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Tabac : une journée pour décrocher


Tahiti, le 30 mai 2025 - Ce samedi 31 mai, se tiendra au Fenua, comme ailleurs dans le monde, la journée mondiale sans tabac. Lancée par l’OMS, cette campagne annuelle vise à sensibiliser aux ravages sanitaires, économiques et environnementaux du tabac, qui tue plus de 8 millions de personnes chaque année dans le monde.
 
“Essayer au moins d’arrêter une journée. C’est une expérience vis-à-vis de soi-même, un challenge à la fois difficile, mais réalisable... Il faut le prendre comme un jeu ludique”, encourage Nathalie Derycke, du service d’addictologie à la Direction de la santé.
 
Chaque 31 mai, la Journée mondiale sans tabac revient comme une piqûre de rappel. L’initiative, portée depuis 1987 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), vise à dénoncer les ravages du tabagisme. Car le tabac tue, appauvrit et pollue énormément. 
 
Selon les dernières estimations de la Direction de la santé, près de 70 000 adultes fument régulièrement au Fenua. Une proportion inquiétante pour un territoire déjà durement touché par les maladies chroniques – diabète, obésité, pathologies cardio-vasculaires – qui viennent démultiplier les effets délétères de la cigarette.
 
Un fléau aux multiples visages
 
Cancer des poumons, maladies cardiovasculaires, infarctus, bronchites chroniques... La liste des ravages provoqués par le tabac est longue comme un paquet de cigarettes. À l’échelle mondiale, il est responsable de plus de 8 millions de morts chaque année, selon l'OMS. En Polynésie, si les données sont plus rares, le lien entre tabagisme et surmortalité n’est plus à démontrer. 
 
Mais la dépendance ne se limite pas à une seule dimension de santé. Le coût économique, lui aussi, pèse lourd dans la balance. Et dans un contexte d’inflation, l’argument financier devient souvent un levier décisif pour arrêter de fumer. “Après la santé et l’exemplarité vis-à-vis des enfants, c’est le prix du paquet qui motive le plus les fumeurs à décrocher. Les hausses tarifaires fonctionnent. Elles font réfléchir”, analyse Nathalie Derycke.
 
À raison d’un paquet de 20 cigarettes par jour, à 1 200 francs, un fumeur polynésien débourse près de 36 000 francs par mois, soit 432 000 francs par an – l’équivalent d’un scooter ou d’un voyage à l’étranger. Et ce coût est double : il impacte le budget familial autant que celui de la collectivité. La Caisse de prévoyance sociale (CPS) supporte une part importante des soins liés aux maladies induites par le tabac. 
 
Moins visible, l’impact écologique du tabac reste pourtant massif. La culture du tabac contribue à la déforestation, consomme d’énormes quantités d’eau et recourt à des pesticides particulièrement nocifs. Quant aux mégots – 4 500 milliards jetés chaque année dans le monde – ils mettent plus d’une décennie à se décomposer et relâchent des métaux lourds dans les sols comme dans les océans. Et donc, dans les lagons.
 
Une journée pour enclencher le déclic
 
La Journée mondiale sans tabac se veut agir comme un sas d’entrée vers le sevrage. Une étape symbolique, mais essentielle. Au Fenua, elle précède le Mois sans tabac, lancé localement en 2017, qui se tiendra en septembre cette année. L’an dernier, quelque 500 personnes s’y étaient inscrites.
 
Mais les actions menées par la cellule d'addictologie de la Direction de la santé sont ouvertes gratuitement, et pour tous, toute l'année. “Nous accompagnons gratuitement toute personne souhaitant arrêter. Il y a cinq spécialistes formés au sevrage tabagique, disponibles toute l’année. Sur notre site Aita Tabac, les usagers peuvent aussi évaluer leur niveau de dépendance, simuler leurs économies et suivre un programme personnalisé”, explique Nathalie Derycke.
 
Contre les fameuses “cravings” – ces montées irrépressibles d’envie de fumer – des stratégies simples peuvent être mises en place. “Elles durent 40 à 50 secondes, mais sont très intenses. L’idéal est de détourner l’attention rapidement : boire un verre d’eau, manger un fruit, marcher, courir, nager…”
 
D'autant que les bienfaits du sevrage, eux, ne tardent pas : la pression artérielle baisse dès les premières 20 minutes, la respiration s’améliore au bout de trois mois et, après un an, le risque d’infarctus chute de moitié. “Au bout de dix ans, on retrouve les mêmes capacités qu’un non-fumeur, y compris en termes d’espérance de vie”, rappelle la spécialiste. Mais la clé reste la motivation : “Il faut se demander ce que l’on a à y gagner. C’est cette vision qui permet de tenir.”
 
Cibler les plus jeunes
 
Le thème retenu cette année par l’OMS met en lumière une bataille plus insidieuse : celle contre l’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques et les stratégies de séduction ciblant les jeunes. Packagings flashy, cigarettes électroniques parfumées, influenceurs sponsorisés… Autant d’armes marketing pour créer une dépendance précoce.
 
En Polynésie, une première mesure a été prise l’an dernier avec l’interdiction des puffs, ces cigarettes électroniques jetables prisées des adolescents. À l’échelle nationale, la France vient tout juste d’adopter une loi interdisant de fumer dans de nombreux lieux fréquentés par des enfants – parcs, plages, abords d’écoles, abribus, gymnase ou stades. Au Fenua, le Pays devrait adopter prochainement une loi interdisant  la promotion du tabac et les produits de vapotage ainsi que l'exposition à la vente, très prochainement. Le texte a déjà obtenu un avis favorable du Cesec et été validé par l'Autorité de la concurrence. 
 
 

Rédigé par Thibault Segalard le Vendredi 30 Mai 2025 à 16:23 | Lu 483 fois