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​Décès à Manu Iti : Geros défend son centre


Tahiti, le 13 septembre 2021 - Après le décès d’une patiente suivie au centre médicalisé de proximité Manu Iti, Antony Geros s’est exprimé lundi pour plaider en faveur de cette structure mise en place dans l’urgence.
 
Une patiente de 66 ans atteinte du Covid est décédée ce samedi à 12 h 55 au centre d’accueil médicalisé de la salle Manu Iti à Paea. Elle y était prise en charge, de même que son époux, depuis le mardi 7 septembre dernier. C’est pour faire suite à “cet événement tragique”, qu’Antony Geros a organisé une conférence de presse lundi matin, à la mairie de Paea. L’objet pour le tavana : rappeler les raisons de la mise en place de ce centre médicalisé, ses missions, et donner quelques précisions statistiques sur son fonctionnement depuis le 26 août, date de son ouverture. Mais surtout défendre les vertus de cette initiative, qui fait actuellement l’objet d’une inspection médico-administrative diligentée par l’Agence pour la régulation de l’action sanitaire et sociale (Arass), à la demande du Conseil de l’ordre des médecins.
Concernant le décès de la patiente, samedi, Antony Geros assure que la décision de ne pas l’évacuer sur le CHPF a été prise par la famille. “Avant d’être admis au centre, [la défunte et son époux] étaient déjà en hospitalisation à domicile depuis longtemps. Psychologiquement, les enfants et le papa savaient que l’état de gravité de la maman était tel qu’ils gardaient espoir.”
Le maire de Paea n’est revenu que de manière très laconique sur les conditions de suivi médical des patients sur place. Ce suivi est assuré par le médecin référent et, en son absence par un médecin traitant volontaire, “probablement” le docteur Jean-Paul Théron. La question du suivi de ces patients est centrale pour l’inspection de l’Arass. L’agence devrait rendre ses conclusions dans un rapport attendu cette semaine.
 
Responsabilité engagée
 
En 18 jours de fonctionnement, le centre médicalisé de la salle Manu Iti a suivi 13 patients, pour une durée moyenne d’hébergement de huit jours. Trois personnes étaient encore hébergées lundi. “Conditions de vie insalubres, promiscuité familiale, il s’agit de malades pour qui il n’était plus possible de garantir une permanence de soins à domicile”, explique le tavana. Dans ce contexte, le centre d’accueil est aménagé avec “les moyens dont nous disposons” pour offrir une “solution alternative aux soins à domicile, suite à l’incapacité de l’hôpital d’accepter tout le monde” : “On ne fait qu’offrir le nursing et, à la demande des médecins traitants, un suivi médical H24 agrémenté par la prise des constantes médicales pour le suivi des malades”. Une équipe tournante de 15 personnes assure cet encadrement des malades. Des bénévoles de formation sanitaire et des agents municipaux. Les repas sont fournis matin, midi et soir.
 
Reste que le décès survenu samedi pose la question de la responsabilité du maire de Paea, en tant qu’ordonnateur. Car jusqu’à présent, le centre Manu Iti accueille ses malades sans décharge préalable de responsabilité. “On va peut-être rigidifier cela par la mise en place d’un petit protocole écrit, signé”, explique le maire de Paea. “Cela apportera plus de visibilité dans les risques que l’on prend et dans le partage de responsabilité entre le médecin traitant, le médecin référent, la famille et la commune”. Pour l’instant, Antony Geros assume s’exposer en tant que premier magistrat, mais “pour [sa] population” et parce qu’en temps de pandémie, la mission du maire est aussi de veiller à endiguer les conditions de transmission du coronavirus dans les quartiers.

​Dérapage sur l’euthanasie

Le premier magistrat de Paea a affirmé lundi qu’une de ses connaissances a été victime d’un acte d’ “euthanasie” au centre hospitalier de Taaone. Ces propos ont été tenus par un tavana visiblement ému, lors d’une conférence de presse retransmise en direct sur la page Facebook de la commune de Paea et sur celle de TNTV. Une intervention suivie par plusieurs centaines de personnes.
Pour porter l’accusation, Antony Géros se fonde sur le témoignage de la veuve du défunt. Et le tavana l’avoue : il n’a pas pris les dispositions nécessaires pour obtenir vérification des faits qu’il dénonce. Mais c’est, de son aveu, l’événement qui l’a conduit à ouvrir le centre d’accueil médicalisé de la salle Manu Iti, fin août.
Selon Antony Geros, ce patient était en insuffisance respiratoire et atteint de comorbidités. Mais il “n’aurait pas dû mourir” : “C’est une personne que je connaissais bien, qui était en hypoxie mais pas une hypoxie de détresse. (…) Elle a été admise aux urgences (…). Elle n’a même pas été mise en réanimation. Elle a été en hospitalisation d’urgence”, assure-t-il sur la foi de propos rapportés. “Et sa femme me disait : Le docteur est venu pour lui dire “Ecoutez, on a besoin du masque”. Et donc, euh, il était assis sur son lit, il a dit : “Mais si tu retires, je vais avoir des difficultés à respirer : C’est bien maintenant avec le masque ; je suis bien.” Et là, on lui dit : “Ecoute, je vais te laisser encore un peu mais on a besoin du masque.” Et donc ils sont restés quelque temps. Et puis un groupe d’infirmiers, d’infirmières, est passé pour retirer. Le médecin était là. Et il dit : “Non ! Comment je vais respirer là ? J’ai du mal !”. [Le docteur] lui dit : “Ecoute, tu ne vas rien sentir. On va te faire une piqûre – ils ont fait sortir sa femme – et puis tu vas bien dormir”, a-t-il raconté face à la presse. “Ben, voilà. Ça s’appelle l’euthanasie. C’est interdit dans la loi française. Pourquoi à Tahiti on se permet de faire ça ? (…) On ne peut pas accepter ça ! Qu’il meure après avoir été intubé, je suis d’accord.” Questionné sur cet événement, Antony Geros, a aussi estimé que ce malade aurait été “mieux pris en charge à domicile (…) avec un concentrateur d’oxygène. Mais qu’est-ce qu’on a fait ? On lui a retiré le masque. On lui a fait une piqûre. Et il a dormi. Il a bien dormi…”
En réaction, dans un communiqué diffusé lundi après-midi le Conseil de l’ordre des médecins de la Polynésie française “s’érige en faux face à ceux qui tenteraient, par abus de langage, ignorance ou malveillance, d’évacuer toute complexité de la décision médicale et d’entretenir dans la population les raccourcis et simplistes selon lesquels la médecine s’exercerait sous le règne de l’improvisation, de l’arbitraire ou de la sélection des vivants”.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 13 Septembre 2021 à 20:45 | Lu 3497 fois