Le renouvellement de la convention du RSMA entre le Pays et l'Etat a été mère d'un débat houleux entre la majorité et l'opposition. Crédit photo : Assemblée de Polynésie.
Tahiti, le 24 septembre 2024 - Le sort du Régiment du service militaire adapté (RSMA) était en suspens, ce mardi matin, à l’assemblée de la Polynésie. Les élus devaient se prononcer sur la reconduction de la convention triennale liant le Pays à l’État pour ce dispositif d’insertion socio-professionnelle, géré par le ministre des Outre-mer et qui affiche un taux d’insertion de 90%. Le débat, marqué par des échanges tendus vis-à-vis des propos d'Heinui Le Caill, représentant du Tavini, qui a soupçonné le RSMA d'inculquer aux jeunes “un idéal français dissimulé sous le masque de l'universalisme républicain”, s’est finalement conclu sur un vote unanime, sans réelle surprise.
L’avenir du Régiment du service militaire adapté (RSMA) était en jeu ce mardi matin. À Tarahoi, lors de la deuxième séance de la session budgétaire, nos élus se penchaient donc sur la reconduction de la convention triennale liant le Pays et l’État. Rien de bien nouveau sous le soleil : comme à chaque échéance, on se demande s'il faut continuer à soutenir ce programme d’insertion socio-professionnelle pour les jeunes de 18 à 25 ans, lancé par la France en 1961 et débarqué en Polynésie en 1989. Le RSMA, pour rappel, propose aux jeunes des formations professionnelles basées sur les besoins locaux. Aujourd’hui, avec ses cinq compagnies réparties à Arue, Hiva Oa, Tubuai et Hao, il forme entre 600 et 900 jeunes chaque année, affichant un glorieux taux d’insertion de 90,4%. Un succès qui, à première vue, ne mériterait que des louanges... Mais à Tarahoi, tout ne se passe jamais aussi facilement et le renouvellement de cette convention a été mère d'un débat houleux entre la majorité et l'opposition, mais aussi avec Nicole Sanquer de A here ia Porinetia (Ahip), représentante non-inscrite.
Un système qui “inculque un idéal français” pour le Tavini
En effet, si ce renouvellement est soutenu par le gouvernement et par sa ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, qui a affirmé publiquement son soutien, tout ne s'est pas passé dans le calme et l’harmonie. Le représentant du Tavini, Heinui Le Caill, a ouvert les hostilités en reconnaissant d’emblée les vertus du dispositif en matière d’éducation et de lutte contre l’illettrisme. “On pourrait le voter les yeux fermés”, a-t-il dit. Mais voilà, il s'est dépêché de soulever une question de taille : pourquoi cet encadrement est-il sous la tutelle de l’État, alors que l’insertion est une compétence du Pays ? Et puis, l’armée, avec ses belles promesses, ne chercherait-elle pas, au passage, à inculquer quelques idéaux français bien sentis à une jeunesse influençable ? “Ce qui est en jeu ici, c'est une certaine vision politique visant à inculquer un idéal français dissimulé sous le masque de l'universalisme républicain. L'armée et ses déclinaisons n'ont-elles jamais cherché à promouvoir l'idée d'un ailleurs meilleur ? Une promesse d'ascension sociale ? C'est la fameuse image d'une métropole glorieuse et maternelle qui continue de nourrir les rêves d'une jeunesse vulnérable en quête de perspective”, a-t-il détaillé dans une longue tirade, flairant ainsi des méthodes d’endoctrinement de l'État français.
“L'Azerbaïdjan est passé par là”
De l'autre côté de l'hémicycle, la réponse cinglante de l'opposition et de son leader ne s'est pas fait attendre. L'ex-président du Pays a vu rouge : “Je suis profondément perturbé par ce que je viens d’entendre", a lancé Édouard Fritch, d’un ton presque solennel. Avant de dégainer : “On a beau contrôler une partie de l’éducation, vous constaterez l'illettrisme présent dans nos écoles et ce que deviennent nos enfants... Alors parler comme ça du RSMA... Visiblement, l'Azerbaïdjan est passé par là (Édouard Fritch fait ici référence aux voyages de nombreux membres du Tavini dans ce pays du Caucase à la démocratie très répressive, NDLR). Vous acceptez les militaires quand c'est l'ONU, mais quand c'est la France, c'est pour endoctriner la jeunesse (...) Vous critiquez les Français et l'argent, (dites) que c'est du poison, mais on demande toujours aux Farani de payer. Mais où allons-nous !”
Dans ces joutes politiques, l'élue Ahip, Nicole Sanquer, n'a pas demandé son reste non plus. Si Heinui Le Caill veut critiquer l'État, qu’il le fasse jusqu’au bout, selon elle. “Vous avez la possibilité de shooter ce texte (de voter contre, NDLR), vous êtes libres. Vous avez la majorité... Mais allez au bout de vos propos. C'est dans vos mains, l'État ne vous l'impose pas. On a bien écouté le discours de Heinui Le Caill, fonctionnaire d'État et élu à l'assemblée de la Polynésie française, dire ce qu'il pensait du RSMA ! (...) Arrêtez votre hypocrisie et allez jusqu'au bout de ce que vous pensez de l'État. Parce qu'avant vous, d'autre se sont battus pour que le RSMA augmente ses moyens, pour donner une chance aux jeunes puisque nous ne sommes pas capables d'unir”, a-t-elle martelé. Et de conclure avec une pique acérée : “Heinui Le Caill, vous, enseignant, vous devez savoir ce que ça signifie, le taux d’échec scolaire.”
Finalement, après tout ce tintamarre, la convention a été votée. À l'unanimité, s’il vous plaît. Eh oui, on ne se lasse jamais de ces petites joutes politiques, où tout le monde fait mine de se déchirer pour, finalement, tomber d’accord. Comme quoi, au-delà des grandes tirades et des postures politiques, il est parfois bon de savoir retomber sur ses pattes.
L’avenir du Régiment du service militaire adapté (RSMA) était en jeu ce mardi matin. À Tarahoi, lors de la deuxième séance de la session budgétaire, nos élus se penchaient donc sur la reconduction de la convention triennale liant le Pays et l’État. Rien de bien nouveau sous le soleil : comme à chaque échéance, on se demande s'il faut continuer à soutenir ce programme d’insertion socio-professionnelle pour les jeunes de 18 à 25 ans, lancé par la France en 1961 et débarqué en Polynésie en 1989. Le RSMA, pour rappel, propose aux jeunes des formations professionnelles basées sur les besoins locaux. Aujourd’hui, avec ses cinq compagnies réparties à Arue, Hiva Oa, Tubuai et Hao, il forme entre 600 et 900 jeunes chaque année, affichant un glorieux taux d’insertion de 90,4%. Un succès qui, à première vue, ne mériterait que des louanges... Mais à Tarahoi, tout ne se passe jamais aussi facilement et le renouvellement de cette convention a été mère d'un débat houleux entre la majorité et l'opposition, mais aussi avec Nicole Sanquer de A here ia Porinetia (Ahip), représentante non-inscrite.
Un système qui “inculque un idéal français” pour le Tavini
En effet, si ce renouvellement est soutenu par le gouvernement et par sa ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, qui a affirmé publiquement son soutien, tout ne s'est pas passé dans le calme et l’harmonie. Le représentant du Tavini, Heinui Le Caill, a ouvert les hostilités en reconnaissant d’emblée les vertus du dispositif en matière d’éducation et de lutte contre l’illettrisme. “On pourrait le voter les yeux fermés”, a-t-il dit. Mais voilà, il s'est dépêché de soulever une question de taille : pourquoi cet encadrement est-il sous la tutelle de l’État, alors que l’insertion est une compétence du Pays ? Et puis, l’armée, avec ses belles promesses, ne chercherait-elle pas, au passage, à inculquer quelques idéaux français bien sentis à une jeunesse influençable ? “Ce qui est en jeu ici, c'est une certaine vision politique visant à inculquer un idéal français dissimulé sous le masque de l'universalisme républicain. L'armée et ses déclinaisons n'ont-elles jamais cherché à promouvoir l'idée d'un ailleurs meilleur ? Une promesse d'ascension sociale ? C'est la fameuse image d'une métropole glorieuse et maternelle qui continue de nourrir les rêves d'une jeunesse vulnérable en quête de perspective”, a-t-il détaillé dans une longue tirade, flairant ainsi des méthodes d’endoctrinement de l'État français.
“L'Azerbaïdjan est passé par là”
De l'autre côté de l'hémicycle, la réponse cinglante de l'opposition et de son leader ne s'est pas fait attendre. L'ex-président du Pays a vu rouge : “Je suis profondément perturbé par ce que je viens d’entendre", a lancé Édouard Fritch, d’un ton presque solennel. Avant de dégainer : “On a beau contrôler une partie de l’éducation, vous constaterez l'illettrisme présent dans nos écoles et ce que deviennent nos enfants... Alors parler comme ça du RSMA... Visiblement, l'Azerbaïdjan est passé par là (Édouard Fritch fait ici référence aux voyages de nombreux membres du Tavini dans ce pays du Caucase à la démocratie très répressive, NDLR). Vous acceptez les militaires quand c'est l'ONU, mais quand c'est la France, c'est pour endoctriner la jeunesse (...) Vous critiquez les Français et l'argent, (dites) que c'est du poison, mais on demande toujours aux Farani de payer. Mais où allons-nous !”
Dans ces joutes politiques, l'élue Ahip, Nicole Sanquer, n'a pas demandé son reste non plus. Si Heinui Le Caill veut critiquer l'État, qu’il le fasse jusqu’au bout, selon elle. “Vous avez la possibilité de shooter ce texte (de voter contre, NDLR), vous êtes libres. Vous avez la majorité... Mais allez au bout de vos propos. C'est dans vos mains, l'État ne vous l'impose pas. On a bien écouté le discours de Heinui Le Caill, fonctionnaire d'État et élu à l'assemblée de la Polynésie française, dire ce qu'il pensait du RSMA ! (...) Arrêtez votre hypocrisie et allez jusqu'au bout de ce que vous pensez de l'État. Parce qu'avant vous, d'autre se sont battus pour que le RSMA augmente ses moyens, pour donner une chance aux jeunes puisque nous ne sommes pas capables d'unir”, a-t-elle martelé. Et de conclure avec une pique acérée : “Heinui Le Caill, vous, enseignant, vous devez savoir ce que ça signifie, le taux d’échec scolaire.”
Finalement, après tout ce tintamarre, la convention a été votée. À l'unanimité, s’il vous plaît. Eh oui, on ne se lasse jamais de ces petites joutes politiques, où tout le monde fait mine de se déchirer pour, finalement, tomber d’accord. Comme quoi, au-delà des grandes tirades et des postures politiques, il est parfois bon de savoir retomber sur ses pattes.