​Altération du discernement retenue, l'accusé condamné à 10 ans ferme


Tahiti, le 20 juin 2023 – Le schizophrène de 34 ans jugé depuis lundi par la cour d'assises pour une tentative de meurtre commise sur son père en mai 2021 à Papeari a été condamné mardi à dix ans de prison ferme, tel que cela avait été requis par l'avocat général. En raison de la maladie du trentenaire, les jurés ont retenu l'altération du discernement. 
 
Au terme de trois heures de délibéré, les jurés de la cour d'assises ont condamné, mardi soir, l'homme de 34 ans, qui était jugé depuis lundi pour avoir porté plusieurs coups de couteau à son père en mai 2021 au domicile familial de Papeari, à dix ans de prison. Au regard de la pathologie du mis en cause, ils ont retenu l'altération du discernement alors qu'il encourait la perpétuité. 
 
Plus tôt dans la journée, Me Isabelle Nougaro avait débuté sa plaidoirie en insistant sur la “place difficile” de son client, le père de l'accusé. Alors que ce dernier, ainsi que son épouse, avaient parfois été un peu malmenés durant les débats, l'avocate a décrit un couple désemparé qui a passé des années à faire des “allers-retours” à l'hôpital en abandonnant l'idée que leur fils puisse un jour être “stabilisé”. “À titre individuel, nous nous demandons tous comment nous ferions dans une telle situation. Ils ont tout essayé, toutes les méthodes.” Selon l'avocate, l'accusé et son père entretenaient une “histoire d'amour et de haine” et la présence au domicile parental de l'accusé, qui n'avait ni activité ni compagne, a créé une “situation explosive”. Son client ayant reconnu à la barre qu'il avait pu battre son fils par le passé, elle a expliqué que le père de famille avait eu des “réactions inadaptées” face à une pathologie dont il ignorait encore l'existence. 
 
Tel que l'on pouvait s'y attendre, l'avocat général a tenté, lors de ses réquisitions, de démontrer que le discernement de l'accusé n'était pas aboli lorsqu'il avait poignardé son père. “Vous aviez un homme qui en voulait à son père qu'il accusait d'être injuste, de favoriser son frère et qui l'avait frappé lorsqu'il ne savait pas encore qu'il était malade.” Pour le représentant du ministère public, il était “insupportable” pour le trentenaire de continuer à se “faire gronder” comme un “enfant”. “Il avait déjà tenté de le tuer, ce n'est pas la première fois et ce n'est pas un accident. Il voulait l'éliminer, a choisi un vrai couteau avec une lame épaisse et a porté plusieurs coups.” 
 
“Prison hôpital”
 
Concernant la peine à prononcer face à un “homme particulièrement faible car atteint d'une maladie psychiatrique qui le fait souffrir”, l'avocat général a ensuite demandé à la cour d'assises de condamner l'accusé à une peine “suffisamment longue” pour qu'il puisse être incarcéré dans une “prison hôpital” métropolitaine. Après avoir rappelé que la “santé mentale n'est pas bien traitée en Polynésie”, ce sont finalement dix ans de prison qui ont été requis à l'encontre de l'intéressé.
 
Pour l'avocate de l'accusé, Me Solène Rebeyrol, le jeune homme n'avait pas l'intention de tuer son père puisqu'il ne “contrôlait pas ses actes” et n'était pas en pleine possession de son “libre arbitre”. Après avoir rappelé que les experts-psychiatres ont rendu des “conclusions différentes” dans le cadre de cette affaire, l'avocate a elle aussi déploré qu'il n'y ait pas “d'institution digne de ce nom en Polynésie capable de prendre l'accusé en charge”. Elle a par ailleurs assuré qu'il serait très mauvais pour la santé mentale de son client d'être incarcéré en métropole alors qu'il a besoin de sa famille et notamment de sa mère, qui est venue le voir pas moins de 94 fois à Nuutania depuis le mois de mai 2021. L'accusé a donc finalement été condamné à dix ans de prison tel que requis par le parquet général. 

Expertises contradictoires

En ce deuxième et dernier jour de procès, trois experts ont été entendus par la cour d'assises sur l'éventuelle irresponsabilité pénale de l'accusé. Le premier des trois psychiatres, entendu en visioconférence, a assuré que le jeune schizophrène était accessible à une sanction pénale malgré un discernement “altéré”. Évoquant un risque de récidive très important, il a affirmé qu'une rémission était impossible mais qu'une “stabilisation” de l'état psychique de l'accusé était possible. Le second médecin a, pour sa part, conclu à l'abolition du discernement en s'appuyant sur la personnalité du jeune homme qui présente une “désorganisation permanente” doublée d'une “perte de jugement” et d'une “rupture dans le contact”. Enfin, le troisième psychiatre interrogé par la cour d'assises a expliqué qu'il y avait eu “une problématique de prise en charge éducative” de l'accusé qui avait mené à un “passage à l'acte délinquantiel” et ce, avant que la schizophrénie ne soit diagnostiquée. 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 20 Juin 2023 à 21:06 | Lu 1468 fois