Victime de violences, il veut réveiller les consciences


Keyshau raconte dans cette lettre les fléaux que l'on retrouve dans le milieu scolaire. Une lettre qu'il enverra aux différentes autorités du Pays et de l'État.
PAPEETE, le 30/11/2016 - À 14 ans, Keyshau dénonce les différents fléaux auxquels sont confrontés les jeunes dans le milieu scolaire. Il a décidé de mettre son histoire dans un courrier qu'il adressera prochainement aux différentes autorités du Pays et de l'État. Son objectif est de réveiller les consciences et de faire cesser ces "perturbations".

La drogue, les violences ou encore l'alcool... beaucoup de méfaits auxquels sont confrontés les jeunes. Et le plus inquiétant est lorsqu'un jeune se sent pris au piège. En parler pourrait soigner plusieurs maux, mais encore faut-il avoir le courage de passer le cap. Keyshau, un adolescent de 14 ans a préféré raconter son histoire dans une lettre qu'il adressera prochainement aux différentes autorités du Pays et de l'État, aux chefs d'établissements scolaires, aux parents...

"J'ai subi et traversé ma carrière scolaire dans le désert du stress et avec tous les comportements de violences gratuites, tant sur le plan moral, psychologique et verbal ; soit du quartier, au magasin et plus particulièrement, dans les environs des établissements scolaires."

Victime de violences, Keyshau veut interpeller les hautes instances du Pays sur les difficultés que rencontrent certains élèves ou collégiens. "Ces environnements scolaires sont des lieux où l'alcool et la drogue circulent librement," à la vue de tous, "soit à la rentrée ou à la sortie des écoles", raconte-t-il.

"Une fois quand je suis allé le récupérer à l'école, j'ai vu des jeunes à l'extérieur du collège en train de boire de la vodka et je voyais la bouteille qui passait de main en main. J'ai prévenu le personnel du collège, et ils m'ont dit que tout ce qui venait de l'extérieur n'était pas leur problème. Le paka c'est pareil, ça circule en dehors de l'école. Quand il a été agressé par un jeune, c'était pareil, on nous a dit que ça s'est fait à l'extérieur, ce n'est pas notre problème", se souvient Robert, son père.

"On m'a proposé de la drogue plusieurs fois", se rappelle Keyshau. "Il y a deux ans, plusieurs jeunes m'ont agressé, et j'étais obligé d'aller par la plage. Du coup, je ne suis pas allé à l'école. Quand c'est dans le collège, c'est le surveillant qui intervient. Mais quand c'est dehors, personne ne nous aide."

Aujourd'hui, l'adolescent veut se battre pour en finir avec tout cela. "J'ai envie de réussir dans ma vie et de me relever la tête haute."

Depuis ses mésaventures, Keyshau et sa famille ont changé de résidence. Mais depuis un an, Keyshau attend de reprendre le chemin de l'école. "Ils n'ont plus de place au collège de Punaauia, et jusqu'à aujourd'hui, nous attendons une place", explique son père. Du côté de la direction du collège de Punaauia, on assure qu'une rencontre a bien eu lieu avec le père et l'enfant. "C'est faux de dire qu'il n'y a plus de places dans notre établissement. Nous les avons rencontrés et nous avons remis un dossier d'inscription au père, mais il n'est jamais revenu', explique Valérie Dupre-Micouleau, principale du collège de Punaauia.

L'adolescent pourrait intégrer un collège ou lycée agricole situé à Taravao ou à Moorea. Un milieu qui devrait l'intéresser puisqu'il veut travailler avec la nature. "Il travaille avec un professeur dans une serre de 2 000 m²", raconte Robert. "Actuellement, nous sommes en train de préparer un terrain pour planter des pastèques, des potirons…", poursuit Keyshau.

Et justement, Keyshau et son père travaillent sur un produit qui pourrait révolutionner le monde agricole. "Ce sera un appareil qui fera du compost", avec différents déchets, "et qui pourra servir dans les milieux urbains. L'architecte va venir cette semaine, pour faire le dessin", décrit Robert.

Thierry Delmas
Chef du département de la vie des écoles et des établissements

"Si les actes de violence ont lieu aux abords de l'établissement, ça concerne l'école"


La violence en Polynésie française augmente-t-elle ou pas ?

"On n'avait pas de statistiques jusqu'à l'année dernière, nous permettant de dire si ça augmente ou pas, c'est-à-dire qu'on n'avait pas d'interface des signalements des incidents qui pouvait la quantifier. On a des impressions qui sont partagées par les usagers, où la violence augmenterait dans les établissements scolaires. Donc, il faut être très prudent. On a mis en place, depuis le mois de février, une interface de saisie des incidents dans chaque établissement scolaire. Nous allons faire un premier bilan en décembre sur le premier trimestre, pour voir combien d'incidents ont été signalés. Ça va être une première base pour savoir s'il y a une augmentation de ces faits de violence."

Et quelles seraient les solutions qui pourraient être envisagées l'année prochaine ?

"D'abord, suite à la quantification et à la qualification de ces actes de violence, il y a un observatoire des comportements et des pratiques de prévention qui va se réunir au mois de janvier. Cet observatoire intègre la justice et la gendarmerie pour étudier les premiers éléments que nous allons constater. Dans le cadre du Comité de l'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) dans les établissements scolaires, il a été décidé de faire une vraie politique sur la violence en Polynésie française. Que ça ne soit pas des actions qui soient isolées dans les établissements scolaires. Donc, chaque établissement a mis en place son CESC et il détermine une politique de prévention et de lutte contre la violence avec les partenaires. Le deuxième axe est, quand même, aussi et surtout, d'être réactif à chaque acte de violence qui est constaté dans un établissement scolaire. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'il y a un incident, le chef de l'établissement a l'obligation de prononcer une sanction proportionnelle à l'acte. Donc, cela peut être une décision qu'il prend en concertation avec les équipes, mais ça peut être aussi un conseil de discipline. L'année dernière, il y a eu deux actes de violence importants concernant un groupe qui a été agressé ainsi qu'un professeur. Ces deux actes se sont traduits par une politique coordonnée entre l'établissement et la justice, ça a été très vite réglé. Donc, il faut que l'institution soit d'abord dans une démarche de prévention, et, quand il y a des actes de violence, il faut que l'institution réagisse."

Lorsqu'il y a des violences en dehors de l'établissement, cela n'est pas du ressort de l'équipe encadrante ?

"La loi est assez claire, si les actes de violence ont lieu aux abords de l'établissement, ça concerne l'école. Si c'est à 50 mètres de l'école, à la sortie… cela relève à la fois de la voie publique mais l'établissement est aussi concerné."

Depuis le mois de février, une interface de saisie des incidents dans chaque établissement scolaire a été mise en place. Un premier bilan sera établi en décembre pour voir combien d'incidents ont été signalés.

Rédigé par Corinne Tehetia le Mercredi 30 Novembre 2016 à 05:00 | Lu 13006 fois