​Le Covid plombe le PIB de -7,6% en 2020


Tahiti, le 9 septembre 2021 - Le Produit intérieur brut (PIB) de la Polynésie française s’est effondré de -7,6% en 2020 après sept ans de croissance ininterrompue. Avec la crise Covid, la chute d’activité dans le secteur du tourisme et le ralentissement du niveau de consommation des ménages sont à l’origine de cet effondrement sans précédent. Une baisse de PIB cependant moins rude que celle initialement prévue.
 
La chute est moins importante que prévue mais, en 2020, la Polynésie française a tout de même vécu la dégradation économique “la plus importante jamais observée depuis le début du Centre d’expérimentation du Pacifique dans les années 60”. Le constat est posé par la dernière note des Comptes économiques rapides (Cerom), que publie jeudi l’Institut de la statistique (ISPF) en collaboration avec l’Agence française de développement (AFD) et l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM).
La crise imprévisible et à l’ampleur inédite qu’a traversée la collectivité en 2020 se traduit en effet par une contraction du PIB de -7,6% (609 milliards de Fcfp), après sept ans de croissance ininterrompue, dont +2,7 en 2019, +2,7% en 2018 et +2,4% en 2017. Après une première évaluation en début d’année, cette nouvelle estimation fait cependant état d’un effondrement du PIB polynésien bien moins importante (-2,4 points) que prévue, sur la base des premières observations. Initialement, la chute de PIB pour 2020 avait été estimée à -10% sur l’année 2020. Reste qu’avec un PIB en recul de -7,6%, la Polynésie française a débuté 2021 avec une richesse en retrait de 49 milliards sur un an.
A ce titre le fenua fait figure de collectivité la plus touchée par la crise Covid, parmi les territoires français ultramarins. “Cette baisse de la croissance est comparable à celle de la métropole, où on observe -7,9 points. Dans les autres territoires ultramarins on est plutôt autour de 3 à 3,5% de baisse”, note Nicolas Prudhomme, le directeur de l’ISPF. L’explication est à chercher dans la “structure de consommation du Pays où le tourisme pèse énormément”.

​Effondrement du tourisme...

Le PIB 2020 retrouve le niveau de 2017 et de 2009.
En effet, les restrictions prises dans le monde et localement, avec la fermeture des frontières de fin mars à mi-juillet, pour limiter la propagation du coronavirus, ont très fortement impacté le secteur polynésien du tourisme en 2020. Le nombre de visiteurs a chuté de 67,5% sur un an pour atteindre 77 000 touristes, contre 236 650 en 2019. Le chiffre d’affaires des entreprises soumises à TVA s’est contracté de -11% en 2020 avec un impact prépondérant (-9 points) dû aux pertes d’activité des entreprises liées au tourisme. Les secteurs du transport aérien et de l’hôtellerie ont été les plus touchés, avec des pertes de chiffre d’affaires de plus de 60% par rapport à 2019. “Ce recul sans précédent de l’activité touristique explique plus des deux tiers de la baisse d’activité globale en 2020”, constate la note des Comptes économiques rapides publiée jeudi. Pour compléter ce tableau, notamment en raison de la fermeture des frontières entre fin mars et mi-juillet, les exportations de biens sont en recul de 5 milliards de Fcfp en 2020 (-44% sur un an). Une chute essentiellement liée au repli des exportations de produits perliers, de poissons et de vanille.

​... et ménages au ralenti

La consommation des ménages est en fort recul sur l’année, alors que la consommation publique est venue soutenir la croissance.
Les mesures sanitaires prises pour lutter contre le Covid-19 avec un confinement de mars à mai, et la mise à l’arrêt de nombreuses activités “non essentielles” a eu un effet marqué sur le niveau de consommation des ménages. Sur l’année, il contribue pour -2,6 points de perte de PIB. Les ménages polynésiens ont dépensé 21 milliards de Fcfp de moins l’année dernière qu’en 2019. C’est pourtant traditionnellement le premier moteur de croissance de l’économie locale. La chute d’activité dans l’hôtellerie et le commerce a eu un effet négatif sur le revenu des ménages, en recul de -3% sur l’année. Une dégradation liée à la réduction de 10 milliards de Fcfp de la masse salariale et à une forte dégradation (-12%) du revenu des entreprises individuelles.
Mais ce phénomène a largement été atténué par les dispositifs d’aide mis en place par la puissance publique. Sur l’année 2020, on observe ainsi la destruction de 2 000 (-3,1%) emplois salariés (CDD et vacataires non renouvelés, départs à la retraite non remplacés, licenciements économiques). Une casse probablement réduite de moitié par l’injection de près de 12 milliards (Revenu Exceptionnel de Solidarité, Deseti, Diese, abandon fiscal, prise de capital, etc.) avec le plan de sauvegarde de l’emploi mis en place par le gouvernement. Des soutiens à l’économie complétés en 2020 par plus de 60 milliards injectés par l’État (PGE, fonds de solidarité, etc.) pour soutenir la trésorerie des entreprises, en plus d’un refinancement des banques locales à hauteur de 60 milliards par l’IEOM. Malgré cela, l’ensemble des moteurs traditionnels de l’économie polynésienne terminent l’année en difficulté.

Selon un enquête de conjoncture réalisée auprès des ménages par le Cerom en avril 2021, la crise a impacté l’emploi de près d’un tiers des foyers, sous forme de perte d’emploi ou de réduction des heures travaillées. Un an après le début de la crise Covid, la moitié des ménages indiquait ne pas être en mesure d’épargner. Reste que l’autre moitié a pu mettre de côté, entre mars 2020 et juin 2021, près de 37,4 milliards de Fcfp d’épargne “forcée” par les contraintes de consommation, mais aussi de “précaution” face aux incertitudes sur l’avenir. Une manne qui pourrait s’avérer utile pour contribuer à un retour à la croissance dans les prochains mois. Mais “tout dépendra dans quelle mesure cette épargne sera consommée localement par les ménages, pour être réinjectée dans le circuit économique”, relativise Nicolas Prudhomme. Cela passera certainement par le renforcement des mécanismes incitatifs, voire la création de nouveaux. 

2% de croissance prévus en 2021
 
Selon les premières tendances observées sur le PIB 2021, l’activité économique devrait connaître un rebond d’environ 2% cette année, essentiellement porté par la reprise du tourisme. “Malgré un début d’année encore marqué par des restrictions sanitaires, l’ouverture progressive des frontières à partir de début mai et l’accélération de la campagne de vaccination devraient permettre de retrouver une trajectoire de croissance favorable dès le deuxième trimestre”, analyse la note des Comptes économiques rapides publiée jeudi. “L’activité économique commence à se redresser dès avril, en dépit de l’existence de difficultés d’approvisionnement dans certains secteurs. Elle connaîtrait surtout un rebond significatif sur le deuxième trimestre 2021, puis au début du deuxième semestre avec la reprise du secteur du tourisme, sans pour autant rejoindre les niveaux record de 2019. Les mesures de restrictions sanitaires instaurées à partir du 11 août devraient limiter ce rebond potentiel. Le PIB pourrait ainsi progresser en 2021 d’environ 2%. (…) L’activité ne retrouvera pas son niveau pré-Covid  cette année. (…) La consommation des ménages qui devrait légèrement croître (+1%) avec le regain d’activité de l’emploi devrait être supérieure à la baisse du soutien public.”
Une prévision cependant largement relativisée : “Outre les risques sanitaires, des aléas significatifs pourraient affecter cette projection. D’abord, l’ampleur et la vitesse d’utilisation du surplus d’épargne accumulé par les ménages (…) ; ensuite, l’ampleur et la durée des tensions sur les prix des matières premières et des intrants.”

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 9 Septembre 2021 à 19:29 | Lu 1923 fois