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Le plan du gouvernement pour développer le numérique en Polynésie


PAPEETE, le 7 février 2018 - Le numérique envahit nos îles et le gouvernement en a fait une de ses priorités. A la lecture de son ambitieux plan d'action, on se prend à rêver d'une administration ultra efficace et entièrement dématérialisée, à une connexion très haut débit pour tous les citoyens, ou encore à un écosystème d'entreprises florissant et créatif.

Le plan Smart Polynesia vient d'être publié au Journal Officiel, inscrivant dans la loi la stratégie de développement de l'économie numérique du gouvernement. Ce plan est ambitieux et couvre tous les aspects de la révolution technologique qui, année après année, transforme le monde.

Nous en avions parlé lors de la journée Smart Polynesia de décembre dernier, quand de nombreuses annonces avaient été faites :
- le lancement début 2018 de la construction du câble sous-marin Natitua vers les Marquises pour une ouverture en décembre 2018 et la signature définitive du projet international Manatua, qui reliera Tahiti aux Samoa,
- toute la Polynésie connectée au très haut débit dès 2025,
- des aides du Pays pour connecter les foyers modestes à l'ADSL, des aides de l'OPT pour le raccordement à la fibre, l'inclusion du numérique et d'une connexion partagée à bas coût dans tous les logements sociaux...
- l'arrivée de l’État au financement de nos nouveaux câbles sous-marins pour en limiter le coût pour les consommateurs…

Une succession de bonnes nouvelles qui devraient assurer la mise en place d'une infrastructure numérique moderne avec une combinaison de câbles sous-marins et de satellites de dernière génération. Une infrastructure à laquelle tous les habitants de la Polynésie auraient accès, même les plus modestes.


>>> Télécharger le document complet

Mais le plan est plus vaste incluant en tout 70 mesures, dont certaines sont très ambitieuses. Ainsi la création d'un "bâtiment Totem" qui sera l'épicentre de l'écosystème numérique de Tahiti (voir encadré), ou l'établissement d'un compte numérique unique pour les usagers de l'e-administration, qui leur permettra d'effectuer toutes leurs démarches sur une plate-forme en ligne (voir deuxième encadré).

Développer les formations aux métiers de demain

Plus prosaïquement, le plan veut aussi avancer sur des dossiers déjà anciens, qui ont manqué de progrès significatifs ces dernières années. Ainsi pour l'éducation, les professionnels réclament des développeurs et autres spécialistes du numérique qualifiés, une compétence rare sur le territoire. Le plan prévoit donc de recenser tous ces besoins et de mettre en place des formations spécifiques pour répondre. Il s'agirait de mobiliser les acteurs du public comme du privé, en jouant sur la formation professionnelle et initiale. Ainsi l'Université sera mobilisée ; comme le CNAM avec ses partenariats avec de grandes écoles métropolitaines ; la CCISM avec ces formations spécialisées à l'instar de Poly3D ; et d'autres structures privées comme l'Académie des Télécoms/LOGIC, située à Pirae et que le gouvernement salue comme étant la première à proposer des formations labellisées "Grande École du Numérique".

Au niveau de la médecine, le plan inclut également une mesure réclamée depuis longtemps par la CCISM et le CESC, qui estime qu'un demi-milliard de francs d'économies est à la clé pour la CPS : le dossier médical numérique. Un tel dossier partagé permettrait aux médecins de suivre plus efficacement leurs patients, éviterait les actes médicaux redondants et est même nécessaire pour l'étape suivante : la télémédecine. Avoir la possibilité d'effectuer des consultations à distance changerait la vie des îliens qui bénéficieraient d'une assistance médicale immédiate en évitant le voyage vers Papeete. Mais cet objectif est tout de même contingent à un défi de taille : arriver à interconnecter tous les systèmes informatiques des professionnels de la santé, tout en assurant la sécurité et la confidentialité absolue des données médicales personnelles des Polynésiens…

Un plan ambitieux et qui fait donc vraiment rêver. Malheureusement, ce document a beau créer l'enthousiasme, il lui manque deux éléments majeurs : à part les projets de câbles sous-marins, aucunes de ses 70 actions n'inclut de date ou de budget chiffré. Au moins, une "Task force" est créée, chargée de suivre l'exécution de toutes ces mesures et mettre à jour le plan au fur et à mesure des évolutions technologiques.


Qu'est-ce que le "bâtiment totem" ?

Le plan prévoit l'aménagement d'un tout nouveau bâtiment emblématique en plein Papeete, nommé Pacific DigiPol. Le but est dans faire un emblème, ou totem, de nos économie numérique : "Le Pays souhaite proposer un espace de convergence numérique qui centralisera, en un même lieu géographique, non seulement l’ensemble des équipements techniques nécessaires à l’émergence d’entreprises numériques innovantes, mais aussi des espaces favorisant l’apprentissage, le tutorat et le frottement technologique. Ce digipôle, qui se veut un lieu vivant, se traduira par un ensemble immobilier comprenant des espaces de travail pour chaque stade de vie de l’entreprise, depuis la formation du porteur de projet jusqu’à l’essor et la valorisation des talents polynésiens, des espaces de conférence et d’exposition, un hôtel d’entreprises et un bureau d’information administrative. De vocation internationale, il sera conçu pour accueillir les start-ups de Polynésie mais aussi du Pacifique, constituant ainsi une vitrine du savoir-faire français."

Le ministère du Numérique y imagine déjà des téléconférences publiques avec des experts internationaux en direct depuis d'autres continents, un incubateur de start-ups rassemblant des entreprises venant de tout le Pacifique, un fablab pour créer des prototypes, ou un bureau de l'administration dans le bâtiment pour alléger au maximum la lourdeur des démarches légales. Une belle idée, mais qui repose sur une trouvaille rare : un bien immobilier ou un terrain proche du quartier administratif, disponible et connecté à la fibre.


Quand l'administration se connecte

Une véritable e-administration changerait la Polynésie, et la lecture du plan Smart Polynesia montre que le gouvernement a conscience de l'ampleur de la tâche qui l'attend dans ce domaine. Il prévoit ainsi la création "d'un réseau permettant des échanges sécurisés entre les ministères, les services administratifs, les communes, les collèges, les hôpitaux et centres de santé, à l’instar du Réseau Interministériel d’Etat, et garantissant la continuité de l’action gouvernementale en cas de dysfonctionnement grave d’Internet. Ce réseau constitue le «socle» pour le développement de l’E-administration et sera clairement la clé de voûte de la digitalisation de l’administration polynésienne". Il va d'ailleurs falloir acheter de nouveaux serveurs beaucoup plus puissants pour cette montée en capacité...

Une fois toute l'administration interconnectée, il s'agira de faire grossir le site Net.pf, premier embryon de plate-forme de téléservice administrative, en y ajoutant tous les nouveaux services développés par l'administration. Pour l'instant, la déclaration de la CPS, le cadastre, ou encore la déclaration de TVA peuvent déjà se faire en ligne, mais sur trois sites et avec trois comptes différents. Dans le futur, les citoyens seront dotés d'un compte unique, qui pourrait être vérifié par divers acteurs de confiance (comme la CPS, la direction des impôts et des contributions, etc.) et qui sera utilisable pour toutes ses démarches en ligne avec l'administration, rassemblées sur Net.pf. Comme tous les documents nécessaires à la demande seront déjà sur ce compte, la plupart des démarches se feraient en quelques clics… Et s'il est conçu selon le plan Smart Polynesia, ce compte unique pourra même se connecter à la plateforme métropolitaine France Connect, pour faciliter nos démarches aux antipodes. Une promesse que les étudiants polynésiens en métropole écoutent avec intérêt, mais qui n'est malheureusement ni datée, ni chiffrée, comme la plupart des mesures du plan Smart Polynesia...

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 7 Février 2018 à 15:30 | Lu 2949 fois