Tahiti le 16 mai 2024. Nouvelle-Calédonie. Le premier vice-président de l’Union Calédonienne, membre constitutif du FLNKS, Gilbert Tyuienon, et membre du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, a accepté de répondre aux questions de Tahiti Infos. Pour lui, la condition préalable à un retour au dialogue avec l’Etat reste le retrait de la loi constitutionnelle modifiant le corps électoral.
La situation en Nouvelle-Calédonie inquiète largement au-delà de vos frontières et de celles de l’Hexagone. Les mesures prises par l’Etat sont-elles susceptibles d’apaiser la situation ?
« Les mesures ne visant qu’au renforcement de la sécurité et au maintien de l’ordre ne suffiront pas. Un retour à la stabilité ne pourra passer que par une solution politique, basée sur le respect de l’esprit et la lettre de l’Accord de Nouméa. Le gouvernement Macron et son gouvernement ont voulu prendre unilatéralement les choses en main, c’est à eux de réunir les moyens débouchant sur un traitement politique efficace de la crise. »
Une annonce de report de l’application du texte de loi, ou son retrait ne serait-elle pas plus efficace ?
« Clairement, c’est un texte qu’il faut retirer car il n’est pas le résultat d’un consensus entre partenaires politiques locaux. Il ne tient compte que du point de vue des non-indépendantistes ultra sur le corps électoral. Il correspond à ce qu’il ne fallait surtout pas faire, c’est-à-dire traiter un sujet aussi sensible en dehors d’un accord global. Depuis deux ans, nous n’avons cessé de le répéter à nos interlocuteurs de l’Etat. C’est d’autant plus vrai que la question du corps électoral n’est pas seulement une question d’élections, c’est aussi la base d’une citoyenneté propre au pays, avec ses droits et se devoirs, qui a vocation à devenir la nationalité lorsque le pays sera devenu souverain. »
L’Union calédonienne, à l’instar des autres partis, ne semble pas écoutée par les émeutiers. Comment faire pour que les dirigeants, indépendantistes comme loyalistes, soient de nouveaux entendus par la population ?
« Il faut remarquer que partout où les partis indépendantistes traditionnels sont organisés, la situation est à peu près stable. Les grosses difficultés sont à Nouméa où les structures des partis sont plus diluées. Derrière ces émeutes, on voit bien que s’entremêlent des difficultés sociales, familiales, des problématiques d’insertion et d’accès à l’emploi, mais aussi une sensibilité extrême aux droits fondamentaux des peuples autochtones. Avec l’Accord de Nouméa, nous étions plutôt sur la bonne voie pour y remédier alors lorsque l’Etat et les non-indépendantistes ont annoncé vouloir revenir sur des acquis fondamentaux, les braises ont été ravivées. En tout cas, pour l’Union Calédonienne et le FLNKS, on ne construit pas un pays sur la destruction et nous joignons notre voix aux appels au calme des instances coutumières et religieuses. »
Espérez-vous désormais voir le dialogue se reformer avec l’Etat pour avancer de nouveau ?
« D’abord, la rupture de dialogue n’est pas de notre fait. Les choses ont commencé à se gâter à propos de la troisième consultation référendaire, lorsque l’Etat a fixé une date sans nous écouter, alors qu’auparavant nous avions tous fonctionné sur la base d’un consensus. Depuis deux ans, nous avons eu de nombreuses communications avec le gouvernement central en leur expliquant que la méthode était mauvaise et que nous allions probablement dans le mur... et nous nous sommes heurtés à la surdité des dirigeants français qui n’ont pas cessé de suivre le point de vue des non-indépendantistes. Nous restons toujours partisans du dialogue, mais selon nos termes, « l’Accord de Nouméa doit être le plancher » de ce dialogue.
L’avenir passe par des relations rénovées entre la Nouvelle-Calédonie et la France. C’est à ces conditions seulement que la France pourra vraiment jouer un rôle dans le Pacifique. Croyez-vous vraiment que la France pourra développer sa vision indo-pacifique en menant une politique en opposition au Peuple Kanak ? »
Souhaitez-vous des discussions à Paris ou à Nouméa ?
A la vérité, peu importe le lieu du moment que le respect, l’écoute et la recherche d’un consensus sincère sont partagés. Néanmoins, s’il doit y avoir un nouvel accord, celui-ci devra être signé à Nouméa. »
Un consensus est-il toujours possible entre les deux camps en Nouvelle-Calédonie sur le corps électoral et entre les différents partis indépendantistes ?
Les indépendantistes ont tous la même position : il ne faut pas remettre en cause les acquis de l’Accord de Nouméa, particulièrement en ce qui concerne les règles du corps électoral citoyen, celui qui permettra l’émergence du Peuple Calédonien. Malgré cela, le FLNKS s’est déclaré favorable à ce que tous les natifs, évalués à 15 000 personnes, intègrent le corps électoral pour les provinciales et à étudier un code de la citoyenneté local qui permettrait à tout ceux, dont les attaches avec le pays sont évidentes, de pouvoir acquérir la citoyenneté et donc le droit de vote aux élections provinciales. »
Doit-il être recherché d’abord entre vous afin d’arriver d’une seule voix devant l’Etat ? Si oui, qu’est-ce qui bloque ?
Cela fait des mois que nous disons à l’Etat que nous sommes persuadés d’arriver à un consensus entre Calédoniens et qu’il doit rester impartial. Mais il persiste à imposer sa lecture de la fin de l’Accord de Nouméa, considérant que les réponses négatives aux trois consultations permettent de revenir en arrière, notamment sur des éléments cruciaux comme le corps électoral citoyen et le droit à l’autodétermination des Calédoniens. Pour nous, ce n’est pas possible, c’est une insulte au combat du Peuple Kanak, à l’histoire de la Nouvelle-Calédonie et c’est rentrer de nouveau dans une logique coloniale. »
En novembre dernier, vous souhaitiez une médiation internationale sur le sujet. Quelle pourrait-elle être ? Cela ne risque-t-il pas de rallonger le temps ?
« Devant l’entêtement du gouvernement français, le 42ème congrès du FLNKS a considéré que l’interlocuteur Gérald Darmanin s’est disqualifié par son manque de neutralité et en ayant menti au Sénat en disant que les indépendantistes avaient donné leur accord pour le dégel du corps électoral !
Le FLNKS reste ouvert, comme 1988 à une mission de médiation réunissant des personnalités civiles et politiques, ayant une hauteur de vue et capables de rester neutres. »
La situation économique, la baisse de l’activité du nickel et les tergiversations institutionnelles sont les trois allumettes d’une même poudrière. Que préconisez-vous pour que la Nouvelle-Calédonie se redresse ?
« Effectivement, rien n’est épargné à notre pays et la situation économique et sociale est grave... Il faut être lucide : il nous faut d’abord sortir par le haut de notre problématique politique en rédigeant ensemble un nouveau cadre statutaire, respectueux de l’Accord de Nouméa et du droit à l’autodétermination des Calédoniens. Dans le même temps, tout le monde doit se mobiliser pour relever le pays dans un esprit de responsabilité et reconstruire un tissu économique, récréer des emplois et consolider notre protection sociale. Le gouvernement local a déjà décidé de travailler sur un plan de relance et de transformation de l’économie en coordination avec les forces vives et les partenaires sociaux. »
La situation en Nouvelle-Calédonie inquiète largement au-delà de vos frontières et de celles de l’Hexagone. Les mesures prises par l’Etat sont-elles susceptibles d’apaiser la situation ?
« Les mesures ne visant qu’au renforcement de la sécurité et au maintien de l’ordre ne suffiront pas. Un retour à la stabilité ne pourra passer que par une solution politique, basée sur le respect de l’esprit et la lettre de l’Accord de Nouméa. Le gouvernement Macron et son gouvernement ont voulu prendre unilatéralement les choses en main, c’est à eux de réunir les moyens débouchant sur un traitement politique efficace de la crise. »
Une annonce de report de l’application du texte de loi, ou son retrait ne serait-elle pas plus efficace ?
« Clairement, c’est un texte qu’il faut retirer car il n’est pas le résultat d’un consensus entre partenaires politiques locaux. Il ne tient compte que du point de vue des non-indépendantistes ultra sur le corps électoral. Il correspond à ce qu’il ne fallait surtout pas faire, c’est-à-dire traiter un sujet aussi sensible en dehors d’un accord global. Depuis deux ans, nous n’avons cessé de le répéter à nos interlocuteurs de l’Etat. C’est d’autant plus vrai que la question du corps électoral n’est pas seulement une question d’élections, c’est aussi la base d’une citoyenneté propre au pays, avec ses droits et se devoirs, qui a vocation à devenir la nationalité lorsque le pays sera devenu souverain. »
L’Union calédonienne, à l’instar des autres partis, ne semble pas écoutée par les émeutiers. Comment faire pour que les dirigeants, indépendantistes comme loyalistes, soient de nouveaux entendus par la population ?
« Il faut remarquer que partout où les partis indépendantistes traditionnels sont organisés, la situation est à peu près stable. Les grosses difficultés sont à Nouméa où les structures des partis sont plus diluées. Derrière ces émeutes, on voit bien que s’entremêlent des difficultés sociales, familiales, des problématiques d’insertion et d’accès à l’emploi, mais aussi une sensibilité extrême aux droits fondamentaux des peuples autochtones. Avec l’Accord de Nouméa, nous étions plutôt sur la bonne voie pour y remédier alors lorsque l’Etat et les non-indépendantistes ont annoncé vouloir revenir sur des acquis fondamentaux, les braises ont été ravivées. En tout cas, pour l’Union Calédonienne et le FLNKS, on ne construit pas un pays sur la destruction et nous joignons notre voix aux appels au calme des instances coutumières et religieuses. »
Espérez-vous désormais voir le dialogue se reformer avec l’Etat pour avancer de nouveau ?
« D’abord, la rupture de dialogue n’est pas de notre fait. Les choses ont commencé à se gâter à propos de la troisième consultation référendaire, lorsque l’Etat a fixé une date sans nous écouter, alors qu’auparavant nous avions tous fonctionné sur la base d’un consensus. Depuis deux ans, nous avons eu de nombreuses communications avec le gouvernement central en leur expliquant que la méthode était mauvaise et que nous allions probablement dans le mur... et nous nous sommes heurtés à la surdité des dirigeants français qui n’ont pas cessé de suivre le point de vue des non-indépendantistes. Nous restons toujours partisans du dialogue, mais selon nos termes, « l’Accord de Nouméa doit être le plancher » de ce dialogue.
L’avenir passe par des relations rénovées entre la Nouvelle-Calédonie et la France. C’est à ces conditions seulement que la France pourra vraiment jouer un rôle dans le Pacifique. Croyez-vous vraiment que la France pourra développer sa vision indo-pacifique en menant une politique en opposition au Peuple Kanak ? »
Souhaitez-vous des discussions à Paris ou à Nouméa ?
A la vérité, peu importe le lieu du moment que le respect, l’écoute et la recherche d’un consensus sincère sont partagés. Néanmoins, s’il doit y avoir un nouvel accord, celui-ci devra être signé à Nouméa. »
Un consensus est-il toujours possible entre les deux camps en Nouvelle-Calédonie sur le corps électoral et entre les différents partis indépendantistes ?
Les indépendantistes ont tous la même position : il ne faut pas remettre en cause les acquis de l’Accord de Nouméa, particulièrement en ce qui concerne les règles du corps électoral citoyen, celui qui permettra l’émergence du Peuple Calédonien. Malgré cela, le FLNKS s’est déclaré favorable à ce que tous les natifs, évalués à 15 000 personnes, intègrent le corps électoral pour les provinciales et à étudier un code de la citoyenneté local qui permettrait à tout ceux, dont les attaches avec le pays sont évidentes, de pouvoir acquérir la citoyenneté et donc le droit de vote aux élections provinciales. »
Doit-il être recherché d’abord entre vous afin d’arriver d’une seule voix devant l’Etat ? Si oui, qu’est-ce qui bloque ?
Cela fait des mois que nous disons à l’Etat que nous sommes persuadés d’arriver à un consensus entre Calédoniens et qu’il doit rester impartial. Mais il persiste à imposer sa lecture de la fin de l’Accord de Nouméa, considérant que les réponses négatives aux trois consultations permettent de revenir en arrière, notamment sur des éléments cruciaux comme le corps électoral citoyen et le droit à l’autodétermination des Calédoniens. Pour nous, ce n’est pas possible, c’est une insulte au combat du Peuple Kanak, à l’histoire de la Nouvelle-Calédonie et c’est rentrer de nouveau dans une logique coloniale. »
En novembre dernier, vous souhaitiez une médiation internationale sur le sujet. Quelle pourrait-elle être ? Cela ne risque-t-il pas de rallonger le temps ?
« Devant l’entêtement du gouvernement français, le 42ème congrès du FLNKS a considéré que l’interlocuteur Gérald Darmanin s’est disqualifié par son manque de neutralité et en ayant menti au Sénat en disant que les indépendantistes avaient donné leur accord pour le dégel du corps électoral !
Le FLNKS reste ouvert, comme 1988 à une mission de médiation réunissant des personnalités civiles et politiques, ayant une hauteur de vue et capables de rester neutres. »
La situation économique, la baisse de l’activité du nickel et les tergiversations institutionnelles sont les trois allumettes d’une même poudrière. Que préconisez-vous pour que la Nouvelle-Calédonie se redresse ?
« Effectivement, rien n’est épargné à notre pays et la situation économique et sociale est grave... Il faut être lucide : il nous faut d’abord sortir par le haut de notre problématique politique en rédigeant ensemble un nouveau cadre statutaire, respectueux de l’Accord de Nouméa et du droit à l’autodétermination des Calédoniens. Dans le même temps, tout le monde doit se mobiliser pour relever le pays dans un esprit de responsabilité et reconstruire un tissu économique, récréer des emplois et consolider notre protection sociale. Le gouvernement local a déjà décidé de travailler sur un plan de relance et de transformation de l’économie en coordination avec les forces vives et les partenaires sociaux. »