Variole du singe : quelle stratégie pour le pays


(c) Joao Luiz Bulcao / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Tahiti, le 8 août 2022 – Les autorités sanitaires du Pays surveillent avec attention l’épidémie de variole du singe dans le monde afin d’empêcher sa propagation au fenua. Pour l’instant, aucun cas n’a été détecté en Polynésie. Si elles sont plutôt rassurantes quant à la faible dangerosité de la maladie, elles s’inquiètent néanmoins de ne pas voir arriver les vaccins, sur lesquels se base toute leur stratégie.
 
Alors que la variole du singe, ou monkeypox, continue de s’étendre dans le monde, plus particulièrement en Europe et aux États-Unis (2 423 personnes contaminées en métropole au 5 août), la Polynésie se prépare à l’arrivée du virus sur son territoire. C’est en ce sens que le conseil des ministres a autorisé, mercredi dernier, la mise sur le marché du vaccin antivariolique Imvanex. Le lendemain, Jacques Raynal, ministre de la Santé, interrogé par Polynésie la 1ère, indiquait que les doses avaient été commandées il y a déjà deux mois auprès des autorités françaises et qu’elles devraient “a priori arriver bientôt” au fenua.
 
En attendant de les recevoir, le bureau de veille sanitaire, épaulé par l’Agence de régulation de l’action sanitaire et sociale (Arass), surveille de près la situation internationale. L’Organisation mondiale de la santé a en effet déclaré fin juillet l’urgence de santé publique de portée internationale, son plus haut niveau d’alerte. Pour l’instant, aucun cas n’a été recensé au fenua.
 
Une stratégie locale qui dépend de l’arrivée des vaccins
 
“La mobilisation est importante en Europe et aux États-Unis”, souligne Henri-Pierre Mallet, médecin épidémiologiste à l’Arass. “À ce titre, la Polynésie est prête et se mobilise, même si le risque est très faible et qu’on ne craint pas de grosse épidémie. Le mieux serait d’empêcher l’introduction du virus sur le territoire. Avec une maladie comme celle-ci, il serait intéressant de pouvoir détecter tout de suite d’éventuels premiers cas et de bloquer la transmission, ce qui était plus difficile avec une maladie hautement contagieuse comme le Covid. D’où l’intérêt de dépister et de vacciner dans un premier temps l’entourage des cas éventuels.”
 
La question du vaccin est donc l’un des enjeux principaux en cas d’introduction du virus sur le territoire, mais pourtant son approvisionnement fait toujours défaut. “On aimerait bien vacciner les personnes à risque mais on n’a rien pour le faire”, réagit Dr Lam Nguyen, médecin épidémiologiste responsable du centre de consultations des maladies infectieuses et tropicales. “On a sollicité l'Etat et on attend. On a le suivi et les connaissances, on connaît les risques, mais on n’a pas de balles. La Nouvelle-Calédonie se débrouille mieux que nous. Ils ont reçu 80 doses, donc de quoi vacciner 40 personnes car il faut deux doses par personne. Notre stratégie dépendra du nombre de doses qu’on recevra. Si on en a très peu, on les gardera pour les personnes contacts des cas importés.”
 
Selon Henri-Pierre Mallet, “les vaccins sont très difficiles à obtenir”. Fin juillet, en métropole, il était également difficile de trouver un créneau en centre de vaccination, faute de doses disponibles. “Les stocks sont limités et on est obligé de passer par le niveau national pour l’obtenir. On n’a pas d’autres possibilités pour l’instant mais c’est en cours. On a commandé un premier stock d’une soixantaine de doses mais on n’a pas encore de date. La demande est pressante.”
 
Les homosexuels, davantage concernés en métropole
 
La vaccination ciblera donc dans un premier temps l’entourage des cas importés, afin de bloquer la diffusion du virus vers les populations à risque. Parmi celles-ci, on compte toujours les personnes susceptibles de développer une forme grave, comme les immunodéprimés, mais également la communauté homosexuelle du fait d’une plus forte probabilité d’exposition au virus. En métropole, “96% des cas pour lesquels l’orientation sexuelle est renseignée sont survenus chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes”, a relevé Santé publique France dans son dernier point épidémiologique. La Haute Autorité de santé a d’ailleurs étendu la vaccination préventive, qui concernait en premier lieu les cas contacts, aux homosexuels ayant plusieurs partenaires ainsi qu’aux travailleurs et travailleuses du sexe.
 
Si la variole du singe n’est pas une maladie sexuellement transmissible, elle se propage par contact direct avec les lésions cutanées ou les muqueuses d’une personne malade, ainsi que par les gouttelettes (salive, éternuements, postillons…), des conditions réunies lors de rapports sexuels non protégés. La contamination peut aussi avoir lieu par simple contact avec l’environnement du malade comme la literie, les vêtements ou la vaisselle usagée. Elle peut donc toucher tout le monde, sans distinction d’âge, de genre ou d’orientation sexuelle.
 
“Pas d’inquiétude particulière”
 
“Je ne veux pas que l’on stigmatise la population homosexuelle”, réagit Karel Luciani, président de l’association Cousins Cousines, qui lutte pour la cause des homosexuels et des transsexuels. “La liberté sexuelle concerne tout le monde et je pense que les pourcentages ne sont pas très utiles. Ils ne concernent qu’une niche de malades. Ce sont des foyers suite à des concentrations de personnes lors d’événements Gay Pride en Europe, ça n’est pas représentatif de la population globale. Mais on reste vigilant et on va communiquer sur les réseaux sociaux LGBT du fenua afin de conseiller la prudence si la variole du singe devait arriver ici. Il faudra maintenir le respect des gestes barrières et limiter les contacts, comme pour le Covid.”
 
Pour le moment, les autorités se veulent rassurantes quant à l’arrivée potentielle de l’épidémie sur notre territoire. “Pas d’inquiétude particulière au niveau de l’Arass et du Pays”, souligne Henri-Pierre Mallet. “On s’est renseigné auprès de nos collègues calédoniens qui ont eu un cas importé sans cas secondaires donc on voit bien qu’il n’y a pas de risque d’expansion rapide.” Même son de cloche du côté du responsable du centre de consultations des maladies infectieuses et tropicales : “On a des vaccins et des médicaments qui sont relativement efficaces. Il y a eu très peu de cas mortels en dehors de l’Afrique jusque maintenant. Ce n’est donc pas inquiétant sur le plan médical, on ne risque pas de saturer notre système de santé comme avec le Covid ou la grippe espagnole. Par contre, sur le plan épidémiologique, c’est autre chose.”
 

Quels sont les symptômes ?

“Il s’agit d’une infection classique qui commence notamment par de la fièvre et des céphalées, mais ce qui est vraiment caractéristique, ce sont les éruptions cutanées, qui peuvent apparaître sur tout le corps”, explique Henri-Pierre Mallet. Les symptômes ressemblent en effet à ceux des patients atteints de variole, mais en plus légers. Dans les cinq premiers jours, l'infection provoque de la fièvre, des maux de tête, un gonflement des ganglions lymphatiques, des douleurs dorsales et musculaires et de la fatigue. Les symptômes d’éruption cutanée arrivent quelques jours plus tard, avec démangeaisons. “L'incubation de la maladie peut aller de 5 à 21 jours. La phase de fièvre dure environ 1 à 3 jours. La maladie, généralement bénigne, guérit le plus souvent spontanément, au bout de deux à trois semaines”, souligne Santé publique France.
 

Rédigé par Lucie Ceccarelli le Mardi 9 Aout 2022 à 16:09 | Lu 1962 fois