​La CPS mise au régime sec


Tahiti, le 25 octobre 2021 – Dans une “lettre de cadrage” pour les budgets 2022 de la CPS, que Tahiti Infos s'est procurée, le ministre en charge de la Protection sociale, Yvonnick Raffin, serre la ceinture de son ancien établissement au dernier cran. Objectif : franchir cette “année de transition” avant les effets de la réforme de la PSG.
 
S'il en restait encore pour douter de la vitesse à laquelle notre modèle de financement de la protection sociale généralisée (PSG) fonçait dans le mur, la lecture de la dernière “lettre de cadrage” du ministre Yvonnick Raffin pour le budget 2022 de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) devrait achever de les convaincre qu'en réalité le crash a peut-être déjà eu lieu… Dans ce courrier adressé il y a dix jours aux présidents des trois régimes et au directeur de la CPS, que Tahiti Infos s'est procuré, le ministre en charge de la PSG expose ses “orientations budgétaires pour 2022”. Une sorte de guide pour la constitution des budgets 2022 de la Caisse, modèle manuel de survie.
 
Et pourtant, le gouvernement sait globalement comment il compte négocier son virage de la réforme de la PSG. La “TVA sociale” a déjà été annoncée. Elle devrait permettre d'apporter un nouveau souffle au financement des régimes sociaux. Mais elle ne sera mise en place que l'année prochaine… D'ici là, il faut serrer les boulons au maximum pour passer 2022 comme une “année de transition” avec “une rigueur exemplaire”, pour reprendre les propos du ministre. Ministre qui conclut d'ailleurs son courrier en assurant que : “les efforts sous-tendus par ce cadrage budgétaire, dont j'ai bien conscience de l'extrême difficulté, sont à la hauteur de la situation dégradée de notre système de protection social et visent à faciliter la transition vers un système plus pérenne”.
 
“Cessation de paiement virtuelle”
 
Dans sa lettre de cadrage, le ministre Yvonnick Raffin dresse d'abord un constat inlassablement répété ces derniers mois : la CPS a “encaissé un choc sanitaire et économique sans précédent”. Sans “action volontariste”, sans réforme donc, il estime le déficit des comptes sociaux pour 2022 à -7 milliards de Fcfp. Autant dire, quasiment du jamais vu. Mais surtout, il explique qu'avec la crise la “dégradation en termes de trésorerie des régimes contributifs de protection sociale n'a fait que s'accroître pour placer la CPS en situation de cessation de paiement virtuelle”. Pourquoi ? Parce que sans le premier prêt garanti par l'État et ses 9,6 milliards de Fcfp pour renflouer les régimes sociaux et 6,9 milliards de Fcfp pour que le Pays solde la dette du Fades (Fonds pour l'amortissement du déficit social), la CPS ne serait déjà plus aujourd'hui en mesure de payer les prestations de retraite et de santé…
 
La baisse des cotisations et l'augmentation “substantielle” des dépenses de santé pendant la crise Covid font qu'aujourd'hui la CPS dépense chaque mois plus qu'elle n'encaisse. Un “essoufflement” de l'équilibre budgétaire de la Caisse qui n'est pas seulement “conjoncturel” mais qui “trouve ses racines dans un mal structurel bien plus profond”, selon le ministre. Un “ultime” prêt garanti par l'État de 7,4 milliards de Fcfp permettra de boucler ce dernier exercice, mais la CPS ne pourra évidemment pas se financer à l'avenir qu'en empruntant de l'argent à Paris.
 
“Innover” contre les fraudes et abus
 
Ce contexte étant posé, le ministre dresse une série de recommandations pour “maîtriser les dépenses”. En premier lieu, il insiste sur un “renforcement des contrôles des fraudes et des abus” ainsi qu'une “contention des charges de fonctionnement”. “Je vous demande de formuler des propositions innovantes en la matière”, lance même Yvonnick Raffin. Les médecins n'avaient déjà pas apprécié d'être “fliqués” par la CPS sur les arrêts maladies pendant l'épidémie, on imagine qu'ils ne goûteront pas vraiment cet appel à “innover” pour mieux contrôler… Même si, sur ce point, un proche du dossier affirme qu'il y a un réel consensus entre patrons et syndicats pour serrer la vis.
 
Autre recommandation, qui fera plutôt l'effet d'une bonne nouvelle cette fois-ci, le ministre demande qu'il n'y ait “aucune augmentation en matière de cotisations sur les risques maladie, accident du travail et prestations familiales”. Ceci pour éviter “d'alourdir le coût du travail” et préserver les perspectives de “retour à la croissance”. Moins drôle, les pensions et les allocations retraites “ne seront pas réévaluées en 2022”. Même si, sur ce dernier point, le ministre dit attendre les préconisations du Conseil d'orientation et de suivi des retraites (COSR) pour éventuellement “réviser” cette orientation durant l'année. Les prestations familiales “accuseront une décrue de 1%”, demande également le ministre. Même s'il s'agit ici surtout d'une évolution liée à la “démographie” et à la faible natalité. Moins d'enfants, donc moins de prestations familiales…
 
Notons enfin qu'Yvonnick Raffin demande également un “moratoire” sur l'ouverture de nouvelles structures de soins à compter du 1er janvier 2022. La Caisse n'aurait pas de quoi les financer. “Tout besoin exprimé fera l'objet d'un examen approfondi visant notamment à expertiser sa soutenabilité financière”, prévient le ministre. La CPS est mise au régime sec.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 25 Octobre 2021 à 21:19 | Lu 4949 fois