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​L'IPEF, nouvelle initiative économique américaine en Asie-Pacifique à l'efficacité incertaine


Le Premier ministre japonais Fumio Kishida (D) et son épouse Yuko Kishida (G), ce lundi en compagnie du président américain Joe Biden, à leur arrivée au Kochuan un restaurant traditionnel de Tokyo. Photo : Rodrigo Reyes Marin / POOL / AFP.
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida (D) et son épouse Yuko Kishida (G), ce lundi en compagnie du président américain Joe Biden, à leur arrivée au Kochuan un restaurant traditionnel de Tokyo. Photo : Rodrigo Reyes Marin / POOL / AFP.
Tokyo, Japon | AFP | lundi 23 mai 2022 - Le président américain Joe Biden a annoncé lundi à Tokyo le lancement d'un nouveau partenariat économique en Asie-Pacifique pour faire contrepoids à la Chine, mais des experts se montraient réservés voire sceptiques quant à sa portée réelle au-delà du symbole.

Le Cadre économique pour l'Indo-Pacifique (Indo-Pacific Economic Framework, IPEF) n'est pas un accord de libre-échange, mais il est censé faciliter l'intégration entre ses pays signataires via l'adoption de normes communes dans quatre domaines clé : l'économie numérique, les chaînes d'approvisionnement, les énergies vertes et la lutte contre la corruption.
"C'est un engagement pour travailler avec nos amis proches et partenaires dans la région, sur des défis qui importent le plus pour assurer la compétitivité économique au 21e siècle", a déclaré M. Biden.
L'IPEF comprend initialement 13 pays: les Etats-Unis, le Japon, l'Inde et l'Australie - les quatre Etats composant le format diplomatique du "Quad" qui se réunira mardi à Tokyo - ainsi que Brunei, la Corée du Sud, l'Indonésie, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.

"Nous partageons un engagement pour une région indo-pacifique libre, ouverte, équitable, inclusive, interconnectée, résiliente, sûre et prospère", ont déclaré dans un communiqué commun ces pays qui pèsent ensemble environ 40% du PIB mondial.
En tant que "plateforme ouverte", l'IPEF pourrait accueillir d'autres pays à terme, a précisé Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche. 
 
"Alternatives à la Chine"
 
Mais cette initiative apparaît clairement conçue par Washington pour tenter de limiter l'influence grandissante de la Chine en Asie-Pacifique. Pékin se sent d'ailleurs délibérément exclu et l'a déjà vertement fait savoir.
Washington cherche "à former de petites cliques au nom de la liberté et de l'ouverture" en espérant "contenir la Chine", a critiqué dès dimanche le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, considérant le projet américain "voué" à l'échec.
Sous Donald Trump, le prédécesseur de M. Biden à la Maison Blanche, les Etats-Unis s'étaient retirés avec fracas en 2017 du Partenariat transpacifique (TPP), un vaste accord multilatéral de libre-échange qui a fait l'objet d'un nouveau traité en 2018 sans Washington.
M. Biden ne souhaite pas relancer de grands accords de libre-échange devant une opinion publique américaine qui voit majoritairement ces traités comme une menace pour les emplois aux Etats-Unis.
Cependant, tout en saluant l'IPEF, le Premier ministre japonais Fumio Kishida a répété lundi le souhait du Japon de voir les Etats-Unis rejoindre à terme le successeur du TPP.
L'IPEF est bien vu par les milieux d'affaires en Asie-Pacifique, qui "recherchent de plus en plus des alternatives à la Chine", a assuré la secrétaire américaine au Commerce Gina Raimondo.
 
Taïwan absent aussi
 
Divers experts sondés par l'AFP sont cependant dubitatifs pour le moment. L'IPEF "semble s'appuyer sur la démonstration que les Etats-Unis ont été une force de stabilité dans la région depuis la Seconde Guerre mondiale et que cela justifie un alignement sur eux sur les questions régionales", a estimé Robert Carnell, chef économiste en Asie-Pacifique chez la banque néerlandaise ING.
Mais des pays émergents de la région pourraient être moins sensibles à cet héritage historique par rapport à des investissements chinois "purs et durs", a-t-il ajouté.
Washington tente de "semer la zizanie" avec l'IPEF. Mais faute d'être un accord de libre-échange, ce partenariat risque d'être "très mou", d'autant que beaucoup de pays d'Asie-Pacifique ne veulent pas froisser la Chine, a jugé Kazuhiro Maeshima, un spécialiste de la politique américaine à l'université Sophia à Tokyo.
Illustrant cette ligne de crête fragile, le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong a salué l'IPEF, un "précieux signe" selon lui que l'administration Biden "comprend l'importance de la diplomatie économique en Asie", tout en jugeant "positives" également les initiatives économiques chinoises dans la région, dans un entretien accordé au quotidien japonais Nikkei paru lundi.
Autre faiblesse apparente de l'IPEF, l'absence notable de Taïwan parmi les pays participants, alors que cette île -que Pékin voudrait voir revenir dans son giron- est un hub mondial de l'industrie des semi-conducteurs et d'autres technologies clé.
Washington "veut renforcer son partenariat stratégique avec Taïwan", y compris dans les semi-conducteurs et les chaînes d'approvisionnement, mais cela aura lieu "sur une base bilatérale", a précisé M. Sullivan.

Rédigé par AFP le Lundi 23 Mai 2022 à 16:02 | Lu 592 fois