Visite de Hollande : "La reconnaissance du fait nucléaire est un préalable" (Tuihani)


Marcel Tuihani, président de l'assemblée et président délégué du Tahoera'a Huiraatira.
PAPEETE, 16 février 2016 - Le président de la République, François Hollande, réalise une visite officielle en Polynésie française, lundi 22 février. Que peut-on attendre d’une telle visite ? Nous allons, au cours de cette semaine, rencontrer les principaux leaders politiques polynésiens, quelques élus municipaux, pour faire part de leurs points de vue et de leurs attentes au sujet de cet événement. Interview de Marcel Tuihani, président de l'assemblée et président délégué du Tahoera'a Huiraatira.


En tant que n°2 du Tahoera’a Huiraatira, qu’attendez-vous de la visite du chef de l’Etat, lundi prochain ?

Marcel Tuihani : Nous attendons une meilleure prise en compte des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons, de la part du président de la République. Nous attendons aussi une réflexion sur la redéfinition du partenariat, établi par notre statut d’autonomie, entre l’Etat et la collectivité de la Polynésie française. Il y a donc des sujets de fond qui méritent d’être abordés : le nucléaire, par exemple ; la solidarité… J’ose espérer que le président de la République sera attentif à l’ensemble de ses sujets.
Malheureusement, nous ne pouvons que regretter qu’il ne reste qu’un peu moins de 24 heures
.

IFrançois Hollande fera une allocution lundi à la mi-journée, attendez-vous une déclaration importante, sur le fait nucléaire par exemple ?

Marcel Tuihani : Nous attendons en tous les cas qu’il y ait une position claire sur ce sujet. La reconnaissance du fait nucléaire est un préalable, effectivement. Mais cela doit conduire à une succession de décisions, s’agissant des essais nucléaires, de leurs conséquences environnementales, et de la situation sanitaire au titre de la loi Morin.

Cela rejoint en partie la proposition de résolution que vous avez porté, fin 2014, au sujet de la reconnaissance des conséquences environnementales du nucléaire.

Marcel Tuihani : Mais bien sûr que ça y correspond. Et je trouve dommage aujourd’hui qu’à l’époque il n’y ait pas eu le consensus que nous souhaitions. Le fait d’avoir adopté cette résolution ne veut pas dire que nous mettons l’Etat sur le banc des accusés. Cela a été rappelé il y a moins d’un an. Bien au contraire, il s’agit d’établir une relation respectueuse entre l’Etat et la collectivité. Nous avons largement été critiqués il y a un an. Aujourd’hui, je vois qu’il y a de la récupération sur ce sujet, même au niveau des employeurs.

Si vous deviez rencontrer personnellement le chef de l’Etat, lors de sa visite officielle, quel point de vue choisiriez-vous d’exposer ?

Marcel Tuihani : Je ne suis pas du genre à faire de telles déclarations farfelues. Je n’aurai pas la chance de pouvoir bénéficier d’un entretien privé. J’ai invité le président Hollande, par l’intermédiaire du haut-commissaire, pour qu’il puisse s’exprimer ici devant l’ensemble des représentants de l’assemblée. Cette demande n’a pas obtenu d’avis favorable : l’intervention du chef de l’Etat est prévue à la présidence. Je m’abstiendrai de répondre à cette question. Je ne veux pas faire de déclarations farfelues.

Lors des débats sur le nouveau schéma d’orientation sanitaire, le groupe UPLD a accusé l’Etat, et l’économie de transfert installée pendant les années d’expérimentations nucléaires, d’être à l’origine des problèmes sanitaires auxquels nous sommes confrontés, afin de dire qu'il serait normal que l'Etat contribue aux dépenses. Rejoignez-vous cette analyse ?

Marcel Tuihani : Considérer qu’il y a eu un bouleversement avec l’arrivée du CEP et des essais nucléaires, me semble un raccourci que je n’emprunterai pas. Il est évident en revanche qu’il y a eu une modification du comportement des individus, notamment en ce qui concerne l’alimentation. Je rejoins à ce titre l’intervention du ministre de la santé, qui appelle chacun d’entre nous à un effort individuel par rapport à cela.
Ensuite, nous sommes dans une société qui évolue, influencée par ce qui se passe à l’extérieur de notre pays. Faudrait-il revenir à des attitudes de l’époque des années 60, je ne crois pas. Le raccourci de l’UPLD est une position qu’ils adoptent et que nous ne partageons pas
.

Pensez-vous que le soutien financier de l’Etat, en conséquence de l’impact sanitaire et social causé par 30 ans d’expérimentations nucléaires sur la société polynésienne, est aujourd’hui justifié ?

Marcel Tuihani : Quand un individu polynésien se fait prendre à polluer la collectivité, des lois du Pays l’oblige à réparer. Alors lorsqu’il s’agit de l’Etat et lorsqu’il y a des conséquences environnementales, pourquoi n’appliquerions-nous pas le même principe ?

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 16 Février 2016 à 15:38 | Lu 1699 fois