​Confinement : L'étendue des dégâts


Tahiti, le 10 juin 2020 - Annoncée il y a un mois, la grande enquête menée par le Cerom (Comptes économiques rapides pour l'outre-mer : IEOM, AFD, ISPF) auprès de 1 096 entreprises de Polynésie française a rendu ses conclusions mercredi. Le moins que l'on puisse dire est que le constat est brutal et sans appel. Interrogées tant sur le mois d'avril que sur la période de confinement -du 21 mars au 28 avril- les entreprises font état de pertes massives d'activités, parfois de licenciements, d'activité partielle, de trésoreries fragilisées, ou de recours quasi-systématiques au dispositifs d'aides…
  L'activité foudroyée  
Plus de la moitié des entreprises annoncent une perte de chiffre d'affaires de 50% sur le mois d'avril, avec des pics dans le tourisme et la restauration. "Le confinement a pénalisé les activités dépendantes des transports (export, construction dans les îles…), mais privilégié d’autres (ex : équipement de la maison), notamment via les ventes en ligne", écrit le Cerom. Seules 13% des entreprises ont constaté une stabilisation de leur activité, voire même une hausse pour 2% d'entre elles. Pour toutes les autres, c'est la chute libre.
 
Les entreprises ont donc réagi immédiatement : 4% d'entre elles ont licencié du personnel, 29% ont mis leurs salariés à temps partiel, 58% en congés forcés et 30% en télétravail. La quasi-totalité des entreprises de l'hôtellerie et des services touristiques avaient "peu, voire aucun salariés à leur poste". Seules 13% des sociétés avaient la totalité des salariés sur leur lieu de travail, principalement dans le secteur primaire, le commerce alimentaire et l'industrie agroalimentaire.
 
Quelques chiffres intéressants sur le télétravail, qui ne fait l'objet d'aucune réglementation en Polynésie française, mais qui s'est avéré être une nécessité tant dans le secteur public que dans le secteur privé. On note que la proportion de personnels en télétravail est bien supérieure dans les plus grandes entreprises : 68% dans les sociétés plus de 50 salariés contre 14% dans celles de moins de cinq salariés.
  Retards sur les paiements, mais peu sur les salaires  
Côté finances, neuf entreprises sur dix ont vu leur trésorerie se dégrader en avril. "Seul le commerce à dominante alimentaire semblerait quelque peu épargné, quatre entreprises sur dix ne signalant pas d'évolution défavorable", souligne le Cerom. Sur l'ensemble des sociétés interrogées, 58% se sont déclarées en "forte dégradation". Sans surprise, la proportion est plus forte dans l'hôtellerie (94%), dans la restauration (85%) et dans la perliculture (82%).
 
Conséquence immédiate, deux tiers des entreprises ont connu des retards de paiement au mois d'avril, la plupart du temps pour les impôts et taxes, puis pour payer les fournisseurs, ensuite pour les cotisations sociales et les échéances bancaires. On note cependant que seules 14% des entreprises ont retardé le paiement des salaires de leurs employés, priorisant visiblement ce poste de dépense. Les loyers ont également été réglés avec retard par un quart des entreprises… et par la moitié des restaurants.
  Les PGE se font attendre  
Le Cerom fait également le point sur les aides demandées par les sociétés, qu'elles soient publiques ou auprès des banques. Quatre entreprises polynésiennes sur dix ont d'ailleurs déclaré avoir demandé un coup de pouce à leurs banques. Des banques qui ont accepté un rééchelonnement des prêts dans huit cas sur dix, et plus facilement pour les grandes entreprises (100%) que pour les petites (70%).
 
Par ailleurs, deux-tiers des entreprises ont demandé l'un des dispositifs d'aide publique et un tiers d'entre elles un prêt garanti par l'État (PGE). La quasi-totalité des entreprises du tourisme (98%) a eu recours à ces aides. Côté PGE plus spécifiquement, les plus gros prêts accessibles pendant la crise, on apprend que plus de la moitié des grandes entreprises polynésiennes ont formulé une demande. "Certaines soulignent toutefois les difficultés à faire aboutir leur dossier (retards dans l’instruction, manque de visibilité pour établir le prévisionnel de résultat et de trésorerie exigé…). Ainsi, en mai, seulement 22% des demandeurs avaient déjà reçu une validation, 69 % restant dans l’attente d’une réponse", signale le Cerom.
  L'hôtellerie sans perspectives, la perle en crise plus profonde  
Enfin, le Cerom conclut sur les perspectives et "anticipations pessimistes" particulièrement dans les secteurs les plus exposés : Hôtellerie et perliculture en tête. La restauration semble, pour le coup, anticiper un délai moindre avant un retour à une activité "satisfaisante". Mais en règle générale, 28% des entreprises anticipent un "retour à la normale" dans un an, 23% dans deux ans et 5% dans cinq ans…
 
"Dans le secteur de la perle, en crise dès avant la survenance de la Covid-19, avec des prix à l’export sur des plus bas historiques en 2019, plus de la moitié des entreprises escompte ne récupérer un volume d’activité correct que sous deux ans au minimum", explique le Cerom. "Autre secteur tourné vers les marchés extérieurs, le tourisme est plutôt pessimiste, souffrant des incertitudes quant à la reprise des vols internationaux et redoutant la cessation de paiements : plus de la moitié des entreprises ne voient pas d’amélioration de leur activité avant deux ans."
 
Enfin, l'étude se conclut par une crainte des entreprises pour leur situation financière : "une part des dispositifs d’aides proposés n’étant en réalité que des reports d’échéances ou des prêts, donc de nature à aggraver leur endettement". Les entreprises polynésiennes souhaitent donc majoritairement que leur soient accordées des exonérations de charges sociales et fiscales.

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 11 Juin 2020 à 12:53 | Lu 2770 fois