​La mission cancer bientôt au rapport


Tahiti, le 13 décembre 2021 – La mission menée par l'Institut national du cancer en Polynésie française a détaillé lundi ses objectifs au terme de cinq jours de visites de terrain de Tahiti à Nuku Hiva, avec en ligne de mire un rapport prévu pour février 2022 pour accompagner le Pays dans sa politique de lutte contre les cancers.

Annoncée par le Président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa visite en juillet dernier au fenua, une mission menée par l'Institut national du cancer s'est rendue pendant cinq jours en Polynésie française. De Tahiti à Nuku Hiva, le président de l'institut et son directeur, Norbert Ifrah et Thierry Breton, ont également été accompagnés par la directrice adjointe et le vice-président de la CME du CHU de Bordeaux, ainsi que le doyen de la faculté de médecine de Bordeaux. Lundi soir, au terme de nombreuses visites et rencontres d'intervenants de l'organisation des soins, praticiens ou associations, ils ont organisé tous les cinq une conférence de presse au haussariat pour préciser les objectifs exacts de leur mission.
 
“La mission de l'Institut national du cancer est d'aider la Polynésie à réduire le poids des cancers dans la vie de chaque personne qui vit en Polynésie. Ceci dans tous les champs de la cancérologie, qu'il s'agisse de la prévention des cancers, du dépistage, de l'organisation des différents soins et de la lutte contre les séquelles”, a résumé le professeur Norbert Ifrah. L'idée étant de “recouper les opinions” et de “voir ce qui marche bien, ce qui peut être amélioré ou ce qui a besoin d'une réflexion particulière”. Cette visite de terrain terminée, la mission va fournir courant février 2022 un rapport à destination du Pays. Un état des lieux pour proposer des “pistes” et des “solutions concurrentes” dans lesquelles le Pays ira piocher “ce qui lui conviendra le mieux”. Une assistance à la future feuille de route de la Polynésie dans la lutte contre le cancer, “évidemment” pour le nouvel Institut du cancer mais aussi plus généralement pour l'organisation des soins au fenua.
 
Le nucléaire “n'est pas notre sujet”
 
Et si cette mission fait directement suite à la table ronde sur le nucléaire organisée à Paris, les membres de la mission souhaitent marquer leur distance avec cet aspect des choses. “Ce n'est pas notre sujet. (…) Notre sujet, il est de soigner, de dépister et de réduire les cancers en Polynésie. Notre sujet c'est de guérir les gens”.
 
Sans vouloir dès à présent rentrer dans les détails de leurs premiers constats sur place, les membres de la mission ont néanmoins évoqué des discussions sur la cancérologie avec le département des Sciences humaines de l'université de la Polynésie française “pour tenir compte de la spécificité” du Pays. Ils ont évoqué le problème du registre du cancer “un peu erratique” qui n'a pas permis de donner une cartographie convenable des cancers au fenua ces dernières années. Et ils ont également évoqué les conséquences, très actuelles, de la crise covid. “Une quasi-disparition des dépistages” et “des diagnostics plus tardifs” largement constatés en métropole et “évidemment” en Polynésie française.
 
Reste maintenant à attendre le rapport de cette mission cancer. Le haut-commissariat annonçait la semaine dernière qu'il permettra également d'identifier “de manière concrète l'accompagnement opérationnel de l'État à la politique de lutte contre les cancers mise en œuvre par le Pays”.
 

​Norbert Ifrah, président de l'Institut national du cancer : “Lutter contre un certain fatalisme”

Dans les grandes lignes, qu'est-ce qui fait les spécificités de la Polynésie sur la lutte contre le cancer ?

“Ce qu'on voit et qui est très inhabituel, c'est la dispersion géographique très importante. Je n'ai pas besoin de vous dire que de Papeete à Nuku Hiva on a Paris-Stockholm, qu'il y a beaucoup d'îles avec des moyens qui sont dispersés, un rapport à la vie qui est parfois un peu différent et qui mérite une réflexion collective. Je crois qu'il y a à lutter contre un certain fatalisme. Je le pense. Et je crois qu'on va le faire en stimulant des recherches en sciences humaines et sociales actives et opérationnelles, ce qu'on appelle de la recherche-action, pour essayer de mieux comprendre les leviers et déterminants de ce fatalisme. Il faut qu'on arrive à apprendre aux Polynésiens à vivre et à accepter à la fois les médecines traditionnelles auxquelles ils tiennent beaucoup et des médecines plus classiques qui elles-aussi ont fait leurs preuves, et qui ne sont pas forcément en opposition les unes avec les autres. Qui sont même rarement en opposition. Mais il faut absolument qu'ils apprennent à ne pas attendre l'échec de la médecine traditionnelle pour se tourner vers la médecine classique. Parce que le temps, dans la lutte contre le cancer, c'est l'ennemi.”
 
Sur quelles pistes pouvez-vous travailler par exemple ?

“Je n'ai pas besoin de vous dire que le tabagisme en Polynésie est un facteur de risque encore plus important qu'ailleurs en France. Oui, il faut lutter contre le tabagisme absolument. Il faut avoir une prise de conscience collective de ce risque. Et il ne faut pas penser que c'est une bataille perdue. En métropole, on a perdu près de 10% de fumeurs quotidiens en cinq ans. L'Australie, l'Angleterre, les États-Unis ont fait encore mieux que nous. Et donc il y a très clairement, vis à vis du risque du tabac, des marges de progrès qui sont très importantes. Or c'est d'autant plus important qu'une grande partie de la population, les baby boomer, va rentrer dans l'âge où les cancers sont plus fréquents et où ils sont plus à risque. Donc c'est un très bon moment pour prendre de bonnes habitudes.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 13 Décembre 2021 à 21:13 | Lu 1165 fois