​Essais nucléaires et santé des Polynésiens : L'Inserm pointe un manque de données


Tahiti, le 21 février 2021 – Une expertise de l'Inserm publiée vendredi conclut aux "résultats insuffisants" des "rares" études épidémiologiques sur les liens entre les essais nucléaires menés en Polynésie et la santé des populations locales. L'Inserm juge "complexe" d'effectuer une étude épidémiologique de grande ampleur et recommande d'améliorer le recueil des données sur le sujet au fenua.
 
Ce n'est pas une nouvelle étude, mais une "expertise" destinée à compiler l'état des recherches existantes sur les liens entre les essais nucléaires réalisés en Polynésie française et la santé des populations qui a été publiée vendredi dernier par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Ce travail avait été demandé par le ministère de la Défense en 2013 pour "évaluer l'intérêt d'une étude épidémiologique de grande ampleur sur les conséquences sanitaires sur la population générale et les anciens travailleurs civils et militaires, des essais nucléaires atmosphériques menés par la France en Polynésie française entre 1966 et 1974". Une période qui correspond aux 46 essais aériens effectués à Moruroa et Fangataufa, avant les 147 essais souterrains de 1975 à 1996.
 
L'expertise du groupe pluridisciplinaire de dix scientifiques constate d'emblée que le sujet est "très peu documenté dans la littérature scientifique". Si les travaux ont été étendus aux résultats disponibles sur les dommages sanitaires des essais nucléaires réalisés dans d'autres pays, l'Inserm indique n'avoir pu s'appuyer que sur deux études épidémiologiques concrètes pour la Polynésie : L'une sur l'augmentation des cancers de la thyroïde dans la population et l'autre sur l'augmentation du risque de mortalité par cancer du sang chez les vétérans du nucléaire. "Bien qu'insuffisants pour conclure de façon solide sur les liens entre les retombées des essais nucléaires atmosphériques et la survenue des pathologies radio-induites en Polynésie française, ces résultats ne permettent pas non plus d'exclure l'existence de conséquences sanitaires", conclut l'Inserm.
 
Une vaste étude serait "complexe à mettre en œuvre"
 
Le travail de l'Institut s'attarde sur bon nombre de problématiques toujours très actuelles. Effets transgénérationnels, exposition in utero… L'Inserm pointe le manque d'études fiables et concluantes sur ces sujets, ainsi que les "limites méthodologiques" liées à l'absence de données suffisantes.
 
Plus généralement, l'expertise conclut qu'une étude épidémiologique de grande ampleur pour évaluer les conséquences sanitaires des essais nucléaires "apparaît complexe à mettre en œuvre". Et ceci pour quatre raisons : Des lacunes de connaissance sur la santé des populations, les faibles doses de rayonnement ionisants reçus, la taille restreinte de la population polynésienne sur un vaste territoire et le délai depuis l'exposition…
 
Pour autant, l'Inserm estime qu'il existe d'autres "perspectives" qu'une étude épidémiologique pour évaluer les conséquences des essais sur la santé des Polynésiens. L'Institut formule trois recommandations : 1) Améliorer la surveillance sanitaire en consolidant un "Registre des cancers" doté d'un conseil scientifique indépendant ; 2) Affiner les estimations des doses reçues en permettant l'accès à l'ensemble des mesures de surveillance radiologique, d'exposition et de contamination ; 3) Surveiller la recherche scientifique internationale sur les effets de faibles doses de rayons ionisants sur les maladies radio-induites, les maladies cardiovasculaires et les maladies transgénérationnelles.


Rédigé par Antoine Samoyeau le Dimanche 21 Février 2021 à 15:03 | Lu 2512 fois