Rangiroa, le 5 avril 2022 - Toujours très présentes en Polynésie, les violences conjugales sont un fléau qui continue de solliciter le corps médical de façon quotidienne. Camille Metral, médecin à la Direction de la santé à Rangiroa, note aujourd'hui l'extrême nécessité d'établir un réseau de signalement sur l'île et de former les professionnels afin d'améliorer la prise en charge.
Les médecins exerçant sur le territoire polynésien ne cessent de faire face aux cas de violences conjugales. Affectée au centre médical de Rangiroa depuis novembre 2021, Camille Metral, la médecin de l'île, qui reçoit en moyenne une femme victime de violence par semaine, mobilise toute son énergie pour faire avancer une situation, qui semble ne pas avoir de fin, en proposant notamment l'emploi d'outils nouveaux peu utilisés jusqu'ici.
“Pour aborder la problématique de la violence conjugale avec sérénité, il faut avoir du temps, donc s'en libérer spécifiquement, et surtout être suffisamment sensible à cette problématique”, explique Camille Metral. “Je suis allée très récemment en formation à Tahiti où j'ai eu la chance de rencontrer des intervenants de la justice qui m'ont sensibilisée à cette problématique-là. On a revu ensemble toutes les démarches de signalement des majeurs vulnérables, à savoir les personnes âgées, les personnes handicapées mentales ou encore les personnes sous emprise”. Cette formation a été proposée à Camille Metral au sortir d'un récent épisode de violence auquel elle a été confrontée au dispensaire, survenu en pleine consultation avec une femme venue faire établir un certificat médical pour porter plainte contre son mari. Malgré la présence des gendarmes devant la porte, la médecin a dû s'interposer face au mari de la victime qui a surgi dans la salle pour récupérer sa femme. Un événement fort, qui a justifié une mise à l'écart nécessaire. Cet incident a conduit Camille Metral à suivre cette formation durant laquelle elle a notamment eu l'occasion de rencontrer une juriste qui l'a sensibilisée à la question. Un temps passé à Tahiti nécessaire, d'où elle est revenue armée de nombreuses idées et outils pour mieux appréhender et gérer cette problématique.
Signalement, confiance et secret médical
“On a déjà commencé à se saisir de ces éléments en équipe”, ajoute la taote de l'île. “Il y a des procédures de signalement, et il va falloir que l'on signale beaucoup plus, car s'il n'y a pas de demande d'aide dans les îles, il n'y aura pas d'offre”. Ce signalement est fait par les médecins vers le tribunal, au moyen d'un formulaire spécifique. C'est d'ailleurs un cas particulier légal dans lequel le secret médical rompu n'est pas attaquable. Une loi qui fait débat parmi les médecins, mais que Camille Metral estime “nécessaire” pour traiter des situations extrêmement complexes. Selon elle, le simple fait de parler de l'emprise dans un texte de loi est une avancée. Une loi “positive” dans le sens où elle permet de mettre en lumière des critères stricts de l'emprise. Camille Metral reste toutefois prudente : “Il faut cependant faire très attention, car en brisant le secret médical, on peut perdre la confiance des patientes qui viennent nous voir, et donc les perdre de vue”, souligne-t-elle. “C'est à la sensibilité de chacun, au cas par cas. Quels paramètres prendre en compte afin de savoir quelle situation doit ou non être signalée”.
Avoir de vrais outils, de vrais critères, afin d'avoir une vraie légitimité à signaler : c'est ce que Camille Metral souhaite voir se développer à Rangiroa, et dans les îles de manière générale.
Vers un réseau de protection
L'avenir, Camille le voit donc en équipe : un travail de fond qu'elle souhaite réaliser en lien avec d'autres professionnels, comme le personnel de la pharmacie, qui dans certains cas peut établir le lien entre des potentielles victimes et le corps médical. Certaines suspicions signalées peuvent en effet permettre à la médecin d'avoir une information centralisée au niveau du dispensaire, d'obtenir une identité puis d'établir le lien avec la gendarmerie. “Je pense qu'il faut mettre en place une espèce de réseau de protection”, explique-t-elle. “Et au-delà de ça, c'est la question de la formation des médecins sur le plan médico-légal qui est primordiale. Comment rédiger correctement un certificat. Avoir conscience que l'on est obligé de le rédiger à partir du moment où on nous le demande. Rien que ça, ça serait beaucoup. Pour l'instant on est sur les prémices. Je pense qu'il faut former l'équipe du centre médical dans son entièreté, moi y compris”.
Les médecins exerçant sur le territoire polynésien ne cessent de faire face aux cas de violences conjugales. Affectée au centre médical de Rangiroa depuis novembre 2021, Camille Metral, la médecin de l'île, qui reçoit en moyenne une femme victime de violence par semaine, mobilise toute son énergie pour faire avancer une situation, qui semble ne pas avoir de fin, en proposant notamment l'emploi d'outils nouveaux peu utilisés jusqu'ici.
“Pour aborder la problématique de la violence conjugale avec sérénité, il faut avoir du temps, donc s'en libérer spécifiquement, et surtout être suffisamment sensible à cette problématique”, explique Camille Metral. “Je suis allée très récemment en formation à Tahiti où j'ai eu la chance de rencontrer des intervenants de la justice qui m'ont sensibilisée à cette problématique-là. On a revu ensemble toutes les démarches de signalement des majeurs vulnérables, à savoir les personnes âgées, les personnes handicapées mentales ou encore les personnes sous emprise”. Cette formation a été proposée à Camille Metral au sortir d'un récent épisode de violence auquel elle a été confrontée au dispensaire, survenu en pleine consultation avec une femme venue faire établir un certificat médical pour porter plainte contre son mari. Malgré la présence des gendarmes devant la porte, la médecin a dû s'interposer face au mari de la victime qui a surgi dans la salle pour récupérer sa femme. Un événement fort, qui a justifié une mise à l'écart nécessaire. Cet incident a conduit Camille Metral à suivre cette formation durant laquelle elle a notamment eu l'occasion de rencontrer une juriste qui l'a sensibilisée à la question. Un temps passé à Tahiti nécessaire, d'où elle est revenue armée de nombreuses idées et outils pour mieux appréhender et gérer cette problématique.
Signalement, confiance et secret médical
“On a déjà commencé à se saisir de ces éléments en équipe”, ajoute la taote de l'île. “Il y a des procédures de signalement, et il va falloir que l'on signale beaucoup plus, car s'il n'y a pas de demande d'aide dans les îles, il n'y aura pas d'offre”. Ce signalement est fait par les médecins vers le tribunal, au moyen d'un formulaire spécifique. C'est d'ailleurs un cas particulier légal dans lequel le secret médical rompu n'est pas attaquable. Une loi qui fait débat parmi les médecins, mais que Camille Metral estime “nécessaire” pour traiter des situations extrêmement complexes. Selon elle, le simple fait de parler de l'emprise dans un texte de loi est une avancée. Une loi “positive” dans le sens où elle permet de mettre en lumière des critères stricts de l'emprise. Camille Metral reste toutefois prudente : “Il faut cependant faire très attention, car en brisant le secret médical, on peut perdre la confiance des patientes qui viennent nous voir, et donc les perdre de vue”, souligne-t-elle. “C'est à la sensibilité de chacun, au cas par cas. Quels paramètres prendre en compte afin de savoir quelle situation doit ou non être signalée”.
Avoir de vrais outils, de vrais critères, afin d'avoir une vraie légitimité à signaler : c'est ce que Camille Metral souhaite voir se développer à Rangiroa, et dans les îles de manière générale.
Vers un réseau de protection
L'avenir, Camille le voit donc en équipe : un travail de fond qu'elle souhaite réaliser en lien avec d'autres professionnels, comme le personnel de la pharmacie, qui dans certains cas peut établir le lien entre des potentielles victimes et le corps médical. Certaines suspicions signalées peuvent en effet permettre à la médecin d'avoir une information centralisée au niveau du dispensaire, d'obtenir une identité puis d'établir le lien avec la gendarmerie. “Je pense qu'il faut mettre en place une espèce de réseau de protection”, explique-t-elle. “Et au-delà de ça, c'est la question de la formation des médecins sur le plan médico-légal qui est primordiale. Comment rédiger correctement un certificat. Avoir conscience que l'on est obligé de le rédiger à partir du moment où on nous le demande. Rien que ça, ça serait beaucoup. Pour l'instant on est sur les prémices. Je pense qu'il faut former l'équipe du centre médical dans son entièreté, moi y compris”.
Parole à
Camille Metral, médecin à Rangiroa
“La promiscuité sur les îles rend les choses encore plus compliquées”
“Ici à Rangiroa il y a une gendarmerie, une mairie, du tourisme... On est quand même sur une île qui est dotée, avec des médecins sur place et les forces de l'ordre qui sont quand même les principaux intervenants dans les cas de violences conjugales. Lorsque qu'on se retrouve sur une île comme Makatea, où nous sommes partis en mission la semaine dernière, c'est radicalement différent. J'étais touchée. Lors des consultations, c'était une femme sur deux, et encore. Les enfants qui voient leurs parents se hurler dessus, les incestes, n'en parlons pas... Tonton, papi... Et ce sont des gens qui sont toujours sur l'île, et ça ne bouge pas, et tout le monde le sait. Il n'y a pas de gendarmes, simplement des missions de temps en temps. La promiscuité sur ces îles rend les choses encore plus compliquées. J'ai vu une femme qui avait été victime de viol et d'inceste lorsqu'elle était petite. J'étais la première personne à qui elle en parlait. Elle vit sur une petite île, elle connaît tout le monde, et elle se tait, car elle ne souhaite pas voir les gens malheureux autour d'elle. Ça, c'est très spécifique des îles.”
“La promiscuité sur les îles rend les choses encore plus compliquées”
“Ici à Rangiroa il y a une gendarmerie, une mairie, du tourisme... On est quand même sur une île qui est dotée, avec des médecins sur place et les forces de l'ordre qui sont quand même les principaux intervenants dans les cas de violences conjugales. Lorsque qu'on se retrouve sur une île comme Makatea, où nous sommes partis en mission la semaine dernière, c'est radicalement différent. J'étais touchée. Lors des consultations, c'était une femme sur deux, et encore. Les enfants qui voient leurs parents se hurler dessus, les incestes, n'en parlons pas... Tonton, papi... Et ce sont des gens qui sont toujours sur l'île, et ça ne bouge pas, et tout le monde le sait. Il n'y a pas de gendarmes, simplement des missions de temps en temps. La promiscuité sur ces îles rend les choses encore plus compliquées. J'ai vu une femme qui avait été victime de viol et d'inceste lorsqu'elle était petite. J'étais la première personne à qui elle en parlait. Elle vit sur une petite île, elle connaît tout le monde, et elle se tait, car elle ne souhaite pas voir les gens malheureux autour d'elle. Ça, c'est très spécifique des îles.”