​Le BTP “prêt à reprendre”


Tahiti, le 15 avril 2020 - En fin de semaine dernière, le haut-commissaire Dominique Sorain avait encouragé le secteur de la construction à poursuivre ses chantiers avec une organisation du travail adaptée. Du côté des acteurs du secteur, qui emploie entre 6 000 à 10 000 personnes en Polynésie française, on se dit favorables à une reprise de l'activité à condition de travailler sur un guide des gestes barrière de la construction. Ce qu’explique Heirangi Nouveau, directeur général d’Interoute et président de la chambre syndicale du génie civil et des travaux publics.
 
Est-ce-que depuis le début du confinement le 23 mars dernier, tous les chantiers se sont arrêtés ?

“La première semaine, quelques gros chantiers publics se sont poursuivis. Et puis progressivement ils se sont tous arrêtés. Aujourd'hui sur Tahiti et Moorea tous les chantiers sont arrêtés. Il y a plusieurs explications possibles. Soit parce qu'il y a eu une rupture au niveau de l'approvisionnement pour les matières premières. Soit parce qu'il y avait la peur de la contamination, ce qui est tout à fait normal. Par contre, dans les îles, certaines entreprises continuent de travailler parce qu'elles sont moins exposées au risque de contamination. Pour ma part à Interoute, j'ai tous mes chantiers qui sont dans les îles mais qui sont à l'arrêt, sauf à Ua Pou”.
 
Le haut-commissaire a annoncé la semaine dernière que l'activité doit reprendre, notamment pour le secteur du BTP. Est-ce-que vous êtes prêts à reprendre vos activités, en prenant les précautions sanitaires adéquates ?

“Avant l'annonce du haut-commissaire et du président du Pays, mon syndicat et le Syndicat des entreprises de terrassement de Tahiti et des îles (SETTI), avions adressé le 6 avril un courrier au gouvernement pour leur dire que nous étions à leur disposition pour travailler avec eux de manière stratégique. D'abord pour programmer la reprise des travaux suspendus, et le démarrage des nouveaux chantiers. Ensuite, on a besoin de travailler avec le gouvernement sur le guide des mesures sanitaires. Nous sommes favorables à une reprise de l'activité à condition que l'on travaille sur ce guide des gestes barrière de la construction. Un guide existe déjà en métropole. Nous avons donc proposé au Pays de le reprendre et de l'adapter localement. Nous avons demandé que les syndicats des salariés, que la direction du Travail, l'OPH et TNAD soient également associés. Nous les patrons nous avons fait nos recommandations, on attend désormais un retour du Pays.”
 
Ce guide que vous évoquez  indique notamment que “se laver les mains avec l’accès à un point d’eau et du savon est une condition incontournable pour autoriser l’activité”. Est-ce qu'il est possible d'appliquer cette précaution pour tous les chantiers ?

“Le guide s'articule autour de trois consignes principales. La distanciation, le lavage des mains et le port des masques et des gants. Alors sur la distanciation, pour les chantiers bâtiment, cela va être compliqué en effet de faire respecter cette mesure. Il reviendra à chaque maitre d'ouvrage de limiter la coactivité. C'est-à-dire éviter qu'il y ait en même temps le peintre, le carreleur, l'électricien ou le plombier. Il y a donc une organisation au préalable à prévoir. Pour le lavage des mains, il y a toujours de l'eau quelque part sur un chantier. Mais si je prends l'exemple encore d'un bâtiment, les personnes qui travaillent au quatrième étage, n'auront pas forcément accès à un point d'eau. Nous avons donc préconisé dans notre guide de fournir deux bouteilles d'eau à chaque travailleur pour qu'ils puissent se laver fréquemment. Ce n'est pas compliqué à mettre en place, et ça ne coûte pas forcément plus cher.”
 
Concernant le port des masques, sera-t-il obligatoire sur les chantiers ?

“Le guide indique que le port du masque n’est obligatoire que dans les cas où on est amené à travailler à moins d'un mètre d'une autre personne, ou lorsque l'on intervient chez un particulier qui a été contaminé par le virus. Et dans tous les autres cas, le port du masque n'est pas obligatoire. Il revient donc à la direction de chaque entreprise, en concertation avec ses salariés, de décider si elle veut rendre le port du masque obligatoire. Dans ce cas, on préconise l'utilisation de masques en tissu avec lesquels il est plus facile de travailler sur un chantier et que l'on trouve facilement aujourd'hui. Avec ce masque, on recommande aussi de porter une visière pour une protection complète.”
 
A partir de quand on peut espérer une reprise “normale” de l'activité dans le BTP ?
 
“Comme je l'ai dit, nous avons rendus nos recommandations au Pays pour le fameux guide. On attend maintenant la promulgation en conseil des ministres qui pourraient intervenir cette semaine ou la semaine d'après. A partir de là, l'activité pourra repartir avec un cadre bien spécifique. Ensuite il y aura un travail d'information à faire dans toutes les entreprises. D'ailleurs, le guide prévoit un questionnaire pour se renseigner sur l'état de santé des travailleurs. Cette fiche constitue un auto-diagnostic destiné aux travailleurs. Il permet d’évaluer son état de santé avant de se rendre sur son lieu de travail, ou bien en arrivant sur le chantier, voire en cours de journée.”
 
On imagine qu'après pratiquement un mois d'arrêt, les pertes sont importantes pour les entreprises ?

“Comme tout le monde en ce moment, on est tous en difficulté. Il faut rappeler que ce ne sont pas les patrons du BTP qui ont demandé la reprise de l'activité. Ce sont les autorités du Pays et de l'Etat. De notre côté, nous sommes prêts à reprendre mais nous avons besoin d'un cadre pour assurer la sécurité de nos salariés, parce qu'eux aussi ont besoin de travailler. Il faut savoir que le BTP emploie entre 6 000 et 10 000 personnes. Nous avons quand même la chance de pouvoir reprendre nos activités par rapport à d'autres secteurs de l'économie, comme le tourisme, qui sont encore à l'arrêt pour un moment.”
 
Est-ce qu'un certain nombre d'entreprises du bâtiment ont eu recours aux mesures d'aides proposées par le Pays, par exemple le revenu exceptionnel de solidarité ?
“Pour mon cas à Interoute, on a fait appel à cette aide pour les personnes qui sont en contrat à durée déterminée (CDD). Pour les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) on en train d'épurer les congés. Pour ceux qui n'avaient pas assez de jours de congés, j'ai proposé de mettre en place des dons de congés. Par solidarité, les salariés ont accepté. Pour le mois d'avril, on n'aura pas de problèmes pour les payer. Mais pour le mois de mai on a vraiment besoin que l'activité redémarre. Et puis pour le gouvernement le BTP reste l'un des seuls leviers à actionner pour relancer l'économie du pays.”

​Feu vert du Pays et de l’Etat

La semaine dernière, lors de l’annonce de la prolongation du confinement jusqu’au 29 avril, le haut-commissaire Dominique Sorain et le président Edouard Fritch avaient insisté sur l’importance de la poursuite de l’activité économique malgré les mesures de confinement. Ceci “pour limiter les impacts de la crise” mais “dans le strict respect de la protection des salariés, des professionnels et des clients”, appelait de ses vœux le haut-commissaire, encourageant le secteur de la construction à “poursuivre ses chantiers avec une organisation du travail adaptée”. Mardi, lors d’une visite du Port autonome, le ministre de l’Equipement, René Temeharo, estimait lui-aussi parfaitement réaliste une reprise des chantiers en Polynésie française. “Les travaux en cours, ce sont les entreprises privées qui les opèrent pour le compte du Pays. On ne les a jamais arrêtés. Bon, il y a eu un moment donné un problème du fournisseur d’agrégat qui a dû arrêter la fourniture, ce qui fait qu’on a dû attendre un peu”, expliquait le ministre. Pour René Temeharo en tout cas, le feu vert est donné aux entreprises du privé qui ont d’ailleurs “déjà repris petit à petit”“Ça pourra reprendre davantage d’ici quelques jours, mais il y en a qui ont déjà commencé”.

Rédigé par Désiré Teivao le Mercredi 15 Avril 2020 à 23:42 | Lu 2612 fois