​Affaire des bonbonnes toxiques : Un recyclage à l’étranger était proposé à l’administration


PAPEETE, 1er mars 2019 - Le service phytosanitaire, donc l'administration, disposait d’au moins une proposition pour la prestation de service de la destruction par des filières spécialisées, à l’étranger, de son stock encombrant de 87 bonbonnes périmées de chlorure de méthyle.
 
Mercredi trois responsables de l'administration ont été mis en examen dans le cadre de l'enquête ouverte par le parquet à la suite de la découverte de déchets toxiques placés à bord du caboteur Kura Ora II avant son sabordage. Rudolphe Putoa, le responsable de la cellule phytosanitaire de la Direction de la biosécurité, Claude Serra, le responsable de la cellule Protection des milieux à la Direction de l’Environnement (DirEn) et François Chaumette, le commandant du port de Papeete. 

Huit marins du service des remorqueurs annoncent aujourd'hui qu’ils envisagent de porter plainte pour mise en danger de la vie d’autrui. Ils avaient été amenés à manipuler les bonbonnes de chlorure de méthyle repêchées à la dérive après le sabordage du Kura Ora II, le 11 janvier dernier. Après avoir été repêchées en haute mer, par 3 mètres de houle et placées à bord du Aito Nui, les bonbonnes bleues de gaz toxique avaient été conservées durant le week-end au service des remorqueurs du port de Papeete. Dès le lundi, un agent du service phytosanitaire était venu sur place récupérer la vingtaine de bonbonnes.

Problème, pour les agents du service des remorqueurs : s’ils ont assez rapidement compris la dangerosité potentielle du contenu chimique de ces bonbonnes, on leur avait aussi assuré qu’elles étaient vides. "Le lundi où ils sont venus les récupérer, je ne sais pas pourquoi un de nos gars a ouvert le robinet de l’une d’entre elles, lors du transfert dans la camionnette du phytosanitaire. Et elle n’était pas vide ! , assure aujourd’hui un agent du service des remorqueurs. Tout de suite, le Port nous envoyé un médecin. Dans la semaine la plupart des gars ont été malades." L’agent ne cache pas sa colère : "On nous a envoyé au casse-pipe sans rien nous dire. On n’avait rien à faire là. C’est criminel. Maintenant, qu’ils prennent leurs responsabilités." La plainte devrait viser en premier lieu la capitainerie, dont le responsable, François Chaumette, n’ignorait pas la présence de ces produits dangereux. Mais elle pourrait concerner des responsables au-delà du périmètre confiné du port de Papeete.

​Devis de 15 millions Fcfp

Il semble en effet que si les bouteilles de gaz toxique étaient entamées elles n’étaient pas vides. Car vides, pour peu qu’elles aient été décapsulées et percées au préalable, les filières de retraitement des bonbonnes usagées existent localement et à faible coût. Dans le cas contraire, la problématique se corse. Et les compétences n’existent pas localement, notamment en ce qui concerne des produits visés par le protocole de Kyoto, comme le chlorure de méthyle. Et encore moins pour des gaz avec la toxicité de la chloropicrine, également contenue dans ces bonbonnes.

Ce stock de 87 bonbonnes de puissant pesticide encombrait le service phytosanitaire depuis plusieurs années déjà. Au moins deux demandes ont été faites auprès de spécialistes de la décontamination et de la destruction de ces déchets dangereux, en 2016 et en octobre 2018.

Un contact assure qu’un devis de 15 millions de francs aurait été délivré au service de biosécurité pour l’élimination de ces bonbonnes de produit toxique, avec un retraitement à l’étranger. De toute évidence, le service administratif n’a pas eu les moyens de faire cette dépense et vraisemblablement, sa hiérarchie ne lui a pas donné la possibilité de disposer de cet argent public. Et à ce titre, la question de la responsabilité de ce choix se pose clairement jusqu’au plus haut niveau. Car on ne pouvait pas ignorer, au-delà du service, la présence de ce stock encombrant et dangereux, ni même le coût de sa neutralisation et de son recyclage.

"Ce devis n’est pas remonté jusqu’à moi, a assuré vendredi matin le président Edouard Fritch, interrogé à ce sujet. En tout cas je n’ai pas donné ni d’avis favorable, ni d’avis défavorable. Est-ce que les services concernés avaient suffisamment de crédits budgétaires pour le financer ? Je ne sais pas. (…) Lorsque ces devis étaient connus, la décision n’est pas remontée jusqu’à nous. Les ministères concernés ont dû en parler entre eux. Le ministère de l’Environnement oui. Il y a le ministère de l’Agriculture aussi, puisque c’est eux qui détiennent, en fin de compte, ces bouteilles de gaz. L’enquête administrative précisera tout ça dans les jours à venir. Si j’ai demandé une enquête, c’est pour que chacun prenne ses responsabilités."

Le président Fritch a annoncé qu'il interviendrait à ce sujet publiquement dans les prochains jours.

- Fiche toxique : ICI

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Rédigé par JPV et MT le Vendredi 1 Mars 2019 à 15:10 | Lu 3884 fois