Tahiti Infos

Une carte high-tech pour lutter contre la pêche illégale dans le Pacifique


Sur cette carte, les bateaux de pêche industriels sont marqués par un point blanc (un point par jour et par bateau, sur trois mois de données). La concentration très élevée de ces bateaux autour de notre zone économique exclusive est saisissante. Sur la carte, les zones libres de bateaux de pêche industriels sont généralement les zones marines protégées, entourées d'une ligne rouge, ou les pays qui ont une petite flotte locale et ont refusé de vendre des droits de pêche aux flottes étrangères. Notez que les territoires américains ont presque tous leur AMP (Howland Baker, Palmyra, Johnston, Wake et l'ouest de Hawaii. Il ne manque que Guam et les Mariannes, qui ont une aire marine gérée stricte).
Sur cette carte, les bateaux de pêche industriels sont marqués par un point blanc (un point par jour et par bateau, sur trois mois de données). La concentration très élevée de ces bateaux autour de notre zone économique exclusive est saisissante. Sur la carte, les zones libres de bateaux de pêche industriels sont généralement les zones marines protégées, entourées d'une ligne rouge, ou les pays qui ont une petite flotte locale et ont refusé de vendre des droits de pêche aux flottes étrangères. Notez que les territoires américains ont presque tous leur AMP (Howland Baker, Palmyra, Johnston, Wake et l'ouest de Hawaii. Il ne manque que Guam et les Mariannes, qui ont une aire marine gérée stricte).
PAPEETE, le 8 novembre 2017 - Des cartes interactives permettant de suivre à la trace les bateaux de pêche industrielle dans le monde entier sont utilisées par les gouvernements du Pacifique afin de mieux contrôler leurs zones économiques exclusives et le respect des aires marines protégées. Elles montrent la très forte concentration de bateaux tout autour de nos frontières maritimes.

>>> Accéder à la carte interactive des bateaux de pêche dans le monde

C'est une plainte récurrente des pêcheurs locaux : une masse de bateaux de pêche étrangers, agglutinée à la limite de nos eaux territoriales, saisit la moindre occasion d'entrer dans notre zone économique exclusive (ZEE) pour grappiller quelques tonnes de poissons, ou pose des dispositifs permettant d'attirer les poissons hors de nos eaux.

Les témoignages sont nombreux faisant état de bateaux chinois laissant trainer leurs filets en se rendant à une escale technique à Papeete ou aux Marquises, ou de dispositifs de concentration de poissons (DCP) dérivants retrouvés par hasard par nos pêcheurs dans nos eaux, clairement utilisés par les flottes étrangères. Ils trouvent ces DCP en train de se diriger vers notre frontière maritime, entraînant avec eux des tonnes de poissons vers les marchés asiatiques... Ils sont suivis par satellite par les bateaux étrangers qui les ont mis à l'eau depuis l'extérieur de la ZEE, il n'y a plus qu'à les cueillir à la sortie...

Il faut dire que l'océan Pacifique se vide rapidement de ses poissons, et les dernières zones poissonneuses du Pacifique sont de plus en plus recherchées. Pour les états qui ont fait le choix responsable de sévèrement contrôler la pêche dans leurs eaux, voire même parfois de l'interdire totalement avec des aires marines protégées (AMP), c'est un vrai casse-tête. Comment surveiller efficacement des zones de milliers de km² ?

LA CARTE INTERACTIVE DES BATEAUX DE PÊCHE

Heureusement des solutions technologiques apparaissent, portées par deux organismes à but non lucratif. D'abord l'initiative anglaise OceanMind, qui a collaboré avec grand succès avec la marine chilienne (pdf) pour protéger l'AMP de ce pays latino-américain. En croisant les données de localisation et d'activité fournies par les bateaux avec les images satellites, les relevés radar et les observations sur le terrain, OceanMind crée une carte très précise des 60 000 bateaux de pêche industrielle qui naviguent dans le monde. Des algorithmes sophistiqués déterminent également si le bateau est en simple transit ou s'il est au contraire en train de pêcher dans un endroit protégé (voir encadré ci-dessous). Les autorités peuvent ensuite se servir de ces données pour aller contrôler ces navires spécifiquement.

L'autre carte, destinées aux gouvernements mais également ouverte au grand public dans un effort de sensibilisation, est disponible sur globalfishingwatch.org. Elle est financée, entre autres, par la Fondation Leonardo di Caprio. Elle a été améliorée le 1er novembre avec toute une nouvelle série de bases de données issue d'une armée de nano-satellites, doublant le nombre de points de contrôle des bateaux et améliorant significativement son efficacité.

En centrant cette carte sur le Pacifique (voir illustration), il n'est pas difficile de comprendre pourquoi les stocks de certains poissons pélagiques dans le Pacifique sont si proches de l'effondrement : les bateaux industriels sont partout. La carte permet de suivre les bateaux individuellement, et on voit vite que ce sont les bateaux chinois, taiwannais et américains qui sont les plus nombreux, allant pêcher dans le moindre coin poissonneux du pacifique.

Les pays qui ont refusé de vendre des licences de pêches aux flottes étrangères (comme la Polynésie française), et ceux qui ont carrément protégé leurs eaux avec une AMP apparaissent clairement comme de rares sanctuaires. On voit aussi sur la carte que les aires marines gérées, comme celle proposée pour la Polynésie française, ne sont pas toujours efficaces. Si celle des îles Mariannes par exemple est très stricte et ne compte aucun bateau de pêche industrielle, ce n'est pas général. Les aires marines gérées des îles Cook, celle de la Grande barrière de corail en Australie, celle de la Micronésie ou celle des îles Marshall sont très poreuses et leurs eaux ont pratiquement autant que bateaux de pêche industrielle, locaux ou étrangers, que leurs voisins qui n'ont rien protégé du tout.

Deux bateaux de pêche pris en flagrant délit de triche sur la carte Global Fishing Watch

Globalfishingwatch.org permet de suivre chaque bateau individuellement, une ressource précieuse pour les forces de l'ordre. Ici un bateau chinois qui respecte bien notre ZEE...
Globalfishingwatch.org permet de suivre chaque bateau individuellement, une ressource précieuse pour les forces de l'ordre. Ici un bateau chinois qui respecte bien notre ZEE...
Sur cette carte, en rose, nous suivons le petit manège d'un bateau de pêche chinois entre aout et le 5 novembre 2017. Il commence sa pêche au sud des Australes, puis passe à Tahiti pour une escale avant de continuer sa campagne au nord des Tuamotu, avant de partir vers l'est de la ZEE. Mais ils n'ont jamais lâché leurs lignes dans nos eaux...

Ici, nous voyons un bateau américain qui a fait escale aux Marquises en aout. Il semble avoir laissé illégalement trainer ses lignes un jour ou deux en repartant de Taiohae…
Ici, nous voyons un bateau américain qui a fait escale aux Marquises en aout. Il semble avoir laissé illégalement trainer ses lignes un jour ou deux en repartant de Taiohae…
Global Fishing Watch et OceanMind utilisent les données de l'automatic identification system (AIS, système par lequel les bateaux transmettent leur position et activité en continu) croisées avec les données satellite, radar et celles fournies par les autorités locales pour alimenter des algorithmes sophistiqués. Le but est de suivre les bateaux de pêche industrielle, et de déterminer si un bateau est en simple transit ou s'il pêche.

Après la publication de cet article, un lecteur nommé Natua s'est lui-aussi amusé avec la carte et a fait une découverte intéressante qu'il a partagé sur notre page Facebook (carte ci-dessus). Il la commente ainsi : "comment un bateau de pèche chinois, en l’occurrence le ZHONGYANG 29 a pu pêcher pendant 9 jours (du 28 octobre au 5 novembre 2017) entre Tahiti et Tetiaroa....il est sorti de Papeete, a pêché 9 jours et est revenu a Papeete (...) bravo les contrôles..."

L'action de l'Etat en mer a réagit pour assurer qu'elle surveillait les bateaux en transit dans nos eaux, et que ces pêcheurs ne peuvent pas pratiquer la pêche dans notre ZEE. "L'Etat déploie divers moyens, deux analystes qui regardent les routes des bateaux avec leur AIS. il y a aussi des contrôles avec l'imagerie satellite. Enfin, il y a un emploi ciblé des moyens, avions et bâtiments de la marine nationale. De façon ciblée, ils vont survoler ou contrôler des navires dans notre ZEE comme en haut-mer, ce qui a une action dissuasive."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 8 Novembre 2017 à 16:11 | Lu 9799 fois