​L'appel du 18 mai d'Oscar Temaru


Tahiti, le 15 mai 2020 - Sept ans après la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU, Oscar Temaru veut « marquer le coup ». Un rassemblement à la stèle à Hotuarea est prévu dimanche. Le leader souverainiste a également lancé un appel solennel aux parents pour ne pas amener leurs enfants à l'école lundi et utiliser cette journée à la sensibilisation des jeunes à la cause indépendantiste.

Si Oscar Temaru n'avait pas les accents du général de Gaulle, certaines incantations s'en inspiraient. Lors de la conférence de presse qui s'est tenue ce vendredi matin à la permanence du Tavini, il n'a pas manqué de moquer un « statut qui n'a d'autonomie que le nom ». Dans une salle bondée où la distanciation sociale n'avait également de distanciation que le nom, le leader souverainiste n'a pas manqué d'ironiser sur « qui a vraiment dirigé le Pays pendant la pandémie » ou sur le « nouveau traducteur » du haut-commissaire.
 
Souverainetés alimentaire et financière
 
Dans un discours oscillant entre nostalgie et désir d'avenir de « nos enfants » et rebondissant sur les polémiques actuelles, il a puisé dans la philosophie taviniste habituelle. Si de Gaulle combattait l'occupation allemande de la France, Temaru a choisi de rappeler le droit de propriété du peuple maohi « sur cette terre, sur nos lagons qui sont envahis à Faa'a ». Des lagons « piscines de nos enfants, c'est là que l'on a appris à nager et pêcher et où nos enfants vont apprendre à nager et pêcher ». Dans un contexte de fermeture des frontières, la souveraineté alimentaire est revenue sur le tapis avec l'indispensable régénération des cocoteraies et le zonage des terres agricoles, ce « pan de l'économie a été mis de côté ».
 
Quid des réformes pour relancer l'économie du fenua ? Sur ce point, le chef de parti s'est montré moins disert, évoquant seulement que la possibilité de faire des économies sur les caisses du Pays et la nécessité de faire des emprunts pour lancer des grands chantiers. Des emprunts qui doivent se faire sur les marchés financiers ou ailleurs car « il existe d'autres possibilités de financement que la France pour aider la Polynésie ». Fort du constat qu'« on attend tout de Paris », il s'interroge malicieusement pour savoir « si on va continuer à faire la danseuse » devant la France.
 
Droit de vie et de mort
 
La rencontre avec les médias avait surtout pour but de dévoiler le programme des festivités du parti pour célébrer les sept ans de l'adoption par l'ONU de la résolution réinscrivant la Polynésie française sur les territoires non autonomes. Et comme cette résolution de mai 2013 « n'a jamais été respecté par la France », Temaru veut faire une grosse piqure de rappel en organisant ce dimanche à 16 heures à la stèle à Hotuarea un rassemblement avec le dépôt de gerbes pour continuer le combat vers la souveraineté, sept ans jour pour jour après la réinscription. Une souveraineté que le leader a comparée, en citant Tolstoi, à un « droit de vie et de mort » de l'Etat sur Maohi nui, « on a confié notre souveraineté à des gens qu'on ne connait pas ».
 
Le Tavini assure sa continuité pédagogique
 
Un combat et un effort de sensibilisation de la population pour lesquels le Tavini va assurer la continuité pédagogique. Un site, toujours en construction, devrait voir le jour prochainement. Sur maohinui.org, les jeunes et moins jeunes pourront cliquer, dans les jours qui viennent, sur des contenus retraçant le long combat depuis 1946 vers la réinscription. Un travail d'éducation à faire pour combler le vide de l'enseignement traditionnel des enfants parce que « justement, ils ne font pas à l'école ». Oscar Temaru veut aussi que la journée de lundi ne soit pas celle de la reprise des cours dans les écoles polynésiennes mais celui de l'information sur le long chemin vers l'indépendance dans les foyers. « Je demande à tous les parents de marquer le coup » et de « rester à la maison pour apprendre ce qui s'est passé le 17 mai 2013 » aux enfants. Un appel à un « chappe l'école » pour la bonne cause en quelque sorte pour une journée dédiée à l'information des plus jeunes mais également à un retour aux sources des valeurs polynésiennes.
 
Un appel qui trouvera peut-être un écho au niveau local mais probablement moins au niveau international. La crise a en effet suspendu l'agenda de l'ONU et le parti semble se résoudre à l'idée qu'aucune nouvelle résolution n'interviendra avant la fin de l'année pour rappeler l'Etat le principe d'autodétermination. Le parti et son leader ne perdent pas espoir. Comme disait de Gaulle, « la fin de l'espoir est le commencement de la mort ».

Oscar Temaru : « J'appelle ça de l'esclavage moderne »

Vu la façon dont la crise est gérée selon vous, cela prouve que la Polynésie est bien un territoire non autonome ?
 
« J'ai entendu les critiques des uns et des autres disant que notre président était devenu traducteur. On oublie que celui qui dit ça, c'est celui qui a négocié ce statut et qui a tant vanté ce statut dans lequel il donne à l'Etat le droit de souveraineté. Cela veut dire quoi ? C'est le droit de vie ou de mort ! (…) Comment on peut humainement confier cela à quelqu'un qu'on ne connait pas ? C'est inadmissible. Voila leur statut, depuis toujours, depuis 1977. Nous nous sommes battus contre tous ces statuts d'autonomie qui n'a d'autonomie que le nom. (…). Il y a une décision à faire. Ça ne veut pas dire qu'on veut chasser la France. Le haut-commissaire il reste, il devient monsieur le consul, comme tous les autres consuls qui sont ici. »
 
Sept ans depuis la réinscription, mais aussi sept ans que vous avez quitté le pouvoir. Vous n'êtes pas également frustré de ce que vous auriez pu faire ?
 
« Mais si, si. Mais je n'ai pas quitté le pouvoir. L'Etat a mis en place ce que j’appellerai l'esclavage moderne. Nous avons toutes les preuves que le Conseil d'Etat a reçu des directives depuis la plainte que nous avons déposé à la Cour pénale internationale de la Haye pour crime contre l'humanité, contre les anciens présidents de la République. C'est à partir de là. Je me rappellerai toujours de la réaction de la ministre d'outremer, Mme Girardin, disant 'la France ne se laissera pas faire'. C'est ça, c'est ce qui se passe. Harcèlement, acharnement contre Oscar Temaru et tout ceux qui l'entourent. J'appelle ça de l'esclavage moderne. Quand on a pas les moyens de le tuer politiquement, on utilise la justice pour me faire taire. Où est le droit à l'autodétermination ? Où est la liberté d'expression ? »

Rédigé par Sébastien Petit le Vendredi 15 Mai 2020 à 15:56 | Lu 3035 fois