musée de Tahiti et des îles et Marine Vallée, assistante de conservation, sur le retour du maro'ura en Polynésie l'an prochain.  
En effet, à l'issue de l'expo parisienne, le fragment de la prestigieuse ceinture sera mis en dépôt au musée de Tahiti et des îles pour une durée de cinq ans renouvelable. Il a été acté en septembre 2019 dans le cadre d'une convention de coopération muséographique et culturelle. Ainsi, les deux musées se sont accordés pour collaborer dans les domaines de la recherche, de la conservation, la présentation d’expositions, le prêt d’objets, les co-productions de documents d’information ainsi que l’échange et la formation entre les spécialistes des musées. Le premier accord portait sur une durée de trois ans, qui s'est transformée en cinq ans, dans une démarche de confiance et de simplification administrative. La pièce a vocation à rester à Tahiti.
 
L'arrivée du maro'ura correspondra à la réouverture en 2022 du musée de Tahiti et des îles, actuellement en rénovation. La date n'est pas encore connue, elle dépendra de l'avancement des travaux, le bâtiment doit être prêt à l'accueillir dignement. Il lui réserve une place de choix. Après la redécouverte du fragment et lorsque le dépôt a été finalisé, le musée de Tahiti a aussitôt intégré l'objet dans le parcours de la salle. “Il a fallu une grande adaptabilité de la part des scénographes”, nous confie Miriama Bono. Une cimaise (mur d'exposition) entière lui sera consacrée. “Cette pièce aura la place qu'elle mérite, c'est-à-dire importante et magistrale”, précise-t-elle.

Le public polynésien pourra découvrir le fragment du maro'ura. Il sera en dépôt au musée de Tahiti, pour une durée de cinq ans, renouvelable. (©musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon)

Miriama Bono, directrice du musée de Tahiti et des îles : “Cette pièce aura la place qu'elle mérite, c'est-à-dire importante et magistrale”

Pouvez-vous nous parler de la convention signée en 2019 pour que le maro'ura rejoigne le musée de Tahiti après l'exposition parisienne ?

“Quand le président Édouard Fritch l'a signée, c'était pour trois ans et depuis le musée a proposé que la convention soit faite pour cinq ans. Le délai a été allongé pour alléger les démarches administratives. On a déjà un exemple de dépôt, un tambour du quai Branly qui est là depuis dix ans sur une convention renouvelable tous les deux ans. Lors du dernier renouvellement, on s'est rendu compte que cet objet a vocation à rester ici et que ça faisait beaucoup de pièces administratives alors qu'il n'y a pas de raison pour qu'il reparte.” 
 
Comment préparez-vous le retour du maro'ura en Polynésie ?

“Il fera l'objet d'un convoiement. C'est administrativement, logistiquement compliqué. Marine vient d'ailleurs de suivre à l'institut national du patrimoine, une formation sur les procédures spécifiques des convoiements. Elles sont mises en place entre les musées. Ensuite, la date de départ des pièces sera liée à la livraison du bâtiment du musée. Il faut évidemment qu'on ait un bâtiment pour les accueillir. Cela devrait se faire entre avril et mai 2022, en fonction de notre avancement. Selon une convention passée entre les musées, les pièces ne se déplacent pas toutes seule, elles voyagent avec des conservateurs ou des restaurateurs. Ce qui signifie qu'eux viendront. Cela leur permet de vérifier sur place que les installations conviennent. " 
 
Quelle sera la place du maro'ura dans le musée de Tahiti ?

“C'est un point important. D'ailleurs la signature de la convention en 2019, nous permettait de “garantir” la venue du maro'ura afin de l'intégrer dans la scénographie du parcours général de la salle. Il a fallu une grande adaptabilité de la part des scénographes.
Cette pièce aura la place qu'elle mérite, c'est-à-dire importante et magistrale. Dans la scénographie, elle est dans le passage d'étape d'époque “avant/après” l'arrivée des Européens, puisque c'est tout à fait ce que raconte cette pièce. Le maro'ura aura une cimaise entière à lui tout seul.”
 
On parle de dépôt, prêt, retour sur ses terres… Pour le grand public, la question de restitution vient naturellement à l'esprit. Pouvez-vous nous éclairer sur ce que représente une démarche de restitution, est-elle envisagée ?

“Concrètement sur la restitution : c'est difficile pour un musée français de restituer à un musée français. En général on parle de restitution entre deux musées étrangers. Là la France, ne peut pas se restituer à elle-même ce qui est déjà à elle. 
Le musée de Tahiti a une approche pragmatique de la question : Pour nous, l'intérêt c'est que les Polynésiens puissent voir les pièces. Après, les questions juridiques ou d'affichage sont certes importantes et légitimes, il ne faut non plus que ce soit un frein. Réclamer une restitution est un processus juridique lourd et compliqué. En s'épargnant ce type de débat en travaillant avec la confiance des autres musées, on arrive à avoir tous ces prêts comme celui du maro'ura. On est dans une démarche de confiance, ce qui compte pour nous, c'est que les pièces puissent être vues. Grâce à ces prêts ou dépôts d'autres musées, on est dans un programme de rotation de pièces. Il y aura un roulement, le public polynésien aura un musée dynamique, il aura toujours une nouvelle chose à voir.”
 
A-t-on une idée des autres objets polynésiens qui “dorment” dans les réserves du musée du quai Branly et ailleurs dans le monde ?

“C'est justement la grande question. Après avoir trouvé un fragment avec un to'o (représentation de figure divine, ndlr), le premier réflexe est de se dire il doit y en avoir d'autres. D'ailleurs par la suite, les autres to'o du musée de Lille ont été scannés pour vérifier qu'il n'y avait pas de tapa à l'intérieur. On s'y attend, on l'espère puisqu'on a trouvé un petit bout sur les 3,5 ou 4,5 mètres de ceinture. Que ce soit pour le maro'ura ou d'autres pièces. Dans les musées, l'étude et la connaissance des objets évolue, c'est toujours une enquête générale.”

Marine Vallée, assistante de conservation au musée de Tahiti et des îles : "Une preuve de grande confiance.”

La différence entre prêt et dépôt est-elle significative ?

“C'est surtout en termes de durée. Un prêt est temporaire, pour une durée généralement courte. En France, les collections sont inaliénables, donc on ne peut pas destituer un objet, le faire sortir de l'inventaire des collections nationales. C'est le cas du maro'ura. Il est transféré physiquement ici mais sa propriété légale est à l'État, au musée du quai Branly. Symboliquement il sera là, c'est un dépôt. C'est une preuve de grande confiance.”
 
En tant qu'assistante de conservation, pouvez-vous nous parler d'éventuels autres objets polynésiens méconnus qui se trouveraient ailleurs dans le monde ?

“En général sur les collections, les musées procèdent à des inventaires réguliers. Le musée de Tahiti et des îles et le gouvernement polynésien soutiennent d'ailleurs des campagnes d'inventaires de pièces polynésiennes dans les musées métropolitains. Elles ont déjà débuté depuis des décennies. Il y a aussi des recherches individuelles sur des collections précises. Et aussi, il y a encore des choses dans des familles privées, notamment des descendants de voyageurs, de marins qui ignorent ce qu'ils ont dans leur grenier ou ce que c'est. Ça a été le cas avec le don de Jean-Pascal Laffaille, ce monsieur qui a fait un don d'une mallette contenant des documents du commandant Lavaud et des lettres de la reine Pomare !"

Rédigé par Julie Barnac le Mercredi 22 Septembre 2021 à 17:17 | Lu 1980 fois