Votre quartier sera-t-il rénové ?


(photo d'archive)
PAPEETE, le 4 mars 2019 - Un grand programme de rénovation des quartiers insalubres de quatre communes de l'agglomération urbaine devrait transformer le visage de la ville dans les années qui viennent. Construction ou rénovation des logements, désenclavement, création de services publics, aménagement d'équipements sportifs ou d'espaces verts... Quels seront les quartiers concernés ?

Le programme de rénovation urbaine (PRU) du Grand Papeete devrait être lancé dans moins d'un an. Il s'agira d'investissements de plusieurs milliards de francs chaque année pendant plusieurs années dès 2020 pour rénover ou reconstruire près de 3000 logements insalubres. Ce programme ambitieux est un partenariat entre l’État, le Pays, les communes et des acteurs du public et du privé comme l'OPH, TNAD et le syndicat mixte du Contrat de ville.
En ce début d'année, une étape a été franchie avec le lancement des études dans chaque quartier concerné. Elles seront réalisées par des cabinets d'études locaux ou métropolitains experts en rénovation de quartiers insalubres, sous la conduite des mairies. Une fois ces plans arrêtés, un budget sera décidé, les financements seront répartis entre les partenaires, une société d'aménagement intercommunale sera créée... Et il sera enfin temps de planter les premiers coups de pioche début 2020.

Ces programmes devraient transformer la vie des habitants de ces quartiers (listés en encadrés). Ils vont bien sûr concerner les habitations insalubres, qui seront soit reconstruites avec des solutions d'hébergement temporaires pour les familles pendant les travaux, soit rénovées quand il s'agit d'habitats collectifs. Mais les travaux seront bien plus vastes, "incluant tout ce qui a trait à l'assainissement, aux espaces publics, à la desserte ou aux équipements. Un projet de rénovation urbaine vise à mettre en place une requalification globale d'un site avec l'ensemble des éléments de cadre de vie qui permettent une vie meilleure dans le quartier" explique Mahieddine Hedli, délégué de la délégation à l'Habitat et à la Ville, charger de coordonner tous les PRU entre eux.


Mahina : Titine et Orofara

Dans la commune du Nord de Tahiti, ce sont les quartiers Titine (Pointe Vénus) et Orofara qui bénéficieront d'un PRU. La stratégie arrêtée par les partenaires consiste à "reconquérir le littoral dans le cadre d’une stratégie écotouristique".

Outre la résorption de l'habitat indigne et la construction des réseaux (eau, épuration, électricité...), le programme veut sécuriser les habitations contre les catastrophes naturelles, en particulier les inondations. Il s'agit aussi de désenclaver ces quartiers, en particulier Titine, et d'ouvrir leurs accès à la mer dans une stratégie de développement touristique. Un réaménagement de leurs plages et de leur littoral sera donc aussi réalisé. À Orofara spécifiquement, le village sera restauré, avec une mise en valeur de son patrimoine historique, tandis qu'un nouveau lotissement à l'architecture en bois est en projet.

Pirae : Tuteraitane et Tenaho

A Pirae, ce sont deux quartiers de la vallée de Nahoata qui sont principalement concernés : Tuteraitane à l'entrée de la vallée et Tenaho en fond de vallée. Le PRU va bien sûr devoir prendre en compte le fort risque d'inondation et d'éboulement dans cette zone, régulièrement victime des intempéries. Mais il prévoit également le développement de solutions de désenclavement dans toute la vallée (transports collectifs ?) et d'équipements structurants/de proximité. La vallée bénéficie également d'un foncier public important qui sera mis à profit pour la construction de logements et le relogement des familles pendant les travaux.

Le plan mentionne aussi la création d'un vrai centre-ville pour Pirae. Un vieux cheval de bataille des maires de la commune, qui pourrait profiter des fonds des PRU pour enfin devenir réalité.

Papeete : Manuhoe et Mama'o Vallon

Presque toute la moitié Sud et Ouest de la capitale va profiter du PRU d'une façon ou d'une autre, mais les deux quartiers prioritaires sont Manuhoe et Mama'o Vallon. Les priorités affichées par la mairie sont de "redynamiser le centre-ville" et de résorber l'habitat insalubre.

Concernant Mama'o Vallon, il s'agira de désenclaver le quartier, profiter de la construction d'équipements sportifs et du développement des réseaux pour donner un nouvel élan à la zone, et bien sûr la construction de nouveaux logements. Dans ce quartier, la question importante sera l'offre de logements de transit pendant les travaux, il faudra pour cela faire appel au foncier communal. À Manuhoe, le projet est plus compliqué puisqu'il faudra à la fois percer de nouvelles voies d'accès, régler le risque d'inondation, et surtout régler la situation foncière puisque beaucoup de familles sont installées illégalement sur des terres communales. Mais des réserves foncières ont déjà été effectuées pour reloger ces familles dans des logements décent et du foncier "maîtrisé".

Le maire Michel Buillard nous a d'ailleurs parlé de sa stratégie de rénovation et de développement pour Papeete : "Nous avons défini nos priorités de résorption des quartiers insalubres, et la première opération sera Mama'o Vallon. On est dans un calendrier très sérieux, que l'on va essayer de tenir. Je pense que dans moins de deux ans les travaux seront lancés. De mon côté je serai là pour mettre la pression sur tous les acteurs pour que ça se fasse, et surtout pour favoriser le dialogue avec les populations. Parce que ce qui a manqué jusqu'à présent dans les précédentes opérations de ce type, c'est ce dialogue. À Mama'o Vallon, on a déjà commencé à travailler puisque le quartier dispose maintenant de 6000 m² pour faire du sport. Cette population n'avait pas la possibilité de s'exprimer sur le plan sportif, et aujourd'hui elle a des structures adaptées avec un terrain de sport mais aussi une maison de quartier et même un jardin partagé. Il y a encore d'autres quartiers à rénover comme Vaininiore, Tipaerui... Je pense qu'il faudra envisager d'intervenir dans ces quartiers, mais avec d'autres instruments financiers que le PRU."

Concernant le centre-ville, le maire assure que la commune "a commencé à tout rénover sur le front de mer et à faire une promenade. On commence à donner aux gens la possibilité de se déplacer en mode doux, à réduire les problèmes de mobilité, et tout ça a demandé des fonds de l'ordre de 700 millions de francs pour la commune et le Pays. Pour ce qui concerne les immeubles privés, vous avez vu que Zermati (NDLR : Imagine Promotion) a rénové l'ancien immeuble Maiana (NDLR : le Centre Bruat, en face du rond-point Jacques Chirac). Donc à ceux qui ne voient pas, je leur dit 'regardez' ! Ensuite il y a un groupe financier important qui est sur la rénovation et la reprise en main du Prince Hinoï. Et enfin vous pouvez voir qu'il y a maintenant des terrasses dignes de ce nom pour manger ou boire un verre. Nous avons aussi décidé, en relation avec le gouvernement, d'ouvrir la voie Vairaatoa et une partie de la voie Pomare, devant le Paradise Night à côté de l'usine EDT. Le soir les gens pourront s'y garer. Donc nous portons maintenant nos efforts sur cette partie de la ville."

Punaauia : Quartier Fuller

A Punaauia, le projet concerne presque toute la commune avec un plan de "renaissance urbaine et de développement touristique". L'accent sera mis sur le bord de mer et la zone de Outumaoro. C'est surtout les habitants du quartier Fuller qui profiteront d'un programme de résorption de l'habitat insalubre, de gros travaux de désenclavement et de solutions pour sortir des problèmes d'occupations sans titre du foncier.

Mais à l'échelle de la commune, c'est toute la route de ceinture qui devrait changer. Elle serait requalifiée en "boulevard urbain afin d’assurer une intégration et une continuité terre/mer", avec des travaux pour améliorer le "maillage viaire" (création de routes ou chemins) et favoriser l'insertion des servitudes sur la voie principale. Il s'agira aussi de multiplier les accès publics à la mer et de valoriser le patrimoine culturel de la commune.

Pour le maire Ronald Tumahai, "dans la commune de Punaauia, c'est essentiellement le quartier Fuller qui est concerné. C'est le cœur même du quartier de Outumaoro, qui est un quartier prioritaire défini depuis fort longtemps. C'est ce quartier qui concentre toutes les problématiques majeures d'enclavement, de manque d'accès aux réseaux d'eau, de logements insalubres... Il s'agit également d'accompagner socialement et économiquement la population, puisque ce secteur souffre d'un taux de chômage très important. Donc l'idée est de s'attacher à améliorer le quartier, l'habitat, permettre aux familles de se loger dans de meilleures conditions, mais aussi d'accompagner l'accès à l'emploi dans le cadre du projet hôtelier mené par le Pays juste en face, à Outumaoro côté mer. Ce sont 170 familles qui sont concernées par le PRU."

Le maire espère aussi que des solutions seront trouvées pour les problèmes fonciers, "l'idée est de réinstaller les familles autant que possible sur la zone. Sachant que les familles contiennent souvent un nombre important de personnes, donc il faudra penser à faire de la décohabitation, ne serait-ce que de permettre aux enfants qui sont en ménage d'avoir leur propre maison. Donc forcément si les solutions sont suffisantes pour loger l'ensemble de ces personnes sur place, on le fera, mais l'étude et les concertations avec la population nous permettront de déterminer dans quelles conditions nous pourront les reloger. Sinon nous avons d'autres secteurs dans la commune où nous souhaitons intervenir, notamment les logements sociaux tels que Taapuna, qui mérite une veille de la part de la commune. Mais nous avons déjà identifié le plus vieux lotissement de la commune, Punavai Plaine, et très rapidement nous allons lancer une réflexion sur cette zone. Elle posera moins de problèmes au niveau foncier puisque les habitants sont propriétaires."

Le maire nous confirme également que le projet de clinique, prévu sur un terrain derrière la mairie, est toujours d'actualité, même si les travaux actuellement en cours concernent une résidence qui sera mitoyenne à l'établissement de soin. "Le projet de clinique n'a pas encore obtenu l'autorisation de transfert du Pays. Mais le conseil municipal et la population de toute la côte Ouest est en attente des décisions qui vont être prise. La majorité de la population habite sur la côte Ouest, donc il est dans l'intérêt général qu'il y ait des structures dans ce secteur pour prendre en charge les personnes en difficulté. On nous assure qu'une décision sera prise d'ici la fin de l'année. Nous sommes en attente, mais nous restons vigilants."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 6 Mars 2019 à 11:45 | Lu 3456 fois