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Witi Ihimaera : le héros " Paï " viendrait de Tahiti.


L’écrivain contemporain néo-zélandais Witi Ihimaera est l’un des invités de marque du FIFO 2014. Auteur prolifique de l’ère post-coloniale, on lui doit entre autres le livre « The Whale rider » dont l’histoire a été porté à l’écran par la réalisatrice Niki Caro, sous le titre « Paï ». Pourtant, l’écrivain maōri reste humble et se plaît à parler des héros du monde passé, au nom de son peuple, tout en observant les relations entre les siens et le « blancs ».

Witi Ihimaera a vu le jour sur la côté est du Nord de la Nouvelle-Zélande, dans le village de Whangara à Gisborne (que les habitants surnomment Tūranga-Nui-O-Kiua).Issu de la tribu Tepano-Akae, Il est l’écrivain maōri le plus connu du pays du « long nuage blanc ». Lorsqu’il était encore enfant, il aimait se rendre sur la plage afin de regarder au loin « vers les îles du Pacifique : Rarotonga, te Pito o te Henua que vous surnommez ici à Tahiti, Rapa Nui. Je pensais également aux îles Hawai’i, c’est-à-dire cette grande et belle région du Pacifique Sud d’où l’on peut apercevoir le soleil se lever.Et chaque matin, lorsque je scrutais l’horizon, ma grand-mère me disait que cet océan devant nos yeux s’appellait Te-Moana-Nui-O-Kiua et qu’il reliait toutes les îles polynésiennes.C’est pour cela que nous formons une seul peuple. »

Sa vision de l’océan Pacifique est bien loin de celle des archéologues ou anthropologues européens : « je vois avec les yeux d’un maōri, et non d’un « pākeha » c’est-à-dire d’un blanc. N’y voyez aucune connotation raciste, mais lorsque l’on me parle par exemple du triangle polynésien, je réponds simplement que je ne connais pas ce nom. Pour moi, ils ont été donnés par les premiers navigateurs portugais puis britanniques au 16ème siècle, qui ont dessiné les cartes selon leur vision, et non selon la nôtre. Je dirai qu’ils « se sont trompés de cartes » puis que nous n’avons pas la même vision de notre monde insulaire du Pacifique-sud. Ainsi, lorsque je suis devenu écrivain, mon rôle a été aussitôt d’œuvrer pour la reconnaissance de Ma méthodologie éducative, Mon histoire, Ma géographie, Mon océanographie. Ici l’expression « Mon » est utilisée pour désigner le vœu māori d’être reconnu en tant que tel.»

Le livre « The Whale Rider » et le film « Paï ».

Parmi ses œuvres portées à l’écran, le livre « The Whale Rider » édité en 1987. Ce dernier raconte l’histoire de Kahu, une petite fille malheureusement née au mauvais moment, celui où son grand-père Koro espérait un héritier mâle qui deviendrait le futur chef du clan d’un petit village de la côte est de la Nouvelle-Zélande dont les habitants descendent de l'ancêtre mythique Kahutia Te Rangi signifiant « le chevaucheur de baleine ».

Le livre qui s’apparente à un conte, se lit d’un trait, sans complication, et plonge le lecteur dans une société patriarcale où la naîssance d’une fille au lieu d’un garçon remet tout en question.

Pourtant l’adaptation faite à l’écran par la réalisatrice Niki Caro, bien qu’ayant accru la notoriété de l’écrivain, n’était pas forcément ce que l’auteur attendait : « Il faut bien comprendre que le film a été fait pour plaire à un large public international. C’est plus une affaire commerciale avec en toile de fond un conte maōri, très bien fait d’ailleurs. » avant d’apporter une précision étonnante : « A l’origine, Paikea était un héros qui venait de Tahiti. Il y a fort longtemps, celui-ci quitta l’île de Tahiti à bord d’une petite pirogue en destination de Rarotonga. D’ailleurs, sur place, les anciens disent avoir entendu parler de ce héros. Peu après, il se maria avec une fille de l’île principale. Et un jour, il partit à la pêche et ne revint jamais. Cependant, je précise une fois de plus que le vrai « Païkea » est originaire de Tahiti. Pourtant, le film parle d’une légende. alors qu'il a bel et bien éxisté. »

Cette vision qu’il qualifie « d’européenne », il ne la partage pas : « C’est ce qui me déplaît souvent, c’est que lorsque des étrangers entendent une histoire qui s’est réellement passée chez nous, eh bien, ils vont s’évertuer à considérer la chose comme étant une élément qui n’a jamais pu avoir lieu et que par conséquent, c’était tout simplement irréel. Je combats cette façon de nous voir, nous autres māoris ! »

Ce combat se fait fortement ressentir dans ses livres qui ont lieu à des époques différentes, à travers des personnages très ancrés dans la culture néo-zélandaise. Witi Ihimaera se veut être le porte-parole de son peuple en "créant des héros d'ici, de notre région, de notre Pacifique. Vous savez, mes héros à moi ne sont pas Bougainville, Wallis ou encore James Cook. Mes oeuvres ont toujours mis au devant de la scène des hommes et des femmes d'une tribu, d'une contrée ou d'une montagne qui vivent māori, qui mangent māori et qui pensent māori. Voilà mes vrais héros à moi ! "

Il enseigne depuis 1990 la littérature anglaise à l'université d'Auckland. Et comme pour récompenser toutes ses années de soutien à la cause māorie, il a reçu la médaille de l'Ordre du mérite en littérature de Nouvelle-Zélande, en 2005.

TP

Rédigé par TP le Jeudi 6 Février 2014 à 14:19 | Lu 850 fois