Vanaa : "Tout pour moi réside dans l'écriture"


PAPEETE, le 8 avril 2019 - L'artiste créé depuis toujours. Il expose depuis peu. La première présentation publique de son travail a eu lieu salle Muriavai du 19 au 23 février dernier. Il écrit sans compter, il peint, sculpte, tisse. Il œuvre sans retenue ni barrière. Ses dernières toiles sont à la bibliothèque universitaire jusqu'à fin avril.

"Ce n'est pas tant la lecture des textes qui importe, car on peut lire les textes sur les tableaux, c'est l'interprétation de l'ambivalence des couleurs", décrit Vanaa, le doigt pointé vers l'une de ses œuvres. Une quinzaine de créations sont actuellement affichées dans le hall de la bibliothèque universitaire. "Il y a ce que le texte dit et ce que les couleurs disent, c'est comme une diction à double, voire à triple niveaux."

Les œuvres de Vanaa visibles jusqu'à la fin du mois, consistent en un assemblage de textes, de couleurs, de motifs, de dessins. "Tout pour moi réside dans l'écriture", explique l'artiste qui commence toujours par les mots. Ensuite, il les met en forme. "Je n'ai jamais de canevas fixe, je n'obéis pas à une variante déterminée. Parfois j'ai une idée construite en amont, d'autre fois j'improvise."

Parfois aussi, il ne fait rien. "Je n'ai jamais le souci de la page blanche en écriture alors qu'il m'est arrivé de rester plusieurs heures devant un tableau sans pouvoir créer quoi que ce soit." Aussi Vanaa a-t-il présenté des toiles blanches.

"Elle me trouvait bizarre (…)"

D'après lui, "l'écriture nous révèle parce que les mots nous pèsent avant de nous alléger de leurs poids". Sa mère dit qu'à 2 ans, il tenait déjà un crayon. "Depuis, je gribouille. Elle me trouvait bizarre ma mère, parce que je posais tout le temps plein de questions. Aujourd'hui encore je suis à côté de la plaque, je ne rentre dans aucun cadre."

Originaire de Rurutu, Vanaa a découvert le français à l'école en arrivant à Tahiti. Il s'exprime dans la langue de Molière, en Rurutu et en tahitien. Il a été professeur des écoles, professeur de mathématique, d'économie... Aujourd'hui, il prépare un doctorat sur les sciences de l'éducation.

Il lit autant qu'il écrit. "Il y a un va et vient entre la lecture et l'écriture. Tous les jours, quand je ne suis pas en train d'enseigner pour transmettre ma passion des mots, je me gave de livres à la bibliothèque universitaire ma deuxième maison. Comme un ogre lettré j'aime tout ce qui peut m'enrichir davantage en continu."

Il peint, sculpte, tisse, dessine. Il est membre de Litérama'ohi. Il accumule des œuvres par centaines qu'il n'a jamais montrées ou publiées. "Je n'écris pas pour être publié et/ou lu." Poèmes, roman, pièce de théâtre, il envisage de les dévoiler.

La Tahitienne notamment est une pièce de théâtre qui met en scène une Française, une Chinoise et un Tahitien. Elle instaure un dialogue entre des cultures qui cohabitent depuis des dizaines d'années. "Ce qui permet de lever des tabous." La pièce pourrait présentée d'ici une petite année.

Course à l'exposition


Ses amis l'ont incité petit à petit à présenter son travail. Il se rappelle par exemple un échange avec Patrick Amaru ou bien il y a peu avec Tane a Raapoto. "Demain sonnera l'heure de partir et tu n'auras rien exposé de ton vivant, me disait-il y a peu ce frère, ce fidèle ami de l'éternité. Et voici que depuis quelques mois je me suis engagé dans cette course à l'exposition pour me mettre en scène tout en glorifiant ma passion pour les lettres, les arts, les sciences, l'érudition en général."

L'exposition en cours à la bibliothèque universitaire est le résultat de trois jours de travail. "Après la Maison de la culture en février, des enseignants et amis m'ont demandé pourquoi je n'avais écrit qu'en français. J'ai préparé quelque chose en tahitien."

Pour la suite, Vanaa aimerait par exemple remplir un fare de mots : à l'intérieur comme à l'extérieur, du sol au plafond en passant par le mobilier. Il cherche des propriétaires volontaires. Il s'interroge aussi sur la possibilité d'expositions éphémères sous l'eau, au mont Marau ou bien encore au dépotoir de Faa'a. "Une journée d'événement suffirait. Je veux montrer qu'il n'y a pas une seule manière d'exposer."

Susciter le questionnement

Ses créations, comme ses leçons, ses actions et ses initiatives convergent toutes vers un but : "celui d'interroger l'intelligence des gens car ils ne sont pas des bouteilles vides que l'on doit remplir. Il faut susciter le questionnement des populations".

Pratique

Dans le couloir d'entrée de la bibliothèque universitaire, campus d'Outumaoro.
Tél.: 40 86 64 00
Horaires : du lundi au vendredi de 7h30 à 19 heures et le samedi de 8 heures à 16 heures.
Entrée gratuite et tout public.


Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 8 Avril 2019 à 12:36 | Lu 2110 fois