Vie chère : six mois pour convaincre


Tahiti, le 22 juin 2023 - L'examen du compte administratif du Pays 2022 a été l'occasion pour l'opposition d'interpeller le gouvernement sur les mesures qu'il compte mener pour lutter contre la cherté de la vie. Le président Brotherson a confirmé la suppression prochaine de la TVA sociale tout en admettant que cela n'impliquerait pas forcément une baisse des prix. Après le bilan des 100 jours d'ici fin août, c'est surtout à l'occasion du budget primitif 2024 en décembre prochain que l'on connaîtra véritablement les orientations du Pays.
 
Premier véritable baptême du feu ce jeudi à l'assemblée pour le gouvernement et les nouveaux élus de Tarahoi. À l'ordre du jour, le compte administratif du Pays pour l'exercice 2022. Une formalité en principe puisqu'il s'agit de valider ce qui a été fait l'année précédente. Sauf que depuis, la majorité a changé, et elle doit valider une situation dont elle hérite et pour laquelle elle n'est pas responsable. Une situation pour le moins confortable avec plus de 21 milliards affichés au compteur. Mais c'est là que la bataille des chiffres a commencé. “Les caisses sont pleines (...) nous avons laissé le Pays en bonne santé financière”, a lancé le représentant Tapura des Australes, Frédéric Riveta.

De 21 à 10 milliards de Fcfp...

Si le compte administratif du Pays pour l'exercice 2022 affiche bien un résultat excédentaire de 21,4 milliards, le président du Pays relativise en expliquant qu'à la date de validation de ces comptes – autrement dit ce jeudi 22 juin –, “ce montant a fondu comme neige au soleil” et qu'il reste aujourd'hui de “10,9 milliards de Fcfp”, après notamment un collectif budgétaire de 5,7 milliards de Fcfp en février dernier, soit avant le renouvellement des élus de l'assemblée. Normal, lui répond le tāvana de Rurutu : “On est au mois de juin et le compte administratif s'est arrêté au 31 décembre.”

Suppression de la TVA sociale : “On attend le calendrier”

“10 milliards, c'est déjà bien”, temporise le ministre de Finances et du Budget, Tevaiti Pomare qui aura “la lourde tâche” de réformer la fiscalité et supprimer progressivement la Contribution pour la solidarité (CPS) communément appelée “TVA sociale”. Et l'opposition attendait des réponses du gouvernement justement sur ce point. “Vous nous demandez de régler instantanément les dégâts que vous avez mis neuf ans à construire”, a d'emblée répondu le président Moetai Brotherson qui a confirmé que cette TVA sociale serait bien supprimée. Reste à savoir quand. “Le calendrier de cette suppression est travaillé et fera l'objet d'une annonce prochaine.” Pour Nuihau Laurey qui siège chez les non-inscrits, “on attend ce calendrier”.

Des paroles aux actes ?

Mais il espère que la volonté de changement qui s'est exprimée dans les urnes en avril dernier va se traduire par des actes, et que le gouvernement va enclencher une véritable réforme de notre modèle social et économique, “comme nous, ainsi que l'actuelle majorité, l'avons souligné pendant la campagne”. Il estime par ailleurs qu'il n'y a pas de quoi se glorifier du résultat excédentaire affiché dans ce compte administratif car l'augmentation importante des recettes fiscales n'est que le “produit d'une inflation record”, et que le pays va devoir faire face à une “explosion de la dette” qu'il va falloir commencer à rembourser dès le prochain exercice. 

Pas de suppression sans solution de remplacement

Toujours concernant la TVA sociale, le président du Pays a soutenu son ministre de l'Économie qui avait admis, en commission législative la semaine dernière, qu'il ne pouvait pas la supprimer “tant qu'on ne trouve pas d'autres solutions pour la remplacer... Et ça ne fera pas baisser les prix”. Moetai Brotherson considère toujours cette taxe comme “injuste” d'autant que le gouvernement précédent “savait pertinemment que le rendement des taxes et impôts serait important” et donc qu'elle n'était pas nécessaire puisque les besoins de financement de la PSG auraient ainsi pu être “couverts”. Soit.

Objectif BP 2024

Alors pourquoi ne pas la supprimer ou au moins la baisser à 0,5% dans un premier temps comme il en a été question ? “Les dernières évaluations sont en cours, les mécanismes compensatoires seront mis en place à hauteur des moyens nécessaires pour la couverture des besoins des régimes sociaux dans le cadre du budget 2024”, répond le président du Pays. Il faudra donc attendre, dans un premier temps, la fin août pour avoir le bilan des 100 premiers jours du gouvernement et ses premières orientations.

Des orientations qui se transformeront en “stratégie globale”, laquelle “ne pourra s'apprécier pleinement que lors de l'examen du budget primitif” 2024 qui doit être examiné et voté avant le 31 décembre prochain. Un peu avant, en novembre, les élus de l'assemblée devraient déjà avoir quelques pistes sur la politique qu'entend mener le gouvernement pour l'année à venir en se pliant à l'exercice du débat d'orientation budgétaire (le ROB aujourd'hui, autrement dit le Rapport d'orientations budgétaires), préambule obligatoire à l'adoption du budget. Le gouvernement et sa majorité disposent donc de six mois pour convaincre et faire des propositions concrètes afin de répondre aux préoccupations des Polynésiens, particulièrement préoccupés par leur pouvoir d'achat.

Stéphanie Delorme

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 22 Juin 2023 à 18:33 | Lu 3147 fois