Violences conjugales : lever le tabou sur les blessures intimes


Elles sont à l'origine de la création du GRPV et du colloque organisé cette semaine à Papeete : Anne-Laure Dautry, secrétaire de l’association et directrice adjointe du centre pénitentiaire ; Maya Rereao, psychologue ; Nadine Collorig présidente de l’association et psychologue ; Isabelle Guillemard, psychologue ; Amélie Pons-Hirigoyen, membre de l’association et assistante sociale.
PAPEETE, lundi 26 août 2013. Le Groupe de Réflexion sur la Prévention des Violences (GRPV), une association créée en janvier dernier, organise cette semaine un colloque sur les violences conjugales. Avec ce lundi, une conférence état des lieux, réservée aux professionnels et aux intervenants invités : associations, services du Pays, forces de l'ordre, représentants de la justice. Cette conférence sera suivie du 27 au 30 août d'une formation qui s'adressera à une cinquantaine de professionnels. Enfin, le mercredi 28 août, une conférence publique avec l’expert national de ces questions, le docteur Roland Coutanceau, se tiendra à l'ISEPP à 17h30. Une intervention ouverte à tous.

Pour certains, les violences conjugales ne sont que des titres dans la rubrique faits-divers des journaux. Pour d’autres, il s’agit d’une souffrance psychologique et physique dont il est extrêmement difficile de sortir. Quel que soit le point de vue, le constat sur cette forme de violence en Polynésie en montre l’importance : en 2003, le parquet de Papeete enregistrait 445 procédures pour violences conjugales ; en 2011, plus de 800 affaires ont été traitées. Certes, entre temps, la création des associations de victimes et des campagnes locales de prévention contre les violences conjugales avaient permis de commencer à sortir le sujet du tabou dans lequel il était plongé, aussi bien par les victimes honteuses que par les agresseurs ou par l’entourage. Moins de déni, plus d’affaires. Mais, la Polynésie française enregistre à elle seule autant d’affaires de violences conjugales que l’agglomération grenobloise deux fois plus peuplée. Depuis le début de l’année 2013, en Polynésie, déjà deux femmes sont mortes, tuées par leurs conjoints. Il y a eu pour la seule année 2012, cinq meurtres au sein du couple et deux infanticides.

La preuve qu’il reste énormément de travail à faire sur le territoire pour prévenir ces violences. C’est la volonté du Groupe de Réflexion sur la Prévention des Violences (GRPV). Cette association a émergé en janvier dernier à la suite des réflexions menées lors des Assises des victimes en novembre 2012. L’association GRVP est composée de professionnels de l’action sanitaire et sociale, engagés auprès de différentes institutions et services du Pays ou de l’Etat (hôpital, prison, délégation à la famille et à la condition féminine…). Après dix ans de travail auprès des victimes, ces professionnels ont estimé qu’il était temps de prendre en main la situation des agresseurs. «La prévention menée n’est pas opérante et la prise en charge des agresseurs est insuffisante, notre groupe est né de ce constat. Cela n’a pas été si facile de faire accepter ce point de vue» explique Nadine Collorig, la présidente de l’association.

Ces professionnels rencontrent déjà les agresseurs (qui peuvent être des femmes) dans le cadre de la réponse judiciaire. L’obligation de soins qui assortit certaines peines répressives permet aux agresseurs de fréquenter pendant quelques temps le cabinet d’un psychologue ou d’un psychiatre. Mais cette réponse reste insuffisante : trop courte dans sa durée et surtout parcellaire puisque hors de Tahiti, ce suivi est impossible à mener, faute de professionnels dans les archipels. La prise en charge des agresseurs devient en tout cas aujourd'hui prioritaire : «95 % des détenus étant incarcérés pour des infractions sexuelles ou pour des violences conjugales, ont grandi enfant, dans un contexte de violence, qu’ils ont subi ou dont ils ont été témoins» rapporte le GRPV.


Conférence du docteur Roland Coutanceau, mercredi soir à l'ISEPP

Psychiatre, Psychanalyste, criminologue, expert national, président de la Ligue française de santé mentale. Chargé d'enseignement en psychiatrie et psychologie légales à l'université Paris V, à la faculté Kremlin-Bicêtre et à l'Ecole des psychologues praticiens.

Le docteur Roland Coutanceau est à l'origine de la création, dans la région parisienne, d'un pôle de victimologie et de thérapie familiale qui fait référence.
Il a été choisi par la Ministre Française du droit des femmes, en tant qu'expert national pour ce qui concerne les violences conjugales, sur la réflexion des soins aux victimes et prises en charge des auteurs, poste qu’il occupera dès le début du mois de septembre 2013.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont :

Les blessures de l'intimité de Roland Coutanceau (21 octobre 2010)
La violence sexuelle - Approche psycho-criminologique de Roland Coutanceau et Joanna Smith (21 avril 2010)
Trauma et résilience : Victimes et auteurs de Roland Coutanceau, Joanna Smith, Samuel Lemitre et Collectif (1er juin 2012)
Violence et famille - Comprendre pour prévenir de Roland Coutanceau et Joanna Smith (29 juin 2011)
Amour et violence : Le défi de l'intimité de Roland Coutanceau (1 septembre 2011)

Ce mercredi 28 août, il tiendra une conférence publique à l’ISEPP à partir de 17h30, ouverte à tous.

L’association GRPV a pour finalité

- le développement et la participation à la recherche à propos des problématiques psychosociales en lien avec la violence sous toutes ses formes ;
- la promotion et le développement du travail partenarial en réseau ;
- la création d’un centre de documentation spécialisé sur la violence ;
- la proposition de journée de formations de groupes de travail de journée d’études.

Le GRPV dispose d’un siège social à Papeete. La présidente de l’association est une psychologue Clinicienne Nadine Collorig. Contact : 76 15 45 ou grpppv@gmail.com


L’association a été aidée financièrement pour l’organisation de ce colloque, par le Pays, le CUCS, l’association Psy’cause. Des locaux ont été gracieusement mis à disposition par l’Hôpital, L’ISEPP, l’école de formation de la Croix Rouge. Par ailleurs, une jeune entreprise de création de bijoux, Miel, a permis de dégager des financements pour l’association en organisant une opération solidaire (qui va se prolonger jusqu’en septembre 2013). Des bagues en nacre réalisées localement sont vendues 2000 Fcfp , les bénéfices soit 1000 fcfpsont directement reversés à l’association. Depuis leur mise en vente, les bénéfices remis au GRPV sont estimés à 240 000 Fcfp.
Les bagues sont aussi disponibles à la vente au magasin 69 slam Tahiti à Papeete et à l’agence de Voyage Manureva Tours sur le front de mer ou auprès du CE de l’hôpital. Plus d’infos : contact.miel.a@gmail.com

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 26 Aout 2013 à 10:53 | Lu 3050 fois