​Des vacances écoresponsables pour les enfants


Tahiti, le 20 juillet 2023 – Tahiti Infos est allé à la découverte des ateliers proposés aux enfants par certains centres de loisirs pendant les grandes vacances pour voir ce qui est mis en œuvre autour de l'écologie. Ces centres ont décidé de prendre les choses en main en transmettant à leurs jeunes pensionnaires des valeurs et des gestes respectueux de l'environnement.
 
Canicule, feux de forêt, méga cyclones : les conséquences du dérèglement climatique sont déjà visibles. Pour les adultes de demain, un nouveau modèle de société apparait nécessaire. Certains centres de vacances ont décidé de prendre les choses en main en transmettant à leurs jeunes pensionnaires des valeurs et des gestes respectueux de l'environnement.
 
À l'atelier 203, quartier Taunoa à Papeete, les enfants s'évadent par la création artistique. Cet après-midi, les 6 à 9 ans réalisent un blind-test des musiques de Disney dans la petite cour. À l'intérieur, les plus jeunes créent des boîtes de popcorn avec du papier brouillon chiffonné et des cartons. “Toutes nos créations sont réalisés avec de la récupération”, explique Jean-Baptiste Viar, directeur adjoint de l'atelier. Et si la climatisation est activée, c'est parce qu'il y a “une trentaine” de panneaux solaires sur le toit.
 
De la récup’ mais pas que
 
Ici, une fois les sushis mangés, la barquette devient une palette de peinture. Fini la compote ? Rincé, le pot devient un flacon de peinture. Plus de ketchup, la bouteille est transformée en un redoutable pistolet à eau. Ce magazine traine depuis trop longtemps dans la pile ? Les enfants en font un support de découpage et en tirent aussitôt la matière première de leurs créations artistiques. Et quand les animateurs ont besoin de quelque chose de spécifique, “on demande aux parents”.
 
Jean-Baptiste et son équipe ont pu récupérer des chutes de bois d'un père menuisier, des caisses de vin d'un ami caviste ou encore des bocaux d'une mère qui tient un snack. “L'année dernière, les enfants ont réalisé un terrarium dans ces bocaux”, explique Jean-Baptiste en replaçant le bocal sur une étagère débordant d'objets récupérés.
 
“On travaille les projets artistiques avec ce que l'on a en stock. Les animateurs doivent inclure ces objets dans leurs activités”, précise-t-il. Et tout laisse présager que les enfants sont ravis de cette façon de faire. “T'as vu ? on peut faire pleins de popcorns avec un seul bout de papier”, se réjouit un enfant. “Ce côté du carton était sale donc on l'a retourné”, explique un autre tout fier de sa création.
 
À 16h30, c'est l'heure de rentrer à la maison. Les enfants récupèrent leur sac suspendu à l’un des bouchons en liège fixés au mur en guise de porte-sac – encore un don de l'ami caviste. Ils doivent aussi récupérer leur gourde “pour éviter les verres en plastique”. De leur côté, les parents sont satisfaits de cette façon de faire. “On est assez sensible à cela”, témoigne Yasmina en reconnaissant qu'elle a inscrit sa fille à cette semaine de stage “simplement pour faire du dessin”. Florian est, lui, convaincu par l’impact de cette méthode sur le comportement des enfants. “Maintenant, c'est mon fils qui vient me gronder quand je ne ferme pas le robinet lorsque je me rase.”
 
Inculquer de bonnes habitudes
 
À Mahina, si la méthode est similaire, on mise plus sur la transmission de valeurs comme la débrouillardise. Le Comité protestant des écoles du dimanche (CPED) organise des stages de vacances à l'école Nuutere, près de la Pointe Vénus. “Les enfants apprennent à fabriquer quelque chose à partir de rien”, explique Tehaurai Punua, la directrice du centre de vacances. Elle a mis en place cette méthodologie depuis 3 ans. “Avec le Covid, je me suis rendu compte que l'on a tout ce qu'il faut autour de nous, juste en faisant de la récupération, du troc, des échanges.”
 
En 3 ans, le centre a seulement dépensé 50 000 francs pour acquérir du matériel. “La seule chose que l'on achète régulièrement, c'est la peinture”, assure la directrice. Au programme de cette semaine pour les enfants : un spectacle de danse et un défilé de mode avec des costumes réalisés presque exclusivement à partir de matériel récupéré ou de végétaux. Pour Jacky Bryant, secrétaire général du parti écologique Heiura Les Verts et ancien instituteur, “les centres de vacances construisent la personnalité des enfants donc c'est pertinent de commencer cette éducation dès le plus jeune âge”.
 
Mais Tehaurai en est consciente, il est “difficile” de transmettre ces valeurs. Il faut s'adapter à l'enfant que l'on a en face. “Il y en a qui comprennent tout seul, d'autres qui acceptent plus difficilement.” Au-dessus de son bureau, une création issue d’un bois flotté est suspendue. Le matériau a été ramassé sur la plage ; la création confectionnée par des enfants. “Il faut que les centres de vacances montrent les bons gestes pour que les enfants découvrent, valident et répètent ces bonnes habitudes”, explique Jacky Bryant pour qui “les émotions comptent beaucoup” dans l’apprentissage.
 
Le respect du vivant et de la nature
 
À l'école Envol, on se focalise beaucoup sur ce que les enfants ressentent pour leur inculquer des valeurs de respect. À travers la pédagogie Montessori, une méthode d'apprentissage alternative, le respect de l'environnement se vit au quotidien. “On ne fait pas d'activités spécifiques sur l'environnement. On apprend juste aux enfants le respect du vivant, de la nature”, explique Véronique, la directrice de l'école implantée servitude Pugibet à Punaauia. “C'est une méthodologie que l'on applique partout. Ils apprennent que tout ce qu'il y a autour d'eux est vivant”, commente la directrice de cette école qui organise aussi des stages durant les vacances.
 
Au-delà de la récupération et des activités d'entretien du jardin, les jeunes apprennent aussi à manger à leur faim pour ne pas gaspiller, à ne pas cueillir des fleurs sur les arbres s'il y en a au sol… “Si je jette ce meuble, c'est comme si je venais de tuer un arbre pour rien”, explique Hiona Tinomano, éducatrice pour qui “tout peut avoir une seconde vie”. Les livres de la bibliothèque et les jouets ont été déposés par des parents, la barre de la salle de danse est quant à elle une ancienne tringle à rideau.
 
À Envol, consommer doit venir d'un besoin. Pour le faire comprendre aux enfants, on ne prend pas un nouveau cahier chaque année s'il reste des pages blanches. “Les objets abîmés servent de modèle pour montrer qu'il faut respecter”, explique Hiona. Avec la pédagogie Montessori, “on sensibilise pour qu'ils arrivent à certaines valeurs”, complète Véronique, la directrice de l'école. Jacky Bryant partage cet avis.
 
Au-delà des valeurs de bienveillance, de patience ou encore de solidarité prônées, il y a aussi la nécessité de donner de l'espoir aux adultes de demain en leur montrant les bons gestes à réaliser et en leur faisant construire de nouveaux imaginaires, plus respectueux de l'environnement. Mais de toute façon, comme le constatent les trois directeurs de centre de vacances, “les enfants trient mieux que les adultes”.

​“On ne peut pas dépendre de ce que l'on n’a pas”

Hinenao, 21 ans, animatrice au CPED à Mahina :
 
Pourquoi avoir choisit d'accompagner les enfants ?
 
“J'ai décidé d'accompagner les enfants et les adolescents pour leur faire parvenir à canaliser leur colère, leurs doutes et toutes leurs émotions en les transformant en créativité. Ça passe par le développement de leurs expressions corporelle, de leur dialogue, de leur imagination.”
 
Un des objectifs du centre de vacances est de sensibiliser les enfants à la protection de l'environnement, en quoi est-ce intéressant pour les enfants et les adolescents ?
 
“Les enfants et les adolescents prennent conscience que l'on ne peut pas forcément tout avoir dans la vie, qu'il faut profiter de ce qu'il y a en face de soi et ne pas dépendre de ce que l'on n’a pas. Ils développent aussi leur créativité en s'adaptant aux matériels qu'ils ont à leur portée.”
 
Comment réagissent-ils à cette façon de faire ?
 
“Il y a deux types d'enfants. Il y a ceux qui veulent du nouveau matériel à gogo. Alors, je leur fait comprendre, à travers des activités, que l'on a pas forcément ce que l'on veut et qu'il faut s'adapter. Ceux qui comprennent plus facilement montrent aux autres de manière concrète qu'il est possible de se contenter de ce que l'on a face à soi.”

Rédigé par Jules Bourgat le Jeudi 20 Juillet 2023 à 19:21 | Lu 1405 fois