Voda - Vini : Nouvelle bataille sur la ligne fixe


Tahiti, le 13 octobre 2022 – Nouvel épisode dans la bataille juridique et commerciale que se livrent à couteaux tirés Vodafone et Vini. L'opérateur privé a décidé d'attaquer l'obligation de souscription à une ligne fixe imposée par Onati pour chaque nouvel abonnement fibre. Une “injustice illégale” pour Vodafone. Des frais incompressibles de "maintenance du réseau" pour Vini.
 
"C'est un peu sportif en ce moment les télécoms !" C'est tout sourire que le vice-président de Pacific Mobile Telecom, Patrick Moux, a tenu jeudi matin une nouvelle conférence de presse au siège de l'opérateur privé de téléphonie mobile et d'accès à internet Vodafone, à Faa'a. Aux côtés du patron de Vodafone, le président de l'association de consommateur Te Tia Ara, Makalio Folituu, était venu évoquer un sujet qui "dure depuis trop longtemps". Le power point diffusé sur écran géant derrière les deux hommes annonçait la couleur : "Vodafone s'insurge contre la vente forcée pour avoir l'accès internet par la fibre".
 
"Vente forcée"
 
Dans le viseur de Patrick Moux et Makalio Folituu, l'obligation imposée par Onati – filiale de l'OPT et maison mère de l'entité commerciale Vini – de souscrire à un abonnement de téléphonie fixe pour toute demande d'abonnement fibre. Une obligation imposée à n'importe quel opérateur commercialisant une offre fibre en Polynésie – Vodafone, Viti ou Vini – justifiée par Onati par l'obligation de "mettre à disposition le support cuivre ou fibre nécessaire aux échanges internet". L'abonnement est vendu 3 565 Fcfp/mois, uniquement par Onati-Vini.
 
Sauf que pour Patrick Moux, cette obligation de souscrire à une ligne fixe n'a "aucune justification technique". Rejoignant les nombreuses réactions offusquées des clients fibre sur les réseaux sociaux, le patron de Vodafone assure que l'installation de la fibre chez un particulier pourrait tout à fait se passer d'une ligne fixe. Et pour le dirigeant de l'opérateur privé, il n'y a aucun doute : il s'agit d'une "vente forcée" d'un service qui n'a rien à voir avec la fibre. "On ne va pas venir vous installer le gaz à la maison et vous dire que vous êtes obligés de prendre l'eau avec, ça n'a rien à voir !"
 
"Mine d'or"
 
Si le patron de Vodafone concède volontiers qu'il n'a "rien à gagner" dans ce combat, il annonce tout de même qu'il portera ce dossier devant les juridictions locales et notamment devant l'Autorité polynésienne de la concurrence, après avoir recouru à l'expertise d'un cabinet d'avocats parisien. Patrick Moux explique tout de même qu'il lui est aujourd'hui impossible de commercialiser son offre "Voda Fixe" – un combiné fixe via internet pour la maison au tarif d'entrée de 440 Fcfp/mois – puisque son concurrent impose déjà un forfait fixe à tous les abonnés internet polynésiens.
 
"La fibre est une mine d'or pour Onati", veut démontrer le concurrent de l'opérateur historique, en rappelant que la maison mère de Vini a déjà touché 900 millions de Fcfp de subventions pour 3 milliards de Fcfp de coût de déploiement fibre. "Avec 10 000 lignes fixes à 3 125 Fcfp hors taxe par mois, Onati a déjà récupéré 3,75 milliards de Fcfp en 10 ans. C'est du jamais-vu comme amortissement", s'insurge le patron de Vodafone.
 
Mais surtout, Patrick Moux annonce vouloir faire annuler ces frais de ligne fixe pour faire baisser le coût de l'abonnement fibre et "relancer le business". Vodafone ne s'est en effet lancé que tout récemment, le 20 juin dernier, dans la commercialisation de la fibre en Polynésie. Et l'opérateur veut croire qu'il pourra faire bouger les lignes. "Avant qu'on arrive dans la téléphonie mobile, il y avait des frais de mise en service pour la téléphonie mobile. Il n'y en a plus… Parce que la concurrence est arrivée."
 
Des "frais de maintenance"
 
Du côté de chez Onati pourtant, on maintient fermement l'intérêt de cet abonnement à une ligne fixe pour garantir les frais de "maintenance du réseau". On explique que, certes, le réseau internet par la fibre ne passe pas par le réseau cuivré de la téléphonie fixe, mais qu'il emprunte tout de même les mêmes gaines et nécessite un réseau de fibre optique qui demande les mêmes contraintes en termes d'infrastructures. L'opérateur public concède qu'il y a aujourd'hui un problème de dénomination de ces frais d'abonnement. "On doit mieux l'expliquer", affirme le directeur commercial d'Onati, Vaiarii Pothier. Cet abonnement à une ligne fixe sert en effet à couvrir des "frais de maintenance du réseau".
 
"En général, on remplace du cuivre par de la fibre. Mais les frais sont les mêmes", explique Vaiarii Pothier. Selon Onati, ces frais sont incompressibles pour garantir la bonne qualité du réseau. En somme, cesser l'abonnement fixe devra entraîner une hausse des frais d'installation de la fibre pour équilibrer les coûts. Et sur ce sujet, Onati assure qu'il ne gagne pas d'argent sur le dos de ses abonnés. "La maintenance a un coût, or tout a augmenté. Jusqu'ici, on a surtout essayé de ne pas répercuter la hausse de nos charges et de nos coûts d'importation sur les consommateurs", affirme-t-on chez Onati.
 
Te Tia Ara rejoint le combat
 
Reste que l'action de Vodafone pourrait contraindre Vini à changer de méthode pour encaisser les frais de maintenance de son réseau. L'opérateur privé entend demander "l'arrêt immédiat de la facturation des lignes téléphoniques fixes" et une "sanction" contre Onati pour cette pratique. Et de son côté, l'association de consommateurs Te Tia Ara affirme qu'elle va demander le "remboursement aux consommateurs des sommes perçues toutes ces années pour la ligne téléphonique fixe". Les deux requérants se sont même amusés à calculer la somme que représentent cinq années d'un tel abonnement : 213 900 Fcfp. "Là, on va avoir tous les Polynésiens derrière nous", se réjouit Patrick Moux.
 

Patrick Moux, vice-président de Vodafone : "À un moment donné, il faut dire stop"

Pourquoi avoir décidé de vous attaquer à cette obligation de souscrire à un abonnement à une ligne fixe pour tout abonnement fibre ?
 
"C'est totalement illégal, il faut le dire. Je ne vois pas pourquoi il faudrait payer une ligne téléphonique pour avoir de la fibre. Chez Vodafone, nous vendons de la fibre depuis le 20 juin 2022. Et nous refusons de prendre à nos consommateurs, à nos clients, ces 3 565 Fcfp qu'on doit reverser à Onati de manière intégrale."
 
Vous dites que techniquement, il n'y a aucune nécessité d'avoir une ligne téléphonique fixe pour avoir la fibre ?
 
"On le savait depuis longtemps. On avait posé la question à Onati lors de nos réunions et on n'a jamais eu de réponse claire. Mais tant que nous ne vendions pas de fibre, nous n'étions pas soumis au problème. Il nous fallait un intérêt pour agir. Maintenant que l'on vend de la fibre et qu'on est contraint de payer ces 3 565 Fcfp, on trouve cela terriblement injuste."
 
Que gagnez-vous avec cette action ?
 
"Je ne gagne rien. Ça va même nous coûter au plan juridique. Mais par contre, là où on va tous gagner, c'est qu'en enlevant 3 565 Fcfp de surcoût à la fibre, on va pouvoir développer plus rapidement ce business. Donc on va tous en bénéficier : Vini, Viti et Vodafone… Mais à un moment donné, il faut dire stop. S'ils ont un problème de rentabilité sur leur ligne fixe, qu'ils utilisent d'autres méthodes ou qu'ils se restructurent. D'autant que pour chaque abonnement fibre, nous leur payons déjà d'autres frais pour l'activation, la mise en service, etc."
 

​Vaiarii Pothier, directeur commercial d'Onati : "Ces frais sont liés à la maintenance du réseau"

Comment justifiez-vous la demande de souscription d'une ligne fixe lors de chaque abonnement fibre, quel que soit l'opérateur ?
 
"Ce sont des frais qui correspondent à notre maintenance de réseau pour la fibre et le cuivre, donc qui supportent notre service internet. C'est ce qui permet d'avoir internet dans les foyers. Ce sont des frais que nous devons supporter par rapport à la gestion du réseau, aussi bien sur Tahiti que sur toutes les îles de Polynésie. Il y a des frais pour couvrir tout notre réseau. C'est vrai que nous devons certainement être plus clairs envers nos clients sur ces frais. Pour dire à quoi ils correspondent. Et nous allons le faire. Mais nous sommes attachés à ce que le service soit fourni pour tous les Polynésiens. Donc, nous allons continuer à le maintenir. À maintenir notre réseau et à le développer."
 
Être plus "clair", ça veut dire ne pas forcément parler d'une ligne de téléphonie fixe mais de frais de maintenance du réseau à prévoir pour toute installation de la fibre ?
 
"C'est ça. Il nous faut expliquer que ces frais sont liés à la maintenance du réseau. Nous sommes un territoire grand comme l'Europe, avec des îles très éloignées les unes des autres. Donc nous devons couvrir ces frais avec ce que nous facturons actuellement au niveau du réseau fibre et cuivre."
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 13 Octobre 2022 à 20:50 | Lu 4833 fois