​L’innovation publique enseignée aux élus


PAPEETE, le 21 octobre 2019 - Plusieurs conférences sont organisées cette semaine à la présidence pour les journées de l’innovation publique. L'objectif est d'inciter les décideurs publics "à déployer une culture de l’innovation à tous les niveaux de l’administration".
 
"Ce n’est pas en améliorant la bougie que l’on a inventé l’ampoule électrique". C’est par cette citation du physicien danois Neils Bohr que les auditeurs sont interpellés d’emblée pour la série de conférences données à la présidence sur le thème de l’innovation publique. Dans le cadre thématique "De l’innovation en discours à l’innovation en actes : osons l’innovation ensemble !", trois séries de conférences y sont données cette semaine pour les journées de l’innovation en Polynésie française.

Lundi et mardi, cette formation conçue et animée par des intervenants de l’Ecole nationale d’administration (ENA) s’adresse aux décideurs de la fonction publique (membres du gouvernement, collaborateurs des cabinets, représentants de l’assemblée, maires et collaborateurs, etc.)

Mercredi, pour la 4e édition de la Journée de l’innovation publique, la présidence (9 heures – 17 heures) et le Haut-commissariat (7 h 30 – 16 heures) ouvrent leurs portes en proposant aux citoyens plusieurs conférences et ateliers sur la thématique "En Polynésie française, les institutions, les services publics et les administrations innovent".

Jeudi et vendredi, une nouvelle série de conférences sera donnée à la présidence à l’attention de 100 cadres des trois fonctions publiques, sur le thème "Expérimenter l’innovation publique".

Nouveau regard de l'administration

"L’idée est de développer l’innovation publique en Polynésie. C’est une démarche qui est engagée depuis trois à quatre ans. Nous avons développé les Journées de l’innovation publique, en lien avec l’événement national. Il s’agit de montrer des outils et des techniques innovants pour essayer de faire évoluer aussi bien la conception des politiques publiques, le service à l’usager, que le mode de management et de gestion des équipes et des agents de l’administration", commente Eric Déat, le directeur du service de la modernisation et des réformes de l’administration (DMRA).

L’innovation publique, ce n’est pas seulement l’arrivée du numérique dans l’administration. C’est avant tout l’intégration disruptive de nouveaux outils ou méthodes (nouvelles technologies, nouvelles connaissances, nouvelles compétences, nouvelle organisation, nouvelle gestion, etc.) au service de l’amélioration de la vie des citoyens. Une administration qui, en adoptant ce principe, se donne pour vocation d’être au service de l’usager et à l’écoute de ses attentes.

"Face aux attentes des citoyens et aux besoins des usagers, les administrations polynésiennes et leurs agents doivent s’adapter pour un service public juste, simple et efficace, a insisté Edouard Fritch lundi lors de son discours pour l'ouverture de la semaine de l'innovation publique. Relever ce défi nécessite de repenser l’action publique en plaçant l’usager au centre des organisations administratives. L’innovation publique constitue un levier essentiel de la modernisation de nos administrations."

L’année dernière, une centaine de cadres de la fonction publique, de l’Etat, du Pays et des communes, ont été formés à cette nouvelle conception de l’administration. Au sein de cet effectif, 12 personnes ont été volontaires pour devenir des "facilitateurs". Elles ont suivi une formation méthodologique et technique à Paris. Ces facilitateurs sont aujourd’hui en charge d’aider, dans leur administration, la conduite par les agents de projets de façon innovante.

Cette année, les Journée de l’innovation s’adressent aux élus et aux cadres de l’administration. "L’objectif est de déployer une culture de l’innovation à tous les niveaux de l’administration", explique Eric Déat en admettant que beaucoup de travail reste à accomplir. "La feuille de route est chargée mais très passionnante. Nous sommes engagés dans une transformation de l’administration avec l’objectif de simplifier le parcours de l’usager, faire que toutes les administrations aient maintenant une vision qui soit centrée sur l’usager et non pas sur elles-mêmes. Il y a aussi une dimension technologique, nous l’avons vu la semaine dernière avec le Digital festival Tahiti. C’est aussi un travail sur l’accueil au guichet, téléphonique. Nous avons un spectre relativement large, qui inclut les accès de proximité dans les archipels."

"C’est une philosophie de l’action publique"

Françoise Waintrop, coordinatrice de la chaire innovation publique à L’Ecole nationale d’administration.
Quel message destinez-vous aux élus et cadres de l’administration présents à cette conférence ?
 Que l’innovation est quelque chose de nécessaire. On va essayer de faire passer cette nécessité de travailler différemment, et cette idée que l’on ne peut plus travailler aujourd’hui comme il y a vingt ans.
 
Qu’est-ce l’innovation dans l’administration ?
L’innovation, c’est mettre en œuvre quelque chose de nouveau au sein du secteur public. Nous avons tendance à dire que cela ne doit pas simplement être nouveau mais surtout transformant et plus efficace. Innover, c’est essayer de trouver les meilleures idées, les meilleurs projets. En fait, on se situe dans une sorte de transformation de notre vision de fonctionnaire : on doit être des trouveurs de solution.
 
Comment se situe l’administration polynésienne dans cette dynamique d’innovation ?
Nous avons un partenariat avec la Polynésie française depuis 18 mois. J’ai été très étonnée par l’implication. Pour nous c’est un très bon exemple de ce qu’il faut faire. Il y a une dynamique ici qui pour nous est assez extraordinaire.
 
En quoi l’innovation aide-t-elle dans la conception des politiques publiques ?
L’innovation dans l’administration, c’est une philosophie de l’action publique qui part du terrain, qui s’intéresse et comprend les besoins de l’usager. A partir de là, dans le cadre d’un travail collectif, on va trouver des solutions auxquelles on n’aurait jamais pensé en restant tout seul dans son bureau. En métropole, diverses structures se sont mise en place dans l’administration pour permettre ces échanges transversaux et ouverts afin de trouver des solutions avec plus de créativité.
Dans notre culture, on essaye de transformer cette habitude des plans d’actions, on essaye de tester au fur et à mesure. Il y a une agilité, un côté "Je ne sais pas tant que je n’ai pas fait". La culture administrative de base a tendance à vouloir penser un modèle parfait, parfois très cher, et qui souvent ne marche pas. L'innovation publique, c’est vraiment une philosophie du "test and learn".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 21 Octobre 2019 à 17:34 | Lu 16849 fois