Elle a voulu témoigner de son parcours, tout en préservant son anonymat, pour inciter les jeunes filles victimes de viol à dénoncer les faits qu'elles ont subis, à accepter leur statut de victimes pour avancer enfin vers une possible reconstruction.
PAPEETE, le 21 septembre 2015. C'est le message que souhaite passer une jeune femme âgée de 23 ans à peine, et qui a dénoncé, en 2012, avoir subi durant toute son enfance et son adolescence des agressions sexuelles et des viols de la part de son propre père. Face aux graves accusations qu'elle a portées, elle a dû aussi se battre pour faire reconnaître son statut de victime auprès de sa propre famille.
C'est une jeune femme qui dégage aujourd'hui de la force de caractère et du tempérament. Mais son parcours, jusqu'à cette victoire pour elle-même et presque sur elle-même, a été semé d'embûches. Il a fallu faire avec des complications auxquelles elle ne s'attendait certainement pas : la mise à l'écart complète de la part de sa famille. Au début de l'année 2012, alors qu'elle a 19 ans et qu'elle vit avec un concubin, elle dénonce à la gendarmerie des faits de viol commis par son père alors qu'elle était enfant et adolescente. Un lourd secret qu'elle portait en elle depuis de longues années et lui gâchait littéralement la vie. "Je ne voulais plus vivre avec cette sensation de peur permanente, je me sentais salie".
Depuis plusieurs années, elle ruminait ce besoin de parler. "Au collège, des gendarmes étaient venus faire des interventions sur les agressions sexuelles. Je m'étais retrouvée dans certaines histoires, mais je me disais alors comment faire pour dénoncer mon père qui paraît si gentil à tous"? Il lui faut donc encore quelques années et la rencontre avec son premier concubin pour que la maturité soit atteinte. "Il avait compris qu'il y avait quelque chose de bizarre entre mon père et moi. J'étais très perturbée, j'ai raconté en pleurant ce que je pouvais dire des agressions". A cette époque, elle est au plus mal : elle "tombe dans la drogue", buvait, fumait à outrance, a fait plusieurs tentatives de suicide. "Je voulais me mettre dans le noir" déclare-t-elle. La décision de dénoncer son père ne vient véritablement que lorsqu'à l'occasion de visites dans la maison familiale, elle surprend les regards de du père sur d'autres jeunes filles. "Je ne voulais pas qu'il recommence, ça m'a aidé à prendre la décision de tout dire".
Les faits que la jeune femme dénonce sont anciens : impossible bien entendu d'apporter des preuves aux agressions sexuelles et aux viols commis par le père sur sa fille lorsqu'elle était enfant puis adolescente. Toutefois, les expertises psychiatriques confirment les traumatismes subis. Lors du procès aux assises de Papeete du père, en février 2014, l'accusé reconnaît les faits. On situera même le premier viol avec pénétration en 2005 : sa fille avait alors 13 ans. A l'issue de son procès, le père incestueux et violeur de sa fille unique est condamné à huit ans de réclusion criminelle, il est incarcéré à Nuutania depuis janvier 2012.
MENACES ET INTIMIDATION
L'histoire de cette jeune femme était déjà particulièrement éprouvante. Mais le cauchemar ira plus loin quand elle va comprendre que personne dans sa famille ne va lui venir en aide. Ni sa mère, ni ses jeunes tantes à peine plus âgées qu'elles, ni ses oncles. Tous font bloc autour du père, le pilier de la famille. Pour avoir dénoncé son père, elle devient une paria. "Ils étaient tous contre moi, ils croyaient que c'étaient des mensonges. Ils me parlaient méchamment. C'est ce qui m'a fait le plus mal : ils ne m'ont pas crue".
Pire, quelques-jours après l'incarcération du père, les pressions familiales sont au comble. Deux oncles et deux tantes viennent en délégation jusque chez elle pour lui demander de rédiger une lettre de retrait de plainte au procureur de la République. Dans ce courrier, écrit en fait par l'une de ses tantes, qu'elle n'a plus qu'à signer, la jeune femme explique être une menteuse et avoir fait cette dénonciation par désir de vengeance à l'encontre de ses parents qui ne voulaient pas lui donner de l'argent. Le courrier fait tiquer le juge d'instruction en charge de l'affaire et très vite il apparaît qu'elle a été forcée de le signer.
Soutenue par l'association d'aide aux victimes Te Rama Ora, un long travail avec une psychologue commence alors qui permet à la jeune femme d'avancer malgré tout. "Elle met enfin des mots sur les maux" qu'elle a vécues explique l'avocate générale de la cour d'assises. Mais il lui faut faire face "à la famille et aux amis" qui se mêlent de tout. "La violence que sa propre famille lui fait subir est psychologique, plus subtile, plus pernicieuse mais tout aussi destructrice (…) la violence de ceux qui loin de songer à elle, veulent sauver le père pour éviter le scandale" poursuit Brigitte Angibaud. Après ces années de doute, de questionnement mais aussi de lente reconquête de soi-même, le procès en février 2014 du père, et sa reconnaissance de culpabilité, permettent enfin à cette jeune femme de se reconstruire.
Elle obtient aussi la condamnation de ses oncles et tantes pour subornation de témoins : un an de prison avec sursis pour la tante qui avait rédigé la lettre dans laquelle la jeune femme se rétractait des dénonciations au sujet de son père. Six mois avec sursis pour les trois autres. Ce lundi, une 5e personne était jugée pour les mêmes motifs de subornation de témoins et a été condamnée à quatre mois de prison avec sursis, dans ce même dossier. Aujourd'hui 18 mois après la condamnation de son père et alors que le dernier volet judiciaire de cette douloureuse affaire vient de se clore, cette jeune femme veut être un exemple pour d'autres filles victimes de viol. "J'aimerai bien que les filles qui subissent cela ne se cachent pas, même s'il s'agit de votre propre père. N'attendez-pas aussi longtemps que moi, dirigez-vous vers des associations qui pourront vous aider. Ne vous taisez-pas, battez-vous et montrez ce que vous êtes".
C'est une jeune femme qui dégage aujourd'hui de la force de caractère et du tempérament. Mais son parcours, jusqu'à cette victoire pour elle-même et presque sur elle-même, a été semé d'embûches. Il a fallu faire avec des complications auxquelles elle ne s'attendait certainement pas : la mise à l'écart complète de la part de sa famille. Au début de l'année 2012, alors qu'elle a 19 ans et qu'elle vit avec un concubin, elle dénonce à la gendarmerie des faits de viol commis par son père alors qu'elle était enfant et adolescente. Un lourd secret qu'elle portait en elle depuis de longues années et lui gâchait littéralement la vie. "Je ne voulais plus vivre avec cette sensation de peur permanente, je me sentais salie".
Depuis plusieurs années, elle ruminait ce besoin de parler. "Au collège, des gendarmes étaient venus faire des interventions sur les agressions sexuelles. Je m'étais retrouvée dans certaines histoires, mais je me disais alors comment faire pour dénoncer mon père qui paraît si gentil à tous"? Il lui faut donc encore quelques années et la rencontre avec son premier concubin pour que la maturité soit atteinte. "Il avait compris qu'il y avait quelque chose de bizarre entre mon père et moi. J'étais très perturbée, j'ai raconté en pleurant ce que je pouvais dire des agressions". A cette époque, elle est au plus mal : elle "tombe dans la drogue", buvait, fumait à outrance, a fait plusieurs tentatives de suicide. "Je voulais me mettre dans le noir" déclare-t-elle. La décision de dénoncer son père ne vient véritablement que lorsqu'à l'occasion de visites dans la maison familiale, elle surprend les regards de du père sur d'autres jeunes filles. "Je ne voulais pas qu'il recommence, ça m'a aidé à prendre la décision de tout dire".
Les faits que la jeune femme dénonce sont anciens : impossible bien entendu d'apporter des preuves aux agressions sexuelles et aux viols commis par le père sur sa fille lorsqu'elle était enfant puis adolescente. Toutefois, les expertises psychiatriques confirment les traumatismes subis. Lors du procès aux assises de Papeete du père, en février 2014, l'accusé reconnaît les faits. On situera même le premier viol avec pénétration en 2005 : sa fille avait alors 13 ans. A l'issue de son procès, le père incestueux et violeur de sa fille unique est condamné à huit ans de réclusion criminelle, il est incarcéré à Nuutania depuis janvier 2012.
MENACES ET INTIMIDATION
L'histoire de cette jeune femme était déjà particulièrement éprouvante. Mais le cauchemar ira plus loin quand elle va comprendre que personne dans sa famille ne va lui venir en aide. Ni sa mère, ni ses jeunes tantes à peine plus âgées qu'elles, ni ses oncles. Tous font bloc autour du père, le pilier de la famille. Pour avoir dénoncé son père, elle devient une paria. "Ils étaient tous contre moi, ils croyaient que c'étaient des mensonges. Ils me parlaient méchamment. C'est ce qui m'a fait le plus mal : ils ne m'ont pas crue".
Pire, quelques-jours après l'incarcération du père, les pressions familiales sont au comble. Deux oncles et deux tantes viennent en délégation jusque chez elle pour lui demander de rédiger une lettre de retrait de plainte au procureur de la République. Dans ce courrier, écrit en fait par l'une de ses tantes, qu'elle n'a plus qu'à signer, la jeune femme explique être une menteuse et avoir fait cette dénonciation par désir de vengeance à l'encontre de ses parents qui ne voulaient pas lui donner de l'argent. Le courrier fait tiquer le juge d'instruction en charge de l'affaire et très vite il apparaît qu'elle a été forcée de le signer.
Soutenue par l'association d'aide aux victimes Te Rama Ora, un long travail avec une psychologue commence alors qui permet à la jeune femme d'avancer malgré tout. "Elle met enfin des mots sur les maux" qu'elle a vécues explique l'avocate générale de la cour d'assises. Mais il lui faut faire face "à la famille et aux amis" qui se mêlent de tout. "La violence que sa propre famille lui fait subir est psychologique, plus subtile, plus pernicieuse mais tout aussi destructrice (…) la violence de ceux qui loin de songer à elle, veulent sauver le père pour éviter le scandale" poursuit Brigitte Angibaud. Après ces années de doute, de questionnement mais aussi de lente reconquête de soi-même, le procès en février 2014 du père, et sa reconnaissance de culpabilité, permettent enfin à cette jeune femme de se reconstruire.
Elle obtient aussi la condamnation de ses oncles et tantes pour subornation de témoins : un an de prison avec sursis pour la tante qui avait rédigé la lettre dans laquelle la jeune femme se rétractait des dénonciations au sujet de son père. Six mois avec sursis pour les trois autres. Ce lundi, une 5e personne était jugée pour les mêmes motifs de subornation de témoins et a été condamnée à quatre mois de prison avec sursis, dans ce même dossier. Aujourd'hui 18 mois après la condamnation de son père et alors que le dernier volet judiciaire de cette douloureuse affaire vient de se clore, cette jeune femme veut être un exemple pour d'autres filles victimes de viol. "J'aimerai bien que les filles qui subissent cela ne se cachent pas, même s'il s'agit de votre propre père. N'attendez-pas aussi longtemps que moi, dirigez-vous vers des associations qui pourront vous aider. Ne vous taisez-pas, battez-vous et montrez ce que vous êtes".
Wendy Otomimi, juriste et directrice adjointe de l'association d'aide aux victimes Te Rama Ora.
Wendy Otomimi, juriste et directrice adjointe de l'association d'aide aux victimes Te Rama Ora, accompagnait cette jeune femme ce lundi au tribunal.
Cette affaire de viol d'un père sur sa fille accompagnée de menaces de la part de la famille, est-ce un schéma classique aux Assises de Papeete ?
Effectivement, dans la plupart des dossiers qui sont traitées aux assises, les violences sexuelles sont commises dans le cadre familial. C'est une récurrence.
C'est ce contexte familial qui a conduit à ces tentatives de subornation de témoins ?
Des pressions familiales dans ces dossiers il y en a souvent à l'encontre des victimes, parce que comme cela a été dit, lorsque l'accusé est le soutien de la famille, cela pose d'autres problèmes, d'ordre économique notamment. Dans ce dossier, ce qui surprend c'est le nombre de personnes impliquées dans cette subornation de témoins et sur la méthode employée. Ils sont allés jusqu'à rédiger un courrier et l'ont forcée à signer ! Le plus souvent, il ne s'agit que de menaces verbales.
Le parcours de cette jeune femme est-il exemplaire au sens où elle n'a pas lâché prise en dépit des menaces ?
Elle est arrivée jusqu'à l'association Te Rama Ora, via le juge d'instruction car elle n'avait même pas d'avocat au démarrage pour se défendre. Cela lui a permis de se présenter et d'être reconnue comme victime, d'être écoutée avant tout. Après que l'instruction ait démarré, ces pressions à son encontre pour la faire reculer sur sa dénonciation l'ont renforcé encore dans cette position de faire reconnaître son statut de victime. Cette volonté de se battre. En ce sens oui, son parcours est exemplaire. Cela lui a permis d'avancer et de s'en sortir. Aujourd'hui, elle a même renoué des liens avec certains de ses oncles et tantes qui voulaient qu'elle fasse machine arrière en 2012. Il y a eu le procès, la condamnation et certains membres de la famille ont admis ce qui s'était passé.
Pour comprendre le travail et les missions de l'association d'aide aux victimes, CLIQUER ICI
Cette affaire de viol d'un père sur sa fille accompagnée de menaces de la part de la famille, est-ce un schéma classique aux Assises de Papeete ?
Effectivement, dans la plupart des dossiers qui sont traitées aux assises, les violences sexuelles sont commises dans le cadre familial. C'est une récurrence.
C'est ce contexte familial qui a conduit à ces tentatives de subornation de témoins ?
Des pressions familiales dans ces dossiers il y en a souvent à l'encontre des victimes, parce que comme cela a été dit, lorsque l'accusé est le soutien de la famille, cela pose d'autres problèmes, d'ordre économique notamment. Dans ce dossier, ce qui surprend c'est le nombre de personnes impliquées dans cette subornation de témoins et sur la méthode employée. Ils sont allés jusqu'à rédiger un courrier et l'ont forcée à signer ! Le plus souvent, il ne s'agit que de menaces verbales.
Le parcours de cette jeune femme est-il exemplaire au sens où elle n'a pas lâché prise en dépit des menaces ?
Elle est arrivée jusqu'à l'association Te Rama Ora, via le juge d'instruction car elle n'avait même pas d'avocat au démarrage pour se défendre. Cela lui a permis de se présenter et d'être reconnue comme victime, d'être écoutée avant tout. Après que l'instruction ait démarré, ces pressions à son encontre pour la faire reculer sur sa dénonciation l'ont renforcé encore dans cette position de faire reconnaître son statut de victime. Cette volonté de se battre. En ce sens oui, son parcours est exemplaire. Cela lui a permis d'avancer et de s'en sortir. Aujourd'hui, elle a même renoué des liens avec certains de ses oncles et tantes qui voulaient qu'elle fasse machine arrière en 2012. Il y a eu le procès, la condamnation et certains membres de la famille ont admis ce qui s'était passé.
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Un procès "disjoint"
L'affaire des agressions sexuelles et des viols commis par le père de cette jeune femme alors qu'elle était enfant puis adolescente a été jugé en février 2014 par la cour d'assises de Papeete. Lors de ce procès le père a été reconnu coupable –et a admis publiquement ses fautes- et a été condamné à huit ans de prison. Au cours du même procès, quatre oncles et tantes de la victime étaient jugés pour subornation de témoins, menaces et intimidations et ont tous été reconnus coupables.
Des peines de six mois à un an de prison avec sursis simple ont été prononcées à leur encontre. Mais une 5e personne impliquée dans cette subornation de témoin, qui avait accompagné les oncles et tantes pour obtenir la signature d'un courrier de rétraction de la victime, n'avait pas pu être jugée en février 2014. Elle était alors enceinte et sur le point d'accoucher. Son procès a donc été disjoint du jugement aux assises.
Ce lundi, cette femme -une proche de la famille- comparaissait donc devant les assises de Papeete, parce qu'il s'agit d'un fait connexe à une affaire relevant des assises. Son avocat plaidait l'acquittement car aucun élément ne vient véritablement étayer cette accusation, "la démonstration de la responsabilité n'est pas apportée" témoignait Me Miguel Grattirola. Pour la partie civile, Me Christophe Rousseau-Wiart a longuement parlé du statut de la victime, très difficile à faire admettre dans une famille où le père violeur est celui fait rentrer l'argent de la famille. On lui dit : "à cause de toi les enfants et les petits-enfants n'auront pas d'argent. Après l'agression physique, elle est encore obligée d'apporter la preuve qu'elle est la victime".
Après une audience qui a duré toute la matinée, l'accusée a été reconnue coupable et condamné à quatre mois de prison avec sursis.
L'affaire des agressions sexuelles et des viols commis par le père de cette jeune femme alors qu'elle était enfant puis adolescente a été jugé en février 2014 par la cour d'assises de Papeete. Lors de ce procès le père a été reconnu coupable –et a admis publiquement ses fautes- et a été condamné à huit ans de prison. Au cours du même procès, quatre oncles et tantes de la victime étaient jugés pour subornation de témoins, menaces et intimidations et ont tous été reconnus coupables.
Des peines de six mois à un an de prison avec sursis simple ont été prononcées à leur encontre. Mais une 5e personne impliquée dans cette subornation de témoin, qui avait accompagné les oncles et tantes pour obtenir la signature d'un courrier de rétraction de la victime, n'avait pas pu être jugée en février 2014. Elle était alors enceinte et sur le point d'accoucher. Son procès a donc été disjoint du jugement aux assises.
Ce lundi, cette femme -une proche de la famille- comparaissait donc devant les assises de Papeete, parce qu'il s'agit d'un fait connexe à une affaire relevant des assises. Son avocat plaidait l'acquittement car aucun élément ne vient véritablement étayer cette accusation, "la démonstration de la responsabilité n'est pas apportée" témoignait Me Miguel Grattirola. Pour la partie civile, Me Christophe Rousseau-Wiart a longuement parlé du statut de la victime, très difficile à faire admettre dans une famille où le père violeur est celui fait rentrer l'argent de la famille. On lui dit : "à cause de toi les enfants et les petits-enfants n'auront pas d'argent. Après l'agression physique, elle est encore obligée d'apporter la preuve qu'elle est la victime".
Après une audience qui a duré toute la matinée, l'accusée a été reconnue coupable et condamné à quatre mois de prison avec sursis.