Victimes du nucléaire : Lana Tetuanui justifie son amendement


« Une personne ayant séjourné en Polynésie à deux reprises au cours de la période des essais nucléaires, décédée d’un cancer, aurait pu se retourner contre l’Etat français et solliciter une indemnisation par suite du retrait de la notion de risque négligeable », explique Lana Tetuanui dans un communiqué.
PAPEETE, le 28 mai 2019. « Quand on connaît les méfaits du tabac, et les risques de cancer que l’on peut développer, il n’appartenait pas à l’Etat de venir indemniser tous les fumeurs abusifs et ayant contracté le cancer en Polynésie ou à la suite de leur séjour en Polynésie », explique Lana Tetuanui pour justifier sa proposition adoptée fin 2018. Depuis cette nouvelle disposition, le Comité d’indemnisation peut rejeter un dossier s’il est établi que le demandeur n’a pas été exposé à une dose de rayonnements ionisants supérieure à la dose de 1 millisievert (mSv) par an.


Après le Tapura jeudi dernier, c’est au tour de la sénatrice Lana Tetuanui de défendre son amendement. Pour rappel, depuis fin 2018, la présomption de causalité est acquise aux malades atteints de l’une des maladies reconnues comme radio-induites sous condition que ces victimes aient séjourné en Polynésie entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, "à moins qu’il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l’intéressé a été inférieure" à 1 mSv. Cette nouvelle disposition légale a été proposée et défendue par une commission de cadrage présidée par la sénatrice polynésienne Lana Tetuanui, avant d'être inscrite dans la loi en décembre dernier pour entériner une méthodologie de travail que le Civen utilisait déjà depuis mai 2018.

Cet amendement a été adopté un peu moins de deux ans après que la notion de "risque négligeable" a été supprimée de la loi Morin, ouvrant ainsi la voie à une "automaticité" des réparations financières. « En qualité d’élue polynésienne siégeant en commission mixte paritaire au titre de la loi Egalité réelle outre-mer (Erom), le 6 février 2017, à la suite d’un débat particulièrement houleux, j’ai pu obtenir de mes six collègues sénateurs et sept collègues députés présents le retrait de la notion de risque négligeable tant décriée dans la loi Morin qui ne permettait pas d’indemniser raisonnablement nos victimes des essais nucléaires », explique Lana Tetuanui dans un communiqué.

Le retrait de ce verrou est venu déstabiliser le gouvernement »

Elle poursuit : « le retrait de ce verrou est venu déstabiliser le gouvernement central et à juste titre car ce retrait ouvrait l’indemnisation à toute demande sans lien probant avec un séjour prolongé en Polynésie au moment des essais nucléaires d’où l’introduction de la création de la commission extra-parlementaire intégrée à l’article 113 de la loi Erom et chargée de proposer des mesures de nature à réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires ».

Cette commission était composée de douze membres, six parlementaires dont trois Polynésiens (Lana Tetuanui, Nicole Sanquer et Moetai Brotherson), et six personnalités qualifiées nommées par les ministres des Armées, de la Solidarité et de la Santé, de la Justice et des Outre-mer.

En juillet 2017, la suppression du risque négligeable entraînait la démission groupée de six des neuf membres du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Le comité composé de médecins spécialisés estimait ne plus avoir aucune expertise scientifique à apporter sur les dossiers d’indemnisation. « Ce retrait tant souhaité et sollicité par tous que j’ai porté en commission mixte paritaire ne permettait plus d’examiner les dossiers sérieusement de nos victimes et laissait la porte ouverte à l’indemnisation de tous les cancers listés dans la loi Morin sans forcément qu’il existe un lien avec le nucléaire en Polynésie », commente Lana Tetuanui avant d’ajouter : « Ainsi, il était urgent de trouver une nouvelle méthodologie dûment définie par les compétences des experts en retenant la dose du 1mSv appliquée à l’échelle nationale et reconnue à l’échelle internationale pour réserver une indemnisation aux seules victimes de la radioactivité ». « Quand on connaît les méfaits du tabac, et les risques de cancer que l’on peut développer, il n’appartenait pas à l’Etat de venir indemniser tous les fumeurs abusifs et ayant contracté le cancer en Polynésie ou à la suite de leur séjour en Polynésie », résume Lana Tetuanui.

La sénatrice conclut : « je suis pour l’indemnisation des malades du nucléaire et je veillerai à ce qu’une juste indemnisation leur soit réservée et je continuerai à me battre si nécessaire, si les prochaines données du Civen ne viennent pas justement conforter le droit à réparation des réelles victimes du nucléaire ».

Les associations de victimes des essais du nucléaire attendent la décision qui doit être rendue mardi prochain par le tribunal administratif. Le rapporteur public a conclu la semaine dernière au rejet de 10 requêtes en indemnisation de demandeurs retoqués par le Civen courant 2018. En méconnaissance de l’amendement Tetuanui, ces mêmes dossiers avaient fait l’objet de conclusions favorables à une indemnisation, en février dernier.


Deux nouveaux cancers inscrits sur la liste des cancers radio-induits

Les cancers de la vésicule biliaire et des voies biliaires ont été ajoutés ce lundi, par décret, sur la liste des maladies radio-induites ouvrant droit à formuler une demande d’indemnisation. Cette liste compte désormais 23 cancers.


Le Premier ministre a pris un décret ce lundi qui modifie le décret d’application de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin. Ce décret étend la liste des maladies radio-induites ouvrant droit à formuler une demande d’indemnisation auprès du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).

Les cancers de la vésicule biliaire et des voies biliaires sont ajoutés à cette liste. Celle-ci compte désormais 23 cancers présumés imputables à une exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français réalisés en Polynésie française et dans le Sahara.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 28 Mai 2019 à 11:18 | Lu 2957 fois