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​Fritch annonce un million de km carrés de la ZEE "protégés"


Tahiti, le 11 février 2022 - Le président du Pays Édouard Fritch a participé -aux côtés du président de la République Emmanuel Macron et d'une trentaine de chefs d'état et de gouvernement- au "One Ocean Summit" organisé à Brest, en France. Edouard Fritch a annoncé des mesures immédiates pour constituer 500 000 kilomètres carré d'aire marine protégée sur les 5,5 millions de km2 d'aire marine gérée, ainsi qu'un projet Rahui Nui d'une seconde zone d'aire marine protégée d'ici 2030. Tahiti accueillera également un prochain sommet sur la protection des océans : le World Ocean Summit.
 
Le décor, la liste des invités, la scénarisation même de l'évènement et surtout les chiffres : au "One Ocean Summit", tout a été pensé dans les moindres détails pour diffuser un message simple et qui se veut impressionnant en matière de protection de la nature et des océans à l'échelle mondiale.
 
Le président Édouard Fritch l'a bien compris : "La Polynésie va s'engager sur plus de un million de kilomètres carré, plus de deux fois la superficie de la France de l'Hexagone", a-t-il déclaré sur scène, en se levant de son siège pour aller au pupitre où venaient de se succéder le politicien américain John Kerry, envoyé spécial des Etats-Unis pour le climat et le président de la République Emmanuel Macron. "Nous allons multiplier les réserves de biosphère, dans les Australes mais aussi dans les Marquises. Une zone côtière de 500 000 kilomètres carré de superficie sera déterminée où ne sera autorisée que la pêche artisanale et vivrière. Cela représentera 20% de pêche professionnelle en moins. Avant la fin de l'année, nous déterminerons également une zone de 15 000 km2 carrés de surface où nos coraux seront mieux protégés : la Polynésie compte 20% des atolls dans le monde. Enfin, une nouvelle aire marine protégée de 500 000 km2 sera créée à l'horizon 2030. Cela nous permettra notamment de cartographier plus de 500 monts sous-marins."
 
En résumé, pour contenter à la fois les engagements internationaux de l'Etat français sur sa part d'aire marine protégée (AMP) et les ambitions polynésiennes de créer son aire marine gérée (AMG) inédite dans le monde, Edouard Fritch s'est engagé sur un total d'un million de km2 d'AMP dans notre AMG de cinq millions de km2.
 
Rahui Nui
 
Annonce la plus importante de ce chapelet d'engagements polynésiens de grande ampleur, la future immense aire marine protégée s'appellera "Rahui Nui", au sud-est de la Polynésie française, soit aux Australes. Une référence au travail déjà engagé depuis plusieurs années autour des Rahui traditionnels ou nouvellement créés. "Ces espaces protégés depuis longtemps, à propos desquels la Polynésie a toujours été pionnière et dont elle a fait un outil éducatif de premier ordre", s'est félicité le président Emmanuel Macron, dans son discours introductif du One Ocean Summit. Il faut dire que –même s'il était un invité parmi d'autres, puisqu'une trentaine de chefs d'état et de gouvernement étaient invités à Brest pour ce One Ocean Summit, un moment fort du quinquennat d'Emmanuel Macron pour la protection de la nature– la Polynésie française était un élément-clé du dispositif et des annonces françaises. Grâce au fenua, la France dispose d'une souveraineté sur un espace maritime de plus de 5,5 millions de kilomètres carré ce qui lui permet d'être au deuxième rang des puissances maritimes mondiales. Sans les territoires d'Outre-mer, Paris ne pourrait revendiquer une Zone économique exclusive (ZEE) que de 730 000 kilomètres carré.
 
"Il y a un destin maritime français", s'est félicité le président de la République dans son discours. "Nous atteignons déjà notre objectif de 30% de zone maritime protégée sur notre espace de souveraineté. Avec plusieurs états européens nous allons mettre en place des actions pour lutter contre la pêche illégale et les activités mafieuses. Nous devons parler de nos fonds marins, nous devons parler de nos Outre-mer, nous allons prendre des engagements pour lutter contre la pollution plastique et pour la biodiversité." Réponse du président du Pays : "La Polynésie française est prête ! Lorsque vous êtes venus chez nous, vous avez annoncé un sommet des peuples océaniens. Nous sommes des témoins mais aussi des victimes du changement climatique et de la santé des océans : Tahiti sera prête pour un "World Ocean Summit" en septembre 2023 !"
 
Pew et la Fape applaudissent
 
Le prochain sommet du genre sur les enjeux océaniques doit déjà se tenir en Océanie, dans l'archipel des Palaos. Ce sera en avril prochain, si les conditions sanitaires sont réunies. Là encore, un grand nombre de chefs d'état et de chefs de gouvernement sont attendus. Mais, comme pour le sommet de Brest, l'organisation risque de rencontrer les mêmes critiques des associations de défense de l'environnement. Plusieurs ONG, comme Greenpeace ou l'association Pleine Mer ont dénoncé du "greenwashing" et l'action, l'implication, de nombreuses multinationales minières ou pétrolières aux activités très polluantes comme Amazon, Lafarge, Volvo ou encore la compagnie aérienne United Airlines.
 
Pour ce qui est des annonces du président Fritch, l'ONG Pew Trusts y voit dans un communiqué "une avancée majeure pour la protection des ressources marines polynésiennes car les zones côtières concentrent la plus grande densité d’espèces marines". "Ces nouvelles zones de protection réservées à la pêche artisanale permettront de résoudre les conflits d’usage entre les pêcheurs artisanaux et les pêcheurs industriels polynésiens", a estimé Winiki Sage, président de la Fape, cité dans le communiqué de Pew. Ces deux annonces portant sur un million de km2 marquent "une énorme victoire pour les écosystèmes polynésiens d'une richesse exceptionnelle", s'est réjouie la navigatrice Dona Bertarelli, dont la fondation soutient la protection des océans.
 
Antoine Costa, auteur de "La nature comme marchandise", militant environnemental, cité notamment dans les colonnes du site Lundi Matin, dénonce en revanche des engagements français à géométrie variable, ayant pour seule boussole les enjeux de communication gouvernementale. "Au congrès de l’UICN (Congrès International de Conservation de la Nature) qui s'est tenu à Marseille le 3 septembre, la France a refusé de signer une motion concernant un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins", s'indigne-t-il. "Je ne comprends pas pourquoi la protection des océans serait soudainement devenue une urgence dans l’agenda de la France et de l’Union Européenne. Je pense que l’océan recèle bien d’autres choses pour eux : des crédits carbones, des minerais, de l’énergie. La promesse d’un nouveau cycle de croissance."
 

Les temps forts du discours d'Edouard Fritch au One Ocean Summit

"O te miti nei ra te marae mo’a roa, e vahi hahano, e vahi raa, faatupuraa manava hirahira". "L’océan est le temple le plus sacré, c’est un lieu saint, un lieu inspirant à la fois crainte et respect". Cela fait 70 ans que la Polynésie protège les oiseaux polynésiens, organise une pêche traditionnelle et professionnelle raisonnée, ou interdit l’accès à certaines parties du territoire pour en préserver la Nature. Il y a 20 ans, la Polynésie française devenait le plus grand Sanctuaire des mammifères marins au monde, avec la protection de toutes les espèces de requins, de tortues marines et de Mobula. En 2018, la Polynésie française créait Tainui ātea, une aire marine gérée de 5 millions de km2 protégée par notre code de l’environnement. Cet espace poursuit les objectifs suivants :
 
- la préservation des espèces et de la diversité génétique ;
- le maintien des fonctions écologiques ;
- et l’utilisation durable des ressources et des écosystèmes naturels.
 
Oui, nous assurons la protection de nos 118 îles, tout en tenant compte du fait que, plus de 64% d’entre elles sont habitées. Notre vision place l’Humain au centre de cette protection. Et pour nous, l’Humain est lié à la terre, à la mer et aux airs. Notre vision est globale et systémique et nous voulons l’inscrire dans la durée. Elle vise des objectifs d'amélioration du niveau et de la qualité de la vie, de réappropriation de concepts et de savoir-faire traditionnels et de création d'une solidarité entre les générations et entre les peuples. Elle se décline en quatre Grandes Ambitions :
 
- Mou’a ti’a, la préservation du coeur de nos îles,
- Tai uta, la restauration du lien Terre-Mer,
- Tainui atea, la protection et la gestion durable de notre ZEE,
- Te Moana nui o hiva, la construction du Grand Mur Bleu du Pacifique.
 
Dans ce cadre, la Polynésie française est capable de prendre 4 engagements qui portent sur une superficie océanique de plus de 1 million de km2.
 
- 1er engagement : multiplier les réserves de Biosphère (…)
- 2ème engagement : une protection des zones côtières (…)
- 3ème engagement : protéger les lagons et les coraux (…)
- 4ème engagement : une nouvelle aire marine protégée de plus de 500 000 km2 (…)

 

Rédigé par Julien Sartre et AFP le Vendredi 11 Février 2022 à 11:39 | Lu 2384 fois