Viols sur mineurs aux assises : "Pour que ça n'arrive pas à d'autres" (Màj)


L'adolescente a toléré la présence de la presse pour libérer la parole des victimes de viols.
PAPEETE, le 5 décembre 2016 - La cour d'assises a eu à juger, ce lundi, une pénible affaire de viols sur mineure. La victime n'avait que 8 ans quand elle a été simultanément abusée par un garçon de 11 ans et un jeune homme de 19 ans. Un dossier où il a particulièrement été question de libérer la parole de ces enfants victimes d'agressions sexuelles.


L'avocat général a requis 10 ans de réclusion criminelle, ce lundi devant la cour d'assises, à l'encontre d'un jeune homme de 19 ans accusé du viol d'une fillette qui n'avait que 8 ans quand il a abusé d'elle. Il a finalement écopé ce soir de 5 ans de prison. C'était en 2012, dans un petit village des Marquises. Agée de 13 ans aujourd'hui, l'adolescente et son avocate ont toléré la présence de la presse à l'audience pour lever le tabou et encourager les victimes à parler.

Comme l'a relevé le parquet général dans ses réquisitions, une victime de viol sur deux est mineure, 80 % des auteurs sont des personnes de l'entourage, et seuls 10 % des viols sont portés à la connaissance de la justice. Sur ces 10 %, 3 % donnent lieu à des poursuites et seulement 1 % à des condamnations : "D'où l'importance d'aboutir à des sanctions sévères, pour que les victimes soient rassurées", a martelé le représentant du ministère public.

Briser le tabou

Il y a un peu plus de quatre ans, la fillette, aujourd'hui adolescente, assises à côté de sa mère sur le banc des victimes, a eu le malheur de suivre chez lui un copain à peine plus âgé qu'elle. A 11 ans seulement, le garçon a commencé à l'entreprendre, à la déshabiller et à commencer de la violer. Il a été condamné pour cela par le tribunal pour enfant. Ce que la petite ignorait, c'est qu'elle allait se retrouver prise au piège d'un véritable traquenard, avec l'arrivée inattendue d'un second agresseur, beaucoup plus âgé celui-là. Ce dernier, de onze ans son aîné, n'allait pas se poser beaucoup de question sur la différence d'âge. La malheureuse allait être violée par les deux "hommes" en même temps.

Les faits ont été reconnus par l'accusé, qui comparaissait libre sous contrôle judiciaire ce lundi après avoir effectué près d'un an de détention provisoire, puis deux ans sous bracelet électronique. Plus que l'agression en elle-même, c'est toute la solidarité féminine que l'on retiendra dans cette affaire pour que ces viols ne restent pas impunis, frappés du sceau du tabou qui règne encore dans les communautés. Approchée par le plus jeune de ses agresseurs sur la route qui mène de la maison à l'école, la petite avait rapidement confiée sa mésaventure à la copine du plus âgé des deux après les faits, dans un environnement où tout le monde se connait… et où tout fini par se savoir à défaut de se dire. "Je lui ai dit de ne pas avoir peur de tout dire à sa mère, dans ma famille aussi il y a eu des cas de viols et je ne voulais pas que cela reste impuni", a clairement fait savoir cette dernière à la barre. Une initiative qui a reçu les félicitations de la présidente de la cour d'assises.

"Pas le droit d'en parler"

Des félicitations que la magistrate allait renouveler, mais cette fois pour la maman de la victime, qui elle aussi n'a pas mis en doute les accusations de sa fille, allant immédiatement déposer plainte auprès de la gendarmerie après avoir mené sa propre petite enquête. "C'est très difficile, il y a un tabou qui se créé autour de ces choses-là, on n'a pas le droit d'en parler au village", raconte la mère blessée à la barre. "Moi j'essaie de défendre mes enfants". "C'est vous qui avez raison", la rassure la présidente qui ajoute, faussement candide : "Et comment ça se règle, alors, si on ne dit rien ?". "Cela ne se règle pas, ça continue, et après on les voit parader alors qu'on devrait se sentir coupable quand on fait des choses comme ça…".

L'accusé, 23 ans aujourd'hui, n'a pas de casier judiciaire. Elevé par une famille aimante, il n'est pas, comme trop souvent, dans la reproduction de violences dont il aurait lui-même été victime ou auxquelles il aurait assisté. En couple et père d'une petite fille aujourd'hui, il dit regretter les faits. Le psychiatre évoque son immaturité, un passage à l'acte de l'ordre du "dérapage pulsionnel". Moins angélique, le représentant du parquet général a quant à lui émis des doutes sur le fait qu'il n'ait pas utilisé le plus jeune à l'époque pour attirer sa proie dans ce guet-apens, corroborant la version inédite des faits que le mineur, interrogé comme témoin, a livré ce lundi aux jurés. Ces derniers devaient rendre leur décision en début de soirée. Reconnu coupable, il a écopé de 5 ans de prison avant d'être conduit à Nuutania.

Rédigé par Raphaël Pierre le Lundi 5 Décembre 2016 à 18:18 | Lu 4641 fois