​Des passagers bloqués à Paris comme à Tahiti


Tahiti, le 24 mars 2020 - Alors que les rotations aériennes entre la Polynésie française et la métropole s’arrêtent en fin de semaine, plusieurs centaines de passagers sont encore coincés à Paris pour les Polynésiens et à Tahiti pour les Européens. Sans véritable possibilité d’être rapatriés chez eux.
 
Le casse-tête de l’acheminement des passagers polynésiens depuis Paris vers la Polynésie et des passagers européens depuis la Polynésie vers Paris devient de plus en plus insoluble à mesure que la fin de semaine approche. D’ici samedi en effet, Air Tahiti Nui et Air France auront suspendu provisoirement toutes leurs rotations aériennes internationales.
 
Bloqués de Paris à Papeete…
 
Depuis Paris, une soixantaine de Polynésiens censés prendre le vol French Bee samedi dernier au départ de Paris et à destination de la Polynésie française se sont retrouvés bloqués. Ils avaient d’abord appris le mercredi par la presse locale que leur vol serait annulé. Et un message venant de la compagnie, le jeudi, est venu corroborer l’information mais en leur assurant : “French Bee s’est rapproché d’Air Tahiti Nui et a trouvé un accord pour acheminer les clients qui sont encore en recherche d’un retour”. Ceci pour un vol censé décoller lundi dernier à Charles-de-Gaulle (CDG). Pour autant, comme l’explique une des passagères concernées depuis Paris, Air Tahiti Nui a répondu dans la foulée qu’elle “n’était pas au courant d’un accord avec French Bee”. Du côté de la compagnie locale, on explique en effet que s’il y a eu un accord pour un groupe de passagers French Bee la semaine passée, aucun autre accord global n’a été conclu. Et pour cause, le vol de lundi était plein. En effet, en plus des passagers, le vol devait transporter une large partie du fret médical attendu par le Pays.
 
Teuira, l’un des passagers bloqué à Paris, a pris les choses en main et a rassemblé les personnes présentes sur un groupe de discussion instantanée. “J’ai rapidement contacté Caroline Tang qui est dans la Délégation polynésienne à Paris pour qu’elle nous aide”. Elle leur a indiqué qu’il fallait monter un dossier adressé au Pays pour pouvoir bénéficier d’une aide, ce qui permettrait “d’aider en cas de besoin et pour ceux qui ne peuvent pas se loger pour des raisons financières”. Ainsi, chaque passager a rempli un formulaire de modification de vol ou d’avoir sur la compagnie French Bee. Ces formulaires serviraient à “évaluer la situation financière de chacun pour se nourrir et se loger”, explique Teuira.
 
“Tout ce que nous souhaitons, c’est que les personnes qui sont logées dans des hôtels, Airbnb et autres soient aidées financièrement et qu’on ait un vol pour rentrer chez nous sans repayer des frais”, explique Teuira. “J’ai fait une modification de vol du 22 au 20, et on m’a facturé tout ça pour 17 900 Fcfp. Je n’ai d’ailleurs même pas eu ce vol…”, renchérit un autre passager. A ce jour, les passagers du vol BF710 restent sans réponse quant à une date éventuelle de leur retour et restent très pessimistes quand on évoque le dernier vol assuré par ATN reliant Paris et Tahiti vendredi : “Je pense qu’ils feront le nécessaire pour les résidents ayant déjà leurs billets sur ATN. Mais pour ceux comme nous qui sommes de French bee, j’ai très peu d’espoir…” Et ce dernier vol doit encore transporter une énorme quantité de fret médical pour la Polynésie.
 
… et de Papeete à Paris
 
Au fenua, ce sont les passagers européens bloqués en Polynésie qui sont dans la même situation que ceux de Charles-de-Gaulle. Sara fait partie des 160 non-résidents logés par le Pays à Outumaoro depuis quelques jours. “On est arrivés à des dates différentes dans des circonstances différentes. Soit on a été rapatriés depuis les îles, soit des gens se sont fait refuser des embarquements pour d’autres vols”. Le vol Air Tahiti Nui de vendredi étant annulé, les seules solutions de départ possibles sont le vol Air France de mercredi matin ou les vols United Airlines vers San Francisco. “Pour beaucoup, les vols via les Etats-Unis ne sont pas possibles, soit financièrement parce qu’il y a des vols à 10 000 euros. Soit en terme de visa parce qu’ils ne peuvent pas avoir d’Esta parce qu’ils ont moins de 14 jours en Polynésie”, explique-t-elle. Certains passagers ont fait plusieurs fois le déplacement à l’aéroport ces derniers jours pour essayer de glaner une place libre en dernière minute. “Mais beaucoup préfèrent ne pas aller à l’aéroport de peur de se mêler les uns aux autres dans le maigre espoir d’avoir un billet”.
 
“On ne veut pas s’engager sur des billets avec des correspondances qui ne sont pas garanties. Nous ce qu’on veut, c’est une continuité territoriale avec un vol de Papeete vers Paris”, poursuit la métropolitaine bloquée depuis Outumaoro. “On voudrait tous rentrer chez nous. A la base, c’est la demande du haut-commissariat qui nous a tous rapatriés à Tahiti pour qu’on rentre chez nous. Sauf qu’en fait il n’y a aucun vol de prévu. On s’est adressé au ministère des Affaires étrangères qui a lancé un programme de rapatriement des Français bloqués à l’étranger. Impossible de savoir si l’outre-mer en fait partie… On a appelé le ministère des Affaires étrangères qui a dit à certains de contacter le ministère de l’Intérieur et à d’autres de contacter le haut-commissariat. On est dans un vide administratif où on est en France du point de vue de la métropole, mais où on est des non résidents du point de vue de la Polynésie. Donc personne ne veut prendre en charge notre rapatriement.”
 
De nombreux passagers demandent l’affrètement exceptionnel d’un ou de plusieurs vols pour les rapatrier à Paris, puis en Europe. “L’Etat doit aussi prendre un certain nombre de décisions”, a lancé, agacée, la ministre du Tourisme, Nicole Bouteau, lundi midi lors d’un point presse à la présidence. Le Pays n’ayant pas plus de réponses de Paris.

Rédigé par Ariitaimai Amary et Antoine Samoyeau le Mardi 24 Mars 2020 à 19:57 | Lu 9413 fois