​Bruno Algan entretient la mémoire


Tahiti, le 5 septembre 2024 - Alors que vient d’être commémoré le 84e anniversaire du ralliement des Établissements français de l’Océanie à la France libre, le 2 septembre 1940, un nouvel ouvrage écrit par Bruno Algan revient sur cette période. Tahiti et Nouvelle-Calédonie dans la Seconde Guerre mondiale retrace le parcours de ces établissements. Entretien avec l’auteur.
 
Ce livre vient en complément d’autres publications sur le sujet…
“Oui, Jean-Christophe Shigetomi a déjà largement contribué au devoir de mémoire. Il y a aussi le beau livre de François Broche sur le bataillon du Pacifique. À chaque fois, ils abordent des aspects particuliers. Pendant longtemps, j’ai cherché un ouvrage général et quand j’ai constaté que ce livre n’avait jamais été écrit, je m’y suis mis. L’originalité de ce livre, c’est que c’est la première fois que quelqu’un fait la synthèse complète de tous les événements politiques et militaires qui se sont déroulés en Océanie française, ou à partir de ses territoires entre 1940 et 1945. La seconde originalité, c’est que je mets tous ces éléments en perspective et je les resitue dans le contexte géopolitique de l’époque.”
 
Par quoi commencez-vous alors ?
“Par le ralliement de septembre 1940. Ensuite, je raconte la formation du Bataillon du Pacifique. Je parle alors de la position du Japon qui, grisé par l’euphorie de son attaque de Pearl Harbour en décembre 1941, se met à concevoir un plan de conquête de tout le Pacifique Sud, dont les colonies françaises. Ce plan s’appelait le “Land Disposal Plan” et prévoyait, au fur et à mesure de l’avancée japonaise, de prendre le contrôle de tous les territoires du Pacifique. Je parle bien sûr de la réaction américaine immédiate. Un mois après, les USA débarquent en Polynésie. Je pense que les Américains, qui étaient bien informés, connaissaient leurs intentions.”
 
Cette présence américaine change beaucoup de choses…
“Cela a eu des conséquences. Pas tellement en Polynésie, mais à Nouméa, il y a eu beaucoup d’incidents assez graves entre la France libre le général Patch qui dirigeait la garnison américaine. Et puis les Américains n’avaient pas le même agenda que De Gaulle. Le général voulait préserver la grandeur française, les Américains voulaient juste gagner la guerre.”
 
La Polynésie est souvent mise en avant, mais la Calédonie a aussi joué un rôle prépondérant…
“Central même. Tous les avions qui allaient bombarder Guadalcanal (Salomon) décollaient de la Toutouta. Tous les navires qui se bagarraient contre les flottes japonaises partaient de Nouméa ou se faisaient réparer et approvisionner à Nouméa. Une fois le danger japonais disparu, les Américains et les Australiens sont partis. La France libre n’a pas jugé utile de renforcer alors la zone.”
 
Le bataillon était présent dans de nombreuses zones de conflit ?
“Je parle du bataillon en Afrique avec Bir Hakeim ou la campagne de Tunisie. Puis les combats en Italie, à Monte Cassino, Rome et puis bien sûr les combats en France, avec le débarquement en Provence le 15 août, les derniers combats dans les Vosges.”
 
Plus de 80 ans après, c’est difficile de faire le travail de mémoire de ces événements ?
“Je fais un dernier chapitre sur la façon dont la mémoire est entretenue. Elle l’est très bien en Nouvelle-Calédonie, pas très bien en Polynésie. À Nouméa, il y a une avenue Bir Hakeim, il y a une place Félix-Broche, il y a une rue Bataillon du Pacifique. Ici, il n’y a rien de tout cela. Avant la présidence, c’était la caserne Broche. Aujourd’hui, la caserne Broche est à Arue, enclavée au fond du Comsup. Ce n’est même pas écrit à l’entrée. En 1975, il y avait un quai Bir Hakeim à Papeete… Il a complètement disparu.”
 
Aujourd’hui que la Polynésie se réapproprie sa culture, il y a la place pour un quai Bir Hakeim ?
“C’est une vraie question. J’espère au moins rencontrer l’amiral pour lui suggérer que le nouveau quai qui est construit pour accueillir les nouveaux patrouilleurs soit baptisé Bir Hakeim. Qu’ils le ressuscitent. J’ai suggéré au colonel qui commande le Rimap-p de mettre un panneau “Caserne Félix-Broche” au bord de l’avenue. Félix Broche, le Bataillon du Pacifique, ils ont leurs racines ici et ils sont oubliés, alors qu’à Nouméa, ils ne le sont pas.”

Dédicace

Bruno Algan dédicacera son livre Tahiti et Nouvelle-Calédonie dans la Seconde Guerre mondiale ce samedi 7 septembre de 9 à 12 heures à la librairie Odyssey.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 5 Septembre 2024 à 18:02 | Lu 775 fois