​Double bluff à Papara


Tahiti, le 9 décembre 2021 – Le conseil municipal de Papara se déchire, entre une opposition majoritaire qui menace sa tāvana de lui retirer ses délégations et une tāvana mise en minorité qui menace l'opposition d'un retour aux urnes après une démission collective de ses élus… Deux hypothèses qui relèvent pourtant davantage du coup de bluff que du coup politique, avec un vrai risque de blocage du conseil municipal à la clé.
 
Lundi, un nouveau conseil municipal houleux à Papara a débouché sur la mise en minorité de la maire Sonia Taae. Avec 17 élus sur 33, l'opposition, pourtant politiquement très hétéroclite, s'est mise en tête de bloquer désormais toutes les délibérations proposées par la majorité de la maire élue en juillet 2020. Des élus de l'opposition majoritaires qui ont adressé un courrier à la mairie et au haut-commissariat, pour demander la convocation "en urgence" d'une réunion du conseil municipal avec à l'ordre du jour le vote du retrait de ses délégations de pouvoir à la maire Sonia Taae. De son côté, la tāvana a répliqué en menaçant de faire démissionner l'ensemble de ses élus pour provoquer de nouvelles élections municipales. Sauf que ces deux procédures semblent, au regard du code électoral et du code général des collectivités territoriales, assez peu vraisemblables…
 
Retour aux urnes, pas si simple
 
Mise en minorité par un groupe qui s'est donné depuis lundi des gages de cohésion, Sonia Taae n'a plus la main pour faire voter la moindre décision par son conseil municipal. Son arme ? L'article 270 du code électoral qui permet un "renouvellement intégral" du conseil lorsqu'il manque un tiers de ses membres. Soit 11 sièges d'élus vacants sur 33. Comment Sonia Taae peut-elle y arriver ? En démissionnant et en demandant à ses 15 autres élus au conseil municipal de démissionner à leur tour. Ce qui n'est déjà pas une mince affaire, mais surtout ce qui ne suffira pas. Chacun de ces élus sera alors remplacé par les 12 suivants non-élus de la liste de Sonia Taae lors des dernières municipales… Et parmi ces 12 élus qui n'auraient jamais vu la couleur d'un fauteuil du conseil municipal sans cette démission collective, Sonia Taae devra au moins en refaire démissionner 8 pour arriver à ses fins. Loin, très loin, d'être une mince affaire…
 
Retrait des délégations, c'est pire
 
Mais côté opposition, la démarche du retrait des délégations est encore plus compliquée. Tout bonnement parce qu'elle n'existe pas… Le choix de l'ordre du jour est un pouvoir discrétionnaire du maire et aucun texte ne prévoit la possibilité qu'une majorité d'élus au conseil municipal impose une délibération. La jurisprudence reconnaît uniquement que le maire ne doit pas "porter une atteinte excessive" au droit de proposition des conseillers municipaux, sauf si ces propositions ne sont pas d'intérêt communal ou si elles représentent un caractère manifestement abusif. Et encore, la maire ne serait que sanctionnée pour excès de pouvoir.
 
Dissoudre le conseil, pourquoi pas
 
En revanche, la situation de blocage qui s'est produite lundi avec le refus par le conseil municipal de voter le budget et toutes les délibérations proposées peut avoir des conséquences. En effet, l'article 2121-6 du code général des collectivités territoriales dispose qu'un conseil municipal peut être dissous par décret si des dissensions au sein du conseil mettent en péril la gestion de la commune. Et ces conditions sont le plus souvent remplies lorsque le conseil municipal refuse de voter… le budget.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 9 Décembre 2021 à 19:44 | Lu 3801 fois