​Chasse à l’homme choquante à Mahina


Violences - Une chasse à l’homme s’est déroulée pendant trois jours après un vol commis dans le local d’un tatoueur. Trois jours de traque conclus à Mahina dimanche par une vidéo choquante ou pleuvent les gifles et les coups de poing.
 
Des images dures, très dures, ont circulé toute la journée dimanche sur les réseaux sociaux. Après un cambriolage, une équipe s’est formée pour mener une expédition punitive à Mahina, le tout en live sur Facebook. Un exemple terrible à l’heure de la lutte contre les échauffourées dans les écoles par des collégiens amateurs de réseaux sociaux. Une triste banalisation de la violence et de la pratique de loi du Talion.
 
Dans la nuit de jeudi à vendredi, un tatoueur a été victime d’un cambriolage dans son local. A priori, trois fois rien, un Boombox et quelques colliers. Le soir même, il faisait un live. “On m’a appelé ce matin pour me dire que j’avais été cambriolé. Un‘ ure hore’ a cassé ma porte. J’appelle tous ceux qui voient la vidéo, tous mes amis du côté de Arue. Si vous voyez un JBL, des colliers marquisiens, des chaînes avec des perles… Juste pour lui dire que la chasse à l’homme est ouverte.”
 
Une vidéo de ce cambriolage a été prise par une caméra de surveillance. Une batte de baseball à la main, la victime du vol poursuit. “Là, je suis… J’ai pas trop envie d’attendre la justice. Il est venu casser dans mon shop. C’est des années de travail, de sacrifice… Hé Charlot, c’est toi que je vais casser.”
 
Calme, mais avec des propos très durs, le tatoueur poursuit… “Je supplie pour que les gendarmes te trouvent avant moi. Si je te trouve, je vais te démolir. ” Une vidéo vendredi déjà vue 96 000 fois que l’auteur invitait à partager.
 
Le ton est donné et ne baissera pas en intensité. “Frère, cache-toi. Tu sais pas qui t’as volé. T’es mal barré. (Montrant la batte de baseball, NDLR) Je te trouve, je casse tes rotules. Je fais ma loi, moi ! (…) C’est une question de temps, on va se retrouver, ça va être ta fête.” À la fin de cette première vidéo, il donne son numéro de téléphone portable en montrant une dernière fois sa batte. “Tu vois là, c’est tes dents qui vont faire gling gling dedans.”
 
Le lendemain, samedi, un deuxième live était diffusé sur les réseaux sociaux pour dire que les photos et les vidéos du voleur seraient publiées.

20 minutes de claques

Et ce qui était à craindre s’est produit. Dimanche matin, une expédition de près de dix personnes dans quatre voitures différentes (selon les dires pendant le live) avec “que des enragés” s’est rendue à Mahina après avoir mis la main sur le voleur. “On a eu le voleur”, explique la victime du vol. “Après trois jours d’investigation, on a eu le voleur. Là, il est avec nous. Il a bien ramassé, et on se rend chez son complice. (…) Il a nié, et pendant 20 minutes, il a reçu que des claques, des petits low-kicks… Et après 20 minutes, il a avoué.”
 
Le tout, une fois encore en live. À l’arrière d’un pick-up, le voleur présumé est montré face caméra, tandis que plusieurs personnes lui mettent des gifles. Dans cette vidéo d’une demi-heure, le voleur présumé est insulté, jeté en pâture, giflé alors que l’auteur de la vidéo incite à “partager les lives”.
 
Après que le tatoueur a récupéré le Boombox, le voleur présumé, le visage déjà tuméfié, est sorti de la voiture. Terrifié, il prend d’autres claques et prend même deux coups de poing dans les dents alors qu’il est questionné sur son complice et reste mutique.
 
Pour cet article, alors que les noms des personnes sont cités dans la vidéo, que les visages sont apparents, aucun nom ni aucun visage ne sera communiqué dans votre journal. Une enquête sera probablement ouverte par le parquet à la suite de ces vidéos extrêmement choquantes qui se terminaient ce dimanche matin sur la promesse “d’un autre live”. Toutes les vidéos étaient cependant retirées dimanche après-midi à 16 heures.

Se faire justice soi-même est puni par la loi

Réaction bien humaine, mais réaction répréhensible. La vengeance, ou loi du Talion, n’est évidemment pas admise dans le droit pénal.
 
Le code pénal dispose, dans son article 122-5, que “n’est pas pénalement responsable la personne, qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte”. C’est le cas classique de la légitime défense.
 
Autrement, tout fait violent non justifié par la légitime défense ne saurait être admis et engagerait ainsi automatiquement la responsabilité (pénale et civile) de son auteur. “C’est pourquoi il n’est pas si rare de voir des tribunaux prononcer des peines à l’encontre d’une victime d’agression, condamnée à réparer le préjudice de son agresseur initial à la suite d’une vengeance”, explique un avocat pénaliste sur son blog.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Dimanche 22 Octobre 2023 à 18:31 | Lu 40028 fois