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Nana, l’artisanat de Rimatara à Tautira


Chez Daliana Deane, le fara est à portée de main (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Chez Daliana Deane, le fara est à portée de main (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 27 juin 2024 – Entourée d’une plantation de pandanus, la maison de Daliana Deane se distingue des autres au sud de Tahiti. Originaire des Australes, l’artisane de 42 ans s’est passionnée sur le tard pour l’art raffiné et minutieux du tressage des Tuha’a Pae, auquel elle a été initiée par sa marraine. Avec l’aide de sa famille, elle cultive, sèche et sublime cette fibre naturelle emblématique.
 
Au Fenua ‘Aihere de Tautira, le jardin de Daliana Deane détonne avec ses pandanus imposants. Nichée dans ce havre de paix, sa maison fait office d’atelier, entre les punaises et les gabarits en bois, ainsi que les longues feuilles séchées suspendues sur la terrasse et balayées par le vent. Nana, comme on la surnomme depuis l’enfance, ne lève les yeux de son ouvrage qu’en cas de nécessité. Ce matin-là, c’est le tressage d’un porte-monnaie qui requiert toute son attention. “Je n’aime pas quand il y a des défauts. Il n’y a rien de pire qu’un client qui revient parce qu’il y a un problème”, nous confie-t-elle entre deux ourlets.
 

Une passion tardive


Originaire de Rimatara par sa mère, Nana a découvert son île tardivement, à l’âge adulte. À 42 ans, elle n’a pu s’y rendre que deux fois. Si elle rend hommage à ses origines à travers son talent pour le tressage, l’artisanat n’a pourtant pas été une évidence. “C’est un savoir-faire familial. Ma grand-mère était tresseuse et ma mère aussi, mais j’ai appris avec ma marraine, qui participe à des expositions. J’ai commencé en étant vendeuse pour elle, puis elle a décidé de m’apprendre à tresser quand j’avais 20 ans. Au départ, ça ne m’intéressait pas du tout, mais elle n’a pas lâché. Elle avait envie de me transmettre ce qu’elle savait. Au fil du temps, c’est devenu une passion, au point d’y penser la nuit et d’avoir hâte de continuer à tresser et à créer”, se souvient-elle.
 
Des plus grands salons à Papeete aux commandes de particuliers, Daliana Deane en a fait son métier en restant fidèle à cette bonne fée qui a su l’aiguiller. Paniers, éventails, bandoulières, rien ne résiste à sa dextérité, à l’exception des chapeaux, dont elle ne maîtrise pas encore l’art. Avec ses variations de couleurs, le tressage raffiné et minutieux des Australes est plébiscité. Par souci de durabilité et de qualité, chaque pièce est doublée : le tressage de base est recouvert d’un second, plus décoratif. Nana n’a aucune difficulté à écouler ses créations. “Ce qu’on fait, on sait qu’on va le vendre”, assure-t-elle. Il en va de même pour les rouleaux de pandanus brut, particulièrement recherchés à cette période pour la confection des costumes des écoles de danse et des troupes du Heiva.
 

L’artisane perpétue la tradition familiale.
L’artisane perpétue la tradition familiale.

Augmenter la production


Face à la demande, il y a environ huit ans, sa famille a entrepris de planter à Tautira des pandanus en provenance de Rimatara. Nana a depuis quitté Faa’a pour s’y installer. “Ce sont des raufara verts sans épines. Ils poussent très bien ici, grâce à la source voisine. C’est mon mari qui se charge de la récolte. Il en profite pour replanter de jeunes pousses”, explique-t-elle. Pour sécher les tiges, qui peuvent atteindre 11 centimètres de large, tous les espoirs de Nana reposent sur des conditions météorologiques clémentes. “L’ennemi du pandanus, c’est l’eau ! Il pleut beaucoup à Tautira, alors le séchage n’est pas évident, mais on y arrive. Dès qu’il fait beau, on expose tout dehors. Et quand les feuilles sont bien beiges, après deux à trois semaines de soleil, on peut commencer à les travailler”, poursuit-elle, en commençant à assouplir, tendre et enrouler l’une d’entre elles d’un geste sûr, en guise d’exemple. 
 
Pour augmenter sa capacité de production, Nana envisage de planter davantage de pandanus avec l’aide de ses proches, dont une variété verte et jaune. Par extension, la construction d’un espace de séchage est également en projet. “Plus j’arriverai à sécher du pandanus et à faire des rouleaux, plus je pourrai travailler et satisfaire les clients”, conclut-elle. Mère de quatre enfants, elle sait qu’elle peut compter sur l’aide de ses deux filles initiées au tressage, en cas de besoin, mais elle espère surtout pouvoir un jour leur transmettre sa passion.
 

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Jeudi 27 Juin 2024 à 17:52 | Lu 4145 fois