Vendée Globe: Paul Meilhat, marin-pionnier pour les scientifiques de Tara


Loic VENANCE / AFP
Paris, France | AFP | mardi 03/12/2024 - Pour lui, ce n'est pas juste une course. Sur son parcours du Vendée Globe, le navigateur Paul Meilhat (Biotherm) utilise un instrument océanographique pour rassembler des données sur les communautés planctoniques de zones reculées.

Lorsque les journées sont longues autour du monde, le marin de 42 ans, qui pointait mardi après-midi à la 9e place, a toujours de quoi s'occuper. "Le microscope fonctionne ! Je ne me lasse pas d'observer les différentes espèces de phytoplancton", dit-il, joyeux, lundi à l'AFP.

Au départ des Sables-d'Olonne, le 10 novembre, il a choisi d'embarquer 35 kilos supplémentaires. Un poids non-négligeable dans un sport mécanique, le poids de l'accessoire que lui a fourni la fondation Tara et qui prélève toutes les heures de l'eau de mer avant de réaliser automatiquement des photos de microscopie.

Après trois semaines de course, le marin a déjà stocké plus de 200.000 clichés sur son ordinateur de bord. "Ça c'est un dinoflagellé, il fait de la photosynthèse et de la prédation", décrit un Meilhat enthousiaste en transmettant à l'AFP une image en noir et blanc du phytoplancton via WhatsApp.

"Moi, je n'y connais pas grand-chose, je ne suis pas scientifique... ce sont les chercheurs de Tara qui m'expliquent", précise-t-il rapidement.

- Dispositif unique -

La collaboration entre Meilhat, Biotherm et Tara a débuté il y un peu moins de deux ans, juste avant l'Ocean Race, course autour du monde en équipage avec escales qui a servi de coup d'essai pour ce dispositif unique en son genre.

"Les mers australes sont des zones qui capturent beaucoup de carbone, mais aussi des endroits encore peu connus en matière de biodiversité sous-marine", détaille pour l'AFP Romain Troublé, directeur général de la fondation scientifique.

"Nous, on peut difficilement y aller: la mer est agitée, les vents violents, le temps de navigation est long", ajoute-t-il. Les marins hauturiers, eux, sont les rares êtres humains à aller régulièrement dans ces endroits inhospitaliers.

Les deux parties ont donc passé des "centaines d'heures" à adapter un microscope déjà utilisé par Tara lors de ses précédentes expéditions, à l'intérieur d'un Imoca dernière génération. 

"Sur l'Ocean Race, cela a été compliqué parfois. Il y a eu des problèmes de branchements, des pièces ont mal vécu les nombreux chocs... on a un peu galéré ! Mais là, tout fonctionne, on est super content", apprécie Romain Troublé.

"Le travail de Paul va compléter ce qu'on a déjà fait. A son retour, les données collectées seront mises sur notre plateforme et utilisées pour faire avancer la recherche", affirme Romain Troublé.

- "Navire d'opportunité" -

Depuis des années, les missions de Tara donnent du grain à moudre aux scientifiques du monde entier. 

Une des premières missions, Tara Océans (2009-2013), est encore "la référence sur le plancton mondial encore 15 ans après", soulignait en octobre Colomban de Vargas, chercheur du CNRS à la station biologique de Roscoff (Finistère).

Engagé pour l'environnement, Meilhat voulait "aussi faire sa part du boulot". "Une expédition scientifique coûte très cher et nous, on y va dans tous les cas là-bas. Je me vois comme un navire d'opportunité", dit le vainqueur de la Route du Rhum 2018.

Il en profite aussi pour constater de ses propres yeux les changements de biodiversité. "Dans l'Atlantique, il n'y avait pas grand-chose sur le microscope, mais depuis trois ou quatre jours, c'est de la folie ce que j'ai sur l'ordinateur", raconte-t-il depuis l'océan Indien.

Et même si l'utilisation du dispositif consomme 10% de l'énergie de son bateau, le skipper réalise pour le moment un début de course soigné. 

"Je me sens plutôt bien au moment d'aborder le Grand Sud. On en a pour trois semaines à un mois dans cet univers un peu particulier. Ce projet avec Tara, c'est un supplément de motivation qui ne peut que m'aider", dit-il, déterminé.

le Mardi 3 Décembre 2024 à 06:01 | Lu 186 fois