Tahiti, le 6 janvier 2022 – Le gouvernement a délivré en conseil des ministres le 29 décembre dernier une “autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime” pour des travaux de creusement d'un chenal et d'une lagune sur le motu Terurumi de Bora Bora. Des travaux pourtant déjà effectués ces derniers mois et à l'origine d'accusations de pollution de la lentille d'eau par les riverains. Ces derniers dénoncent une “régularisation” de travaux illégaux, prise contre plusieurs avis de l'administration et surtout contre l'avis du ministre de l'Environnement. Plusieurs recours sont d'ores et déjà annoncés.
Consternation et colère à Bora Bora. Il y a quelques semaines, des riverains du motu Terurumi sur la Perle du Pacifique dénonçaient la pollution de leur lentille d'eau douce à la suite de lourds travaux réalisés pour la construction d'une villa de luxe. Selon les riverains, qui s'étaient largement exprimés à l'époque sur les réseaux sociaux, TNTV ou La Dépêche, le creusement d'une lagune artificielle dans le motu avait percé la lentille et rendu l'eau saumâtre. Mais ces derniers jours, c'est une décision prise en conseil des ministres qui a remis le feu aux poudres.
Le 29 décembre dernier, le gouvernement a pris un arrêté “d'autorisation d'occupation temporaire (AOT) du domaine public maritime” au profit de la société en charge de la construction de la villa dirigée par Kito Sylvain. Une autorisation qui intervient postérieurement aux travaux menés jusqu'ici… et donc sans autorisation. Une première demande d'AOT avait en effet été accordée en juin 2019. Elle concernait l'implantation d'un ponton, de deux plates-formes, l'installation d'un réseau sous-marin d'adduction en eau potable, la téléphonie et l'électricité à partir de l'île principale et la création d'une plage avec un enrochement. Tous ces travaux devaient être “entièrement achevés, sous peine de caducité, dans un délai d'une année”. Or les travaux de creusement de la lagune n'étaient pas prévus par cette AOT. Et cette seconde autorisation délivrée par le Pays la semaine dernière concerne spécifiquement le “creusement d'un chenal dans le lagon et d'une lagune ou encore une prise d'eau océanique”.
Riverains en colère
Premières réactions cette semaine, celle des riverains. Sophie est propriétaire d'une parcelle de terre sur le motu. Elle avait dénoncé des “travaux qui ont bousculé notre vie”. Elle s'époumone aujourd'hui en apprenant que ces travaux ont été fait “sans autorisation”. Sa principale réaction, qui revient en boucle dans les commentaires des riverains, c'est de constater que le conseil des ministres a “régularisé une situation illégale”. “Le gouvernement favorise les milliardaires au lieu de s'occuper des familles”, s'exclame Sophie. Jean-Louis Tetuanui, autre propriétaire, ne décolère pas : “Quand ils ont commencé les travaux, ils nous disaient qu'ils étaient en règle et finalement ils ont fait tout cela dans l'illégalité”. Sylvana Estall, ex-élue et membre du collectif Paruru ia Bora Bora, dénonce “un saccage” : “La Diren nous avait dit en novembre dernier qu'aucune mesure de protection de l'environnement n'avait été prise. Ils n'étaient même pas au courant. Tout a été fait à la légère”.
Contacté par Tahiti Infos, le porteur du projet, Kito Sylvain, a accepté de répondre à nos questions par écrit. Il réfute les accusations de pollution de la lentille d'eau. Il estime que sa récente “salinité” est liée à “un phénomène exceptionnel naturel au mois d’août avec une montée des eaux du lagon d’un mètre qui a certainement eu un effet sur la salinité de l’eau de la lentille” et que sa pollution est due aux “pesticides, rejets organiques directs ou le mélange avec de l’eau salée si les riverains la pompaient déjà de manière excessive”. Le porteur de projet affirme avoir également son propre collectif de riverains pour le défendre. Et il accuse les propriétaires en colère d'être “plus motivés par l’obtention de compensation financière”. “Ce projet contribue à la valorisation de l’ensemble des terrains voisins qui seront de fait viabilisés. Ils seront raccordés en eau potable, en électricité mais aussi aux réseaux internet et téléphonique”, se défend Kito Sylvain.
Consternation et colère à Bora Bora. Il y a quelques semaines, des riverains du motu Terurumi sur la Perle du Pacifique dénonçaient la pollution de leur lentille d'eau douce à la suite de lourds travaux réalisés pour la construction d'une villa de luxe. Selon les riverains, qui s'étaient largement exprimés à l'époque sur les réseaux sociaux, TNTV ou La Dépêche, le creusement d'une lagune artificielle dans le motu avait percé la lentille et rendu l'eau saumâtre. Mais ces derniers jours, c'est une décision prise en conseil des ministres qui a remis le feu aux poudres.
Le 29 décembre dernier, le gouvernement a pris un arrêté “d'autorisation d'occupation temporaire (AOT) du domaine public maritime” au profit de la société en charge de la construction de la villa dirigée par Kito Sylvain. Une autorisation qui intervient postérieurement aux travaux menés jusqu'ici… et donc sans autorisation. Une première demande d'AOT avait en effet été accordée en juin 2019. Elle concernait l'implantation d'un ponton, de deux plates-formes, l'installation d'un réseau sous-marin d'adduction en eau potable, la téléphonie et l'électricité à partir de l'île principale et la création d'une plage avec un enrochement. Tous ces travaux devaient être “entièrement achevés, sous peine de caducité, dans un délai d'une année”. Or les travaux de creusement de la lagune n'étaient pas prévus par cette AOT. Et cette seconde autorisation délivrée par le Pays la semaine dernière concerne spécifiquement le “creusement d'un chenal dans le lagon et d'une lagune ou encore une prise d'eau océanique”.
Riverains en colère
Premières réactions cette semaine, celle des riverains. Sophie est propriétaire d'une parcelle de terre sur le motu. Elle avait dénoncé des “travaux qui ont bousculé notre vie”. Elle s'époumone aujourd'hui en apprenant que ces travaux ont été fait “sans autorisation”. Sa principale réaction, qui revient en boucle dans les commentaires des riverains, c'est de constater que le conseil des ministres a “régularisé une situation illégale”. “Le gouvernement favorise les milliardaires au lieu de s'occuper des familles”, s'exclame Sophie. Jean-Louis Tetuanui, autre propriétaire, ne décolère pas : “Quand ils ont commencé les travaux, ils nous disaient qu'ils étaient en règle et finalement ils ont fait tout cela dans l'illégalité”. Sylvana Estall, ex-élue et membre du collectif Paruru ia Bora Bora, dénonce “un saccage” : “La Diren nous avait dit en novembre dernier qu'aucune mesure de protection de l'environnement n'avait été prise. Ils n'étaient même pas au courant. Tout a été fait à la légère”.
Contacté par Tahiti Infos, le porteur du projet, Kito Sylvain, a accepté de répondre à nos questions par écrit. Il réfute les accusations de pollution de la lentille d'eau. Il estime que sa récente “salinité” est liée à “un phénomène exceptionnel naturel au mois d’août avec une montée des eaux du lagon d’un mètre qui a certainement eu un effet sur la salinité de l’eau de la lentille” et que sa pollution est due aux “pesticides, rejets organiques directs ou le mélange avec de l’eau salée si les riverains la pompaient déjà de manière excessive”. Le porteur de projet affirme avoir également son propre collectif de riverains pour le défendre. Et il accuse les propriétaires en colère d'être “plus motivés par l’obtention de compensation financière”. “Ce projet contribue à la valorisation de l’ensemble des terrains voisins qui seront de fait viabilisés. Ils seront raccordés en eau potable, en électricité mais aussi aux réseaux internet et téléphonique”, se défend Kito Sylvain.
Avis contraires au sein du Pays
Mais un autre problème, plus juridique et politique, se pose. En effet, l'administration du Pays apparaît plus que divisée sur ce dossier. Selon nos informations, plusieurs avis réservés ont été émis lors de l'instruction de la demande d'AOT. La Direction de l'équipement s'est étonnée que des travaux d'extraction aient été réalisés sans aucune “autorisation administrative”. Un recours a d'ailleurs été déposé par le Pays au tribunal administratif pour une “contravention de grande voirie” chiffrant la remise en état à 19 millions de Fcfp. La Direction des affaires maritimes a émis de son côté des “réserves” demandant l'avis de la Direction de l'environnement (Diren) sur le creusement du chenal. La Direction des ressources marines a émis un avis défavorable pour ces mêmes travaux… La Direction de la construction et de l'aménagement a rappelé que les travaux initiaux avaient été fait sans autorisation. La subdivision des îles Sous-le-vent a émis des “réserves” en raison de l'absences des autorisations administratives nécessaires. Deux avis ont tout de même été favorables et sans réserve : ceux du maire de Bora Bora et du Service du tourisme.
Mais surtout, la Diren a émis un avis “défavorable” lors de la Commission du domaine public qui s'est réunie à plusieurs reprises sur ce dossier. “Mais ça n'apparait nulle part, même pas dans la communication faite en conseil des ministres”, s'énerve une source côté Pays. “Ils ont même profité que le ministre de l'Environnement et le président ne soient pas là pour faire passer ce dossier”. Selon nos informations, Heremoana Maamaatuaiahutapu, soutenu par Édouard Fritch, a fait savoir qu'il ne voulait “pas voir” ce dossier en conseil des ministres. Le ministre a même fait une communication en conseil des ministres en ce sens il y a plusieurs semaines, rapporte notre source côté Pays qui évoque les propos très courroucés du ministre de l'Environnement : “ce dossier ne doit jamais être régularisé” ou “les travaux non autorisés ont bousillé la lentille d'eau et c'est un crime”. Côté Tapura, le sujet est connu et gênant. On n'hésite pas à pointer du doigt, sur ce dossier, la proximité du tāvana de Bora Bora et du ministre en charge du Domaine. “Entre non vaccinés, on se serre les coudes”, lâche un élu de la majorité.
Ce dossier n'en restera pas là. L'avocat du collectif de riverains opposés aux travaux, Me Thibaud Millet, annonce “plusieurs recours”. “On va demander une remise en état mais on va également demander l'annulation de cette autorisation d'occupation qui est à mon sens manifestement illégale, la décision sera attaquée dans les semaines à venir”. La lentille d'eau du Motu Terurumi va donc encore faire parler d'elle.
Mais un autre problème, plus juridique et politique, se pose. En effet, l'administration du Pays apparaît plus que divisée sur ce dossier. Selon nos informations, plusieurs avis réservés ont été émis lors de l'instruction de la demande d'AOT. La Direction de l'équipement s'est étonnée que des travaux d'extraction aient été réalisés sans aucune “autorisation administrative”. Un recours a d'ailleurs été déposé par le Pays au tribunal administratif pour une “contravention de grande voirie” chiffrant la remise en état à 19 millions de Fcfp. La Direction des affaires maritimes a émis de son côté des “réserves” demandant l'avis de la Direction de l'environnement (Diren) sur le creusement du chenal. La Direction des ressources marines a émis un avis défavorable pour ces mêmes travaux… La Direction de la construction et de l'aménagement a rappelé que les travaux initiaux avaient été fait sans autorisation. La subdivision des îles Sous-le-vent a émis des “réserves” en raison de l'absences des autorisations administratives nécessaires. Deux avis ont tout de même été favorables et sans réserve : ceux du maire de Bora Bora et du Service du tourisme.
Mais surtout, la Diren a émis un avis “défavorable” lors de la Commission du domaine public qui s'est réunie à plusieurs reprises sur ce dossier. “Mais ça n'apparait nulle part, même pas dans la communication faite en conseil des ministres”, s'énerve une source côté Pays. “Ils ont même profité que le ministre de l'Environnement et le président ne soient pas là pour faire passer ce dossier”. Selon nos informations, Heremoana Maamaatuaiahutapu, soutenu par Édouard Fritch, a fait savoir qu'il ne voulait “pas voir” ce dossier en conseil des ministres. Le ministre a même fait une communication en conseil des ministres en ce sens il y a plusieurs semaines, rapporte notre source côté Pays qui évoque les propos très courroucés du ministre de l'Environnement : “ce dossier ne doit jamais être régularisé” ou “les travaux non autorisés ont bousillé la lentille d'eau et c'est un crime”. Côté Tapura, le sujet est connu et gênant. On n'hésite pas à pointer du doigt, sur ce dossier, la proximité du tāvana de Bora Bora et du ministre en charge du Domaine. “Entre non vaccinés, on se serre les coudes”, lâche un élu de la majorité.
Ce dossier n'en restera pas là. L'avocat du collectif de riverains opposés aux travaux, Me Thibaud Millet, annonce “plusieurs recours”. “On va demander une remise en état mais on va également demander l'annulation de cette autorisation d'occupation qui est à mon sens manifestement illégale, la décision sera attaquée dans les semaines à venir”. La lentille d'eau du Motu Terurumi va donc encore faire parler d'elle.
Jean-Louis Tetuanui, riverain : “Gaston Tong Sang est au courant qu'il y avait de l'eau potable sur ce motu”
“Au début, ils ne voulaient pas nous entendre. Et dès qu'ils ont su qu'on avait pris un avocat, ils ont changé de comportement. Tāvana et Kito ont fait une réunion au motu, mais pas avec tous les habitants. Ils ont réussi à en convaincre quelques-uns et surtout à leur faire signer une page blanche. Quand je leur ai demandé ce que c'était, ils m'ont tous dit que c'était pour l'eau. Quand Gaston Tong Sang a acheté ici au motu, il m'a demandé de lui faire un puits, car on en avait tous un. Il est au courant qu'il y a de l'eau potable sur ce motu. On n'a jamais eu de problème d'eau. Maintenant, lui et le gouvernement sont à fond pour ce projet puisque l'arrêté est sorti. Tout au début, (Gaston Tong Sang) disait qu'on allait tirer l'eau, l'électricité et internet. Il nous disait qu'on allait avoir de l'eau potable, car si quelqu'un est malade, ce sera de sa responsabilité… Comme par hasard, c'était juste avant le projet de Kito.”
Me Thibaud Millet, avocat des riverains : “On privilégie l'argent sur l'environnement”
Quel est votre sentiment par rapport à cette autorisation d'occupation donnée par le Pays après la réalisation des travaux ?
“J'ai été très choqué de découvrir cet arrêté. Des travaux ont été faits sans autorisation. Cela a été constaté par l'administration, au vu et su de tout le monde. L'administration autorise aujourd'hui une occupation illégale. Cela parait complètement fou. Le message qui est envoyé par le gouvernement aux investisseurs c'est : Faites ce que vous voulez en Polynésie du moment que vous êtes riches. Vous pouvez faire n'importe quoi, porter atteinte à l'environnement, ne vous inquiétez pas, on régularisera plus tard. Surtout ne faîtes pas d'études d'impact, ne vous embêtez pas avec toutes les contraintes administratives, faîtes des travaux sauvagement et puis on régularisera ensuite. C'est ce qui s'est fait pendant de années mais je ne pense pas qu'en 2022 ce soit toujours d'actualité. On peut effectivement violer la loi et même porter atteinte à l'environnement. C'est cela qui est grave dans le dossier, on n'est pas simplement sur des travaux qui ont été faits sans autorisation. Mais on est sur des travaux non autorisés qui ont eu des conséquences désastreuses pour l'environnement puisqu'une lentille d'eau douce a été anéantie. Une quarantaine de famille a été privée d'eau douce sur le motu. Et manifestement, le gouvernement n'en a rien à faire. Le message aussi est celui-là : on privilégie l'argent sur l'environnement, sur la population de Polynésie.”
Allez-vous intenter des recours ?
“On va faire plusieurs recours. A la base, on était sur un référé pour demander la remise en état. J'attends quelques pièces pour le déposer. Il ne régularise pas les travaux, ce n'est pas une autorisation de travaux rétroactive, c'est une occupation. Les travaux sont toujours irréguliers et cela est constaté par le conseil des ministres. On va demander une remise en état, mais on va également demander l'annulation de cette autorisation d'occupation, qui est à mon sens manifestement illégale. La décision sera attaquée dans les semaines à venir.”
“J'ai été très choqué de découvrir cet arrêté. Des travaux ont été faits sans autorisation. Cela a été constaté par l'administration, au vu et su de tout le monde. L'administration autorise aujourd'hui une occupation illégale. Cela parait complètement fou. Le message qui est envoyé par le gouvernement aux investisseurs c'est : Faites ce que vous voulez en Polynésie du moment que vous êtes riches. Vous pouvez faire n'importe quoi, porter atteinte à l'environnement, ne vous inquiétez pas, on régularisera plus tard. Surtout ne faîtes pas d'études d'impact, ne vous embêtez pas avec toutes les contraintes administratives, faîtes des travaux sauvagement et puis on régularisera ensuite. C'est ce qui s'est fait pendant de années mais je ne pense pas qu'en 2022 ce soit toujours d'actualité. On peut effectivement violer la loi et même porter atteinte à l'environnement. C'est cela qui est grave dans le dossier, on n'est pas simplement sur des travaux qui ont été faits sans autorisation. Mais on est sur des travaux non autorisés qui ont eu des conséquences désastreuses pour l'environnement puisqu'une lentille d'eau douce a été anéantie. Une quarantaine de famille a été privée d'eau douce sur le motu. Et manifestement, le gouvernement n'en a rien à faire. Le message aussi est celui-là : on privilégie l'argent sur l'environnement, sur la population de Polynésie.”
Allez-vous intenter des recours ?
“On va faire plusieurs recours. A la base, on était sur un référé pour demander la remise en état. J'attends quelques pièces pour le déposer. Il ne régularise pas les travaux, ce n'est pas une autorisation de travaux rétroactive, c'est une occupation. Les travaux sont toujours irréguliers et cela est constaté par le conseil des ministres. On va demander une remise en état, mais on va également demander l'annulation de cette autorisation d'occupation, qui est à mon sens manifestement illégale. La décision sera attaquée dans les semaines à venir.”