​Guy Laliberté condamné à deux millions d’amende


Me Yves Piriou, l’homme d’affaires Guy Laliberté et Me Jean-Yves Le Borgne au palais de justice de Papeete, mardi.
Tahiti, le 4 mai 2024 - Le fondateur du Cirque du Soleil et propriétaire de l’atoll de Nukutepipi a été condamné, mardi par le tribunal correctionnel, à une amende de deux millions de francs pour usage et détention de cannabis. Il a été relaxé des faits de trafic pour lesquels il était également poursuivi. 
 
Un peu plus de quatre ans après avoir été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte pour trafic de stupéfiants, le milliardaire canadien, fondateur du Cirque du Soleil et également propriétaire de l’atoll de Nukutepipi, Guy Laliberté, ainsi que son ex-directeur général et son ancien directeur informatique ont comparu devant le tribunal correctionnel, mardi. 
 
Tel que l’a rappelé le président du tribunal au début de l’audience, cette affaire ultramédiatisée, notamment au Canada, avait débuté fin 2019 lorsque le directeur général de Nukutepipi avait été interpellé dans un hôtel de la côte ouest de Tahiti alors qu’il venait chercher un colis à la réception contenant un ordinateur et des pochons remplis de paka. Dans son téléphone, les gendarmes avaient trouvé des photos montrant une petite plantation de paka sur l’atoll du milliardaire. Placé en garde à vue durant 24 heures, l’homme d’affaires canadien avait immédiatement reconnu qu’il faisait pousser du paka sur son île afin de l’utiliser dans un but thérapeutique. 
 
“Entière responsabilité”
 
Tout comme il l’avait fait durant sa garde à vue puis lors de son interrogatoire de première comparution devant le juge d’instruction, Guy Laliberté a donc reconnu mardi qu’il avait planté 48 pieds de paka dans un container afin de soulager des douleurs liées à son “ancienne vie d’acrobate”. Outre cette “utilisation médicale”, le milliardaire canadien a également expliqué qu’il avait créé sa propre plantation car il ne voulait pas être en relation avec d’éventuels dealers et que cela lui assurait une “meilleure qualité” du cannabis. L’homme d’affaires s’est également excusé auprès de ses deux coprévenus en assurant qu’il portait une “entière responsabilité” dans cette affaire. 
 
Entendu à son tour, l’ancien directeur général de Nukutepipi, ingénieur agronome de formation, a ensuite expliqué qu’il avait été “un peu surpris” par la demande de son patron mais a reconnu avec sincérité qu’il l’avait acceptée. Le troisième et dernier prévenu de cette affaire, l’ancien directeur informatique de l’atoll auquel il était notamment reproché d’avoir fait parvenir le colis au directeur général, a quant à lui concédé qu’il avait “tardivement” prévenu ce dernier du fait que le carton contenait du paka.
 
Dossier de “tous les excès”
 
 À l’heure des réquisitions, le procureur de la République a tenu à rappeler que si l’usage médical voire récréatif du cannabis était autorisé au Canada, les faits avaient été commis sur le territoire français où “ne serait-ce que l’usage” est interdit. Six mois de prison avec sursis assortis d’amendes allant de 200 000 à deux millions de francs ont finalement été requis à l’encontre des trois prévenus. 
 
Premier avocat à s’exprimer pour la défense de Guy Laliberté en fin de matinée, Me Yves Piriou a dénoncé un “dossier de tous les excès dans lequel la justice a perdu tous ses repères” en affirmant que pour 48 pieds de paka, il est plutôt d’usage de comparaître en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité que de finir devant un tribunal correctionnel après plusieurs années d’instruction. 
 
“Dépénalisation dans l’air”
 
Un constat partagé par son confrère, l’éminent pénaliste parisien Jean-Yves Le Borgne, qui a pour sa part évoqué une forme de “démesure” en demandant au tribunal de remettre les choses dans leur contexte. Alors que de nombreux pays ont légalisé l’usage du cannabis, l’avocat a assuré qu’il y avait de la “dépénalisation dans l’air” et qu’il faudrait que quelques mois se passent avant que “l’élément légal disparaisse” et que les faits reprochés à son client ne soient plus répréhensibles. 
 
Après en avoir délibéré, le tribunal a uniquement condamné Guy Laliberté pour usage et détention de cannabis à deux millions d’amende. Les deux autres prévenus ont écopé de trois mois de prison avec sursis et d’une amende de 200 000 francs.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 4 Juin 2024 à 17:13 | Lu 2789 fois