Tahiti Infos

Nathalie Montelle : ​“Le 26 juin, c’était un grand moment”


Tahiti, le 20 juin 2025 - Comment fêter les 10 ans de Tahiti Infos sans avoir une pensée pour Nathalie Montelle, qui a porté le projet à bout de bras avant de le transmettre à Albert Moux et sa fille, Sarah.Désormais retirée du monde du journalisme, Nathalie est revenue avec nous sur les premières années de votre quotidien. Depuis sa mise en ligne jusqu’à aujourd’hui, en s’arrêtant bien sûr sur ce 26 juin 2015 et son passage en quotidien papier.
 
 
Nathalie, peux-tu nous parler de la genèse de Tahiti Infos ?
“J’avais rejoint Fenuacom en 2010 après avoir lancé Pacific Business. À ce moment-là, j’ai pris en main le projet Tahiti Infos. Fenuacom venait de lancer Fenua TV et voulait aussi lancer Fenua Infos. Problème : il n’y avait qu’une seule imprimerie sur le territoire, c’était celle de La Dépêche de Tahiti, qui refusait alors de nous imprimer. Il fallait donc imprimer au Chili. Ça a fonctionné pour Fenua TV parce que c’était un hebdomadaire mais ça n’a pas marché pour Fenua Infos. Le projet était en stand-by et quand j’ai rejoint Fenuacom, j’ai proposé de relancer un journal d’information, mais sur le format numérique. Le Pays venait d’ouvrir les vannes de l’internet avec la pose du premier câble sous-marin et le web se développait. Il n’y avait que Tahiti Press qui faisait la même chose, mais c’était de l’information gouvernementale et le projet était de lancer un journal d’infos en pure-player.”
 
Comment était composée ton équipe ?
“On n’avait pas beaucoup de moyens donc on a lancé le site et je suis partie toute seule avec mon téléphone et j’ai commencé à aller aux conférences de presse du gouvernement Tong Sang à l’époque, celles du haut-commissariat. Petit à petit, j’ai pris contact avec les fédérations sportives, la gendarmerie, etc. J’étais seule pendant un bon moment. Je faisais tout. Les articles, la mise en ligne… En même temps je lançais la première page Facebook du territoire et ça a fonctionné très fort et très vite. J’envoyais la newsletter dès 4 heures du matin, et je finissais vers 20 heures. C’était assez énorme.”
 
Le développement de Tahiti Infos a-t-il été rapide à mettre en forme ?
“Très rapidement, on a pris l’abonnement AFP, ce qui nous permettait d’avoir des informations du monde entier. Je faisais ce que je pouvais. De temps en temps, je passais des communiqués parce que je n’avais pas trop le choix. Puis, on a eu notre première commerciale, Vanessa, qui a commencé à vendre de la pub sur le site, et on a commencé à rentrer dans nos frais, et surtout, à s’imposer comme un journal sérieux. On a marqué petit à petit notre présence sur le marché et on a assez vite gagné en crédibilité.”
 
La première grande bascule se fait en 2012…
“Oui, en 2012, Albert Moux fait une proposition de rachat du groupe Hersant et alors qu’il est à Singapour, la vente se fait avec un consortium qui reprend La Dépêche et Les Nouvelles. Comme c’est un amoureux de la presse, il est venu nous voir et nous a dit : ‘Le projet Tahiti Infos est intéressant, on va en faire un journal papier’.”
 
Les débuts n’ont pourtant pas été facilités par la concurrence.
“C’était une aubaine pour nous. On a travaillé sur les maquettes et Albert Moux a alors commandé une imprimerie toute neuve. On a lancé Tahiti Infos sur papier en novembre 2012, trois fois par semaine, le lundi, mercredi et vendredi. Pour nous contrer, La Dépêche a sorti son ‘Gratuit’, le même jour que nous, mais nous n’avons rien lâché. Bien sûr, il y a eu des difficultés. La Dépêche et Les Nouvelles ne nous rataient pas à l’époque. Murielle Pontarollo [ancienne rédactrice en chef des Nouvelles] nous a même consacré une double page dans Les Nouvelles [rires]. Nous avons continué à constituer nos équipes. Dans le même temps, Les Nouvelles étaient en train de fermer et on a récupéré quelques personnes pour muscler notre rédaction. J’en étais la rédactrice en chef pendant que Alain Barbaroux s’occupait de la partie commerciale. Michel Cuneo se chargeait d’envoyer le journal dans les îles, et avec le réseau d’Albert Moux et ses stations-services, on pouvait être distribué. On a mis en place des partenariats avec Aranui et Air Tahiti aussi et on s’est développé de plus en plus.”
 
En juin, l’imprimerie de Papara était finalement inaugurée.
“Oui, le 26 juin 2015, on sortait le premier numéro quotidien sur l’imprimerie de Papara. C’était un grand moment. On avait préparé le journal un peu plus tôt et fait la une en direct depuis l’imprimerie avec toutes les personnes invitées. Chaque personne a pu repartir avec un exemplaire du journal.”
 
Lancer un quotidien, ça ne t’a jamais fait peur ? Il n’y a pas eu de doutes sur la viabilité du projet ?
“Je ne me suis jamais posé la question de la viabilité du projet. J’avais une aisance naturelle pour rédiger, j’étais assez rapide et j’allais en conférence de presse avec une tablette, ce qui ne se faisait pas à l’époque. Le jour où j’ai vraiment pris conscience que Tahiti Infos décollait, c’est quand Marie-Eve Tefaatau m’a invité à Ahe sur le tournage du film l’Ordre et la Morale. Ça faisait un mois que le journal était en ligne et on nous prenait déjà au sérieux. Lancer Tahiti Infos, ça a été beaucoup de travail. La tête dans le guidon et je ne me suis pas posé de questions, j’y suis allé.”
 
La ligne éditoriale de Tahiti Infos est claire, neutre et surtout apolitique. Cela a toujours été ainsi ?
“Tahiti Infos a toujours été le garant d’une ligne éditoriale neutre. On lui prête des accointances avec le Tavini quand c’est le Tapura qui est aux commandes, et inversement. C’est la preuve que le journal fait bien son travail. Même quand le patron était Éric Minardi, représentant du Rassemblement national en Polynésie, je n’ai jamais eu de remarque concernant une orientation politique du journal.”
 
Quels souvenirs te restent-ils de cette aventure ?
“J’ai passé de bons moments avec mon équipe et puis il y a eu aussi l’aventure Hine avec Sarah Moux. Avec un patron comme Albert Moux, ça ne pouvait que fonctionner. Il n’a jamais fait d’ingérence dans la rédaction. Des souvenirs, j’en ai plein la tête. Je me souviens d’un déplacement de Fritch à l’ONU. Ces événements n’étaient pas retransmis. Mais un correspondant, ancien des Nouvelles, Serge Massau, était sur place pour France Ô et il m’a fait des directs sur Facebook. Ça nous avait boosté les audiences.” 

Rédigé par Bertrand PREVOST le Dimanche 22 Juin 2025 à 18:45 | Lu 2854 fois