Vers un nouveau dépôt de préavis


“On va redéposer un autre préavis de grève, le plus tôt possible”, a annoncé Jerry Rere, secrétaire général du Syndicat autonome des réseaux de Tahiti (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 17 août 2024 – Pas de grève des bus, pour l’instant. Les quatre sociétés de transport en commun de Tahiti (RTCT, NTCE, RTU, TCCO) ont gagné quelques jours de répit en pointant du doigt le non-respect réglementaire des cinq jours francs entre le dépôt de préavis et la date annoncée d’entrée en grève. Mais le malaise demeure : à Taravao, le ton est monté entre salariés, en marge de la rencontre. 

La rencontre a duré moins d’une heure, samedi midi, au siège de RTCT (Tere Tahiti), à Taravao. Le président, Willy Chung Sao, accompagné du directeur général, du directeur de production et du directeur financier de l’entreprise délégataire de service public pour le transport scolaire et régulier à Tahiti, a reçu trois représentants syndicaux, mais les négociations ont tourné court. Pas de blocage à proprement parler, mais un point plus inattendu : le caractère caduc du préavis de grève.
 
“On s’est entendu sur le fait que, normalement, il n’y a pas de grève lundi, parce que le préavis, tel qu’il a été déposé, ne respecte pas le délai réglementaire. Toute grève qui en découlerait serait illégale. Il y a un non-respect des cinq jours francs, parce que la grève devait commencer dimanche, alors que le préavis a été déposé mardi”, a indiqué Xavier Chung Sao, directeur de production, au sortir de la réunion. “Et par rapport aux signataires du préavis de grève, il n’y a aucune confédération syndicale représentative au niveau du pays”, poursuit-il. “Certains points” ont tout de même pu être évoqués, compte-tenu du contexte social. Concernant les “soi-disant séquestration, intimidation et harcèlement de notre part, on nie totalement”, s’est à nouveau défendu le porte-parole de l’entreprise.
 
Cette erreur de timing reporte l’échéance de la grève, mais ne l’annule pas. “Il y a eu un petit souci au niveau de la date”, reconnaît Jerry Rere, chauffeur de bus et secrétaire général du Syndicat autonome des réseaux de Tahiti. “On va redéposer un autre préavis de grève, le plus tôt possible, et les patrons sont toujours d’accord pour négocier.” Le dépôt d’un nouveau préavis pourrait intervenir dès ce lundi. Les trois autres transporteurs de Tahiti (NTCE, RTU, TCCO) sont également concernés, les rencontres s’étant enchaînées sur le même modèle jusqu’à 16 heures, à Papeete.
 

À Taravao, la rencontre entre direction et syndicat s’est tenue samedi midi.

Accord d’entreprise contre convention collective


En attendant, certains salariés de RTCT continuent de dénoncer leurs conditions de travail. C’est le cas de Marcelle Pito, 75 ans, chauffeure de truck, puis de bus depuis vingt ans. “On fait deux allers-retours par jour, une semaine dès 3 heures du matin, l’autre semaine jusqu’à 19 heures, le soir. J’ai besoin de travailler pour ma retraite, car nos salaires sont minimes. Ce sera la première fois de ma vie que je serai en grève”, confie-t-elle. À l’inverse, Heimata Tetuanui, délégué du personnel (Otahi), se dit surpris : “Nous sommes le syndicat majoritaire dans l’entreprise. Ça fait deux ans que nous avons un accord d’entreprise avec une grille salariale. On a une porte ouverte avec la direction pour essayer d’améliorer la vie des salariés, donc je ne comprends pas cette grève.” Compte-tenu de ce clivage, le ton est monté entre salariés. “C’est ridicule de défendre ces accords de quatre pages et 176.500 francs de salaire après vingt ans de service. On n’est pas d’accord : ce n’est pas suffisant ! On travaille dur pour un salaire qui n’est pas correct. On veut prendre la version du projet de convention collective des transporteurs publics rédigée par le Pays. On ne se bat pas que pour nous, on se bat pour tout le monde”, estime Aporina Tarihaa, autre chauffeure mécontente.
 
Présent pour apporter son soutien, le secrétaire général du rassemblement des travailleurs polynésiens, Mahinui Temarii, insiste également sur ce point, en tête de liste des 18 revendications : “On demande une convention collective pour qu’ils vivent mieux dans leur entreprise. Des chauffeurs se font agresser. Il n’y a pas de sécurité. Tous les autres points découlent de cette convention. Il y a une DSP (Délégation de service public, NDLR) avec le Pays. Ça fait beaucoup d’argent, mais le problème, c’est que rien n’est donné pour les salariés”, remarque-t-il. Interrogé au sujet de ce projet de convention collective, Xavier Chung Sao rappelle que “ça fait longtemps qu’elle est en discussion”, estimant qu’il faudrait “que tous les transporteurs de Polynésie soient invités et présents pour négocier, ce qui est difficile à l’heure actuelle”.
 

Parmi les salariés, certains ne sont pas favorables à cette grève.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Samedi 17 Aout 2024 à 20:30 | Lu 2846 fois