Tahiti, le 28 octobre 2024 - De retour au Fenua après sa qualification pour le World Championship Tour (WCT), Vahine Fierro s'est entretenue avec Tahiti Infos afin de revenir sur une saison hors norme, ponctuée de hauts mais aussi de bas. L'occasion d'aborder avec notre 'aito de Huahine les coulisses de son succès et les futurs défis qui l'attendent. Interview.
Félicitations pour cette qualification, tant attendue et espérée, sur le tour mondial. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, parle-nous de ta saison qui a été tout simplement... hors norme.
“L'année 2024 a été chargée. J'avais deux grands objectifs : gagner les Jeux olympiques 2024 et me qualifier pour le tour 2025. Du coup, il y a eu beaucoup de voyages, beaucoup de compétitions. Des hauts mais aussi des bas. En mai, je gagne la Tahiti Pro dans des conditions exceptionnelles, j'étais prête pour ça. Avec Kauli Vaast et Jérémy Florès, on s'est entraîné dans toutes les conditions pendant un an, même lorsque les vagues n'étaient pas au rendez-vous. Du coup, je savais comment me positionner, quelle vague je voulais, j'étais vraiment à l'aise. C'était une victoire importante car depuis 2018 et mon titre de championne du monde junior, je n'avais plus rien gagné via la WSL (World Surf League, NDLR). Et là, c'était une épreuve du circuit mondial, face aux meilleures surfeuses. C'était extraordinaire ! Mais quand les Jeux olympiques sont arrivés, hélas, j'étais triste car cette période marquait les un an du départ d'un être très cher à mon cœur. Je ne m'attendais pas à ce que ces émotions me reviennent. Et pour ne rien arranger, je suis également tombée malade. Chose qui ne m'était pas arrivée depuis deux ans. Du coup, même si j'étais prête pour la compétition, peut-être que je n'étais pas assez présente mentalement et cela a sans doute affecté mes performances aussi. En revanche, même si j'ai perdu, j'étais contente de faire partie du succès de Johanne Defay. Je sais qu'un jour, cela va me revenir d'une manière ou d'une autre. Par contre, ce qui a été dur, c'est d'avoir enchaîné avec une compétition à Huntington Beach, en Californie, où je perds dès le premier tour à cause d'une interférence. Les vagues étaient petites, alors qu'à Teahupo'o, Kauli était en train de gagner dans des vagues parfaites. Je voulais en être, célébrer avec lui, mais je n'ai pas pu. Cela m'a beaucoup affectée. Les semaines qui ont suivi, j'ai pleuré tous les jours, durant des heures. C'étaient des grands moments de vide, je ne savais plus qui j'étais. Je ne savais plus ce que je voulais. C'étaient des émotions que je n'avais jamais ressenties avant. C'était brutal. Il m'a fallu me retrouver, prendre un mois sur mon île de Huahine, appeler tous les jours ma psychologue sportive. Il m'a fallu du temps pour remonter la pente, me pardonner et me reconcentrer sur mon objectif : me qualifier sur le tour mondial.”
C'est un sujet dont on ne parle pas assez : la défaite et ses conséquences. Toi qui en reviens grandie, quel conseil aurais-tu à donner pour y être mieux préparé ?
“Il faut traverser ces moments-là. Je n'ai d'ailleurs pas de leçon à donner à qui que ce soit sur ce point-là, et ce pour la simple et bonne raison que les gens ne vont pas nécessairement le vivre de la même manière. Il faut passer par là, réussir à imaginer tous les scénarios possibles et toutes les émotions qui pourraient en ressortir. Quand tu t'entraînes aussi longtemps sur un objectif, l'essentiel, c'est ne pas avoir de regrets. Que je gagne ou que je perde, je veux savoir que j'ai tout donné. Il faut vivre ces moments-là, être choqué, et réussir à transformer ces émotions-là en quelque chose de valide. Quand on perd, il faut tout de suite y retourner et continuer de se battre. Il faut y retourner parce que, au final, et il faut te le rappeler sans cesse, c'est ce que tu aimes.”
Du coup, arrivent la fin de saison et l'étape du Brésil. Il te faut faire un gros résultat. Comment as-tu abordé la compétition ? Et à quel moment as-tu senti le vent tourner en ta faveur ?
“J'aurais pu me qualifier au Portugal, lors de l'avant-dernière étape, mais hélas, j'ai perdu assez tôt dans la compétition. Heureusement pour moi, toutes les autres surfeuses en course pour la qualification ont également vite perdu. Du coup, nous sommes arrivées au Brésil et nous avions encore toutes nos chances. Au Portugal, j'étais hyper stressée, trop. Mon entourage l'était aussi et je l'ai senti. C'est pourquoi, une fois arrivée au Brésil, je me suis dit : ‘Fais-toi confiance. Reste positive. N'aie pas peur.’ J'ai mis en avant ma passion avant les enjeux et la compétition. Et puis, pour l'anecdote, je suis quelque peu superstitieuse et pour cette compétition, j'ai dû prêter ma combinaison fétiche à une autre surfeuse. D'ordinaire, ce sont des petits détails qui m'affectent un peu, mais là, je m'étais dit que ce n'était pas telle ou telle combinaison qui me ferait gagner, c'est moi et mon surf. Je ne voyais plus les choses par le prisme de la peur mais, au contraire, de manière plus positive et ça a tout changé. J'étais dans un état de confiance, que j'ai réussi à garder du début à la fin de la compétition, mais ce n'était pas que ça. J'étais honnête avec moi-même, mes peurs et mes doutes, et j'étais juste décidée à ce que rien ne m'échappe. Pas cette fois. À l'eau, je m'imaginais surfer avec mes sœurs, seules à un spot avec rien d'autre que l'envie de scorer. C'est un sentiment qui m'apaise et me détend. C'est ce qui m'a permis de donner le meilleur de moi-même jusqu'en finale.”
Tu remportes ta demi-finale face à la Portugaise Yolanda Hopkins et décroches par la même occasion ton ticket pour le WCT. Quelle est la première chose à laquelle on pense lorsque l'on réalise enfin son rêve ?
“Pour être honnête, je ne savais pas que la qualification était acquise lorsque j'ai remporté ma demi-finale. J'ai vu mon adversaire sortir de l'eau à une minute de la fin de la série et, sur la plage, je voyais Heimoana, mon copain, Kauli Vaast et tout le monde les bras en l'air. Je ne comprenais pas trop. C'est vraiment lorsque j'ai vu mon coach célébrer au loin que j'ai réalisé car lui, c'est sûr, n'allait pas célébrer tant que la qualification n'était pas acquise. En revenant au bord, j'ai également entendu les commentateurs l'annoncer au micro et c'est là que j'ai compris que c'était officiel. J'étais très heureuse, et en même temps, je trouvais ça normal. J'ai tellement travaillé pour ça, je sentais que je méritais ce ticket pour le WCT. Je me disais : ‘C'est à moi ! C'est mon tour !’ Ce qui est drôle, c'est que durant ma série, tout le monde était au courant des enjeux sauf moi. Et quand j'ai voulu gronder mon copain pour ne pas m'avoir dit alors qu'il savait, il m'a répondu : ‘Je pensais que tu savais, ils l'ont dit au moins cinq fois durant la série, en portugais, en anglais !’ J'étais tellement dans ma bulle que je n'ai rien entendu de tout ça. Finalement, c'était peut-être mieux comme ça.”
Cette année, Kauli Vaast et toi avez réalisé l'impensable, ou plutôt, vous avez dépassé toutes les attentes. Un titre olympique pour lui, une victoire et une qualification pour le circuit mondial pour toi... 2024 est et restera à jamais votre année.
“Nous avons eu une année incroyable. Les deux dernières années, nous nous sommes entraînés presque tout le temps ensemble. On se connait bien. On se soutient, on se pousse, on s'énerve aussi, on a une belle relation. Et l'avoir là, sur la plage, lors de ma qualification, c'était vraiment spécial pour moi.”
Tu es qualifiée depuis deux semaines maintenant, j'imagine que tu as eu le temps de penser à l'année prochaine. Quelle est ton approche pour ta première saison sur le WCT ?
“J'ai déjà commandé toutes mes planches pour les premières épreuves de la saison prochaine que sont Hawaii et Abu Dhabi. J'ai également déjà prévu mes sessions d'entraînement avant ces deux étapes. Je veux essayer mes planches et m'habituer à ces vagues, notamment Abu Dhabi, car je ne l'ai jamais surfé. C'était important pour moi de régler déjà tout ce côté logistique afin que je puisse me focaliser sur le surf et la préparation mentale. Ce qui est sûr c'est que tout sera nouveau pour moi. Il y a deux fois plus de compétitions que ce que j'ai l'habitude de faire, donc la récupération entre les épreuves aura davantage d'importance. Heureusement, j'ai une équipe autour de moi. Il y a Jérémy Florès, qui a été sur le tour durant des années et qui sait ce que c'est, un autre coach, ma psychologue sportive... J'ai au moins déjà ce confort-là et c'est important. Avec eux, je vais pouvoir garder un rythme de performance élevé. C'est mon objectif. Je veux pouvoir performer tout au long de la saison pour arriver jusqu'à la dernière étape de Fidji et décrocher le titre de championne du monde. J'ai tellement rêvé d'y être que maintenant, je compte tout donner afin de ne pas avoir de regret à la fin de saison.”
Lorsque l'on regarde de plus près les différentes étapes du circuit, on se dit quand même que c'est un championnat où tu as de grandes chances de t'épanouir. Quelles sont les étapes que tu redoutes ? Et quelles sont celles où tu penses bien faire ?
“ Celle que j'appréhende le plus, c'est la piscine à vagues de Abu Dhabi car toutes les autres filles ont déjà surfé là-bas, sauf moi. C'est un format spécial aussi. Là, tu es seul dans l'eau, il n'y a pas de priorité... C'est vraiment toi, la vague et ta performance. Concernant les autres vagues, je les ai pratiquement toutes surfées, à part l'Australie et les spots de Bells Beach et Margaret River. Mais ce sont des vagues qui me parlent car il y a là-bas beaucoup de mouvements d'eau, l'eau y est un peu plus froide. Ce sont des choses dont j'ai l'habitude. J'ai hâte de commencer la saison avec Pipeline, à Hawaii. C'est un spot mythique. De toute façon, le but sera le même à chaque fois : créer des connexions, essayer de lire les spots au mieux afin d'avoir les meilleures vagues et gagner. L'important, c'est qu'aujourd'hui, peu importe la vague, je suis prête.”
Concernant ton surf, selon toi, quels seront les points forts à mettre en avant, et à l'inverse, les quelques aspects qu'il te faudra encore travailler pour la saison prochaine ?
“Je pense aujourd'hui être assez constante lorsqu'il faut produire un surf sur le rail, tout en puissance. Au niveau des tubes, pareil, que ce soit sur des gauches ou des droites, je suis très à l'aise. Ce sont des vagues qui me parlent. Et après, effectivement, il y a le côté aérien où il faut absolument que je continue à progresser car le surf se dirige dans cette direction. C'est inspirant pour moi de voir les jeunes filles qui explosent dans les piscines à vague et qui arrivent de plus en plus à le mettre en pratique lors des séries. J'ai une grande marge de progression de ce côté-là, c'est certain.”
Aujourd'hui, le surf professionnel commence de plus en plus tôt. Sur le territoire, une nouvelle génération, emmenée par Kiara Goold, émerge. Quels conseils as-tu à donner à ces filles qui sont sur le point d'embrasser une carrière comme la tienne ?
“J'ai envie de leur dire : ‘Accrochez-vous !’ Ça va être mouvementé, dans tous les sens du terme. Dans les réussites et dans les défaites. Dans le surf, il y a plus de défaites que de victoires, même pour les meilleurs. Je leur souhaite donc de se battre, mais aussi et surtout de tout vivre. De prendre toutes ces leçons afin de s'améliorer constamment. Et surtout, de continuer à s'amuser parce que c'est un monde spécial où l'on doit grandir et apprendre deux fois plus vite que lors d'un parcours plus ‘normal’. Tu es médiatisé, donc tes succès mais aussi tes défaites sont rendus publics. Il faut réussir à tout prendre, les bons côtés, mais aussi les mauvais et en tirer le meilleur.”
Félicitations pour cette qualification, tant attendue et espérée, sur le tour mondial. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, parle-nous de ta saison qui a été tout simplement... hors norme.
“L'année 2024 a été chargée. J'avais deux grands objectifs : gagner les Jeux olympiques 2024 et me qualifier pour le tour 2025. Du coup, il y a eu beaucoup de voyages, beaucoup de compétitions. Des hauts mais aussi des bas. En mai, je gagne la Tahiti Pro dans des conditions exceptionnelles, j'étais prête pour ça. Avec Kauli Vaast et Jérémy Florès, on s'est entraîné dans toutes les conditions pendant un an, même lorsque les vagues n'étaient pas au rendez-vous. Du coup, je savais comment me positionner, quelle vague je voulais, j'étais vraiment à l'aise. C'était une victoire importante car depuis 2018 et mon titre de championne du monde junior, je n'avais plus rien gagné via la WSL (World Surf League, NDLR). Et là, c'était une épreuve du circuit mondial, face aux meilleures surfeuses. C'était extraordinaire ! Mais quand les Jeux olympiques sont arrivés, hélas, j'étais triste car cette période marquait les un an du départ d'un être très cher à mon cœur. Je ne m'attendais pas à ce que ces émotions me reviennent. Et pour ne rien arranger, je suis également tombée malade. Chose qui ne m'était pas arrivée depuis deux ans. Du coup, même si j'étais prête pour la compétition, peut-être que je n'étais pas assez présente mentalement et cela a sans doute affecté mes performances aussi. En revanche, même si j'ai perdu, j'étais contente de faire partie du succès de Johanne Defay. Je sais qu'un jour, cela va me revenir d'une manière ou d'une autre. Par contre, ce qui a été dur, c'est d'avoir enchaîné avec une compétition à Huntington Beach, en Californie, où je perds dès le premier tour à cause d'une interférence. Les vagues étaient petites, alors qu'à Teahupo'o, Kauli était en train de gagner dans des vagues parfaites. Je voulais en être, célébrer avec lui, mais je n'ai pas pu. Cela m'a beaucoup affectée. Les semaines qui ont suivi, j'ai pleuré tous les jours, durant des heures. C'étaient des grands moments de vide, je ne savais plus qui j'étais. Je ne savais plus ce que je voulais. C'étaient des émotions que je n'avais jamais ressenties avant. C'était brutal. Il m'a fallu me retrouver, prendre un mois sur mon île de Huahine, appeler tous les jours ma psychologue sportive. Il m'a fallu du temps pour remonter la pente, me pardonner et me reconcentrer sur mon objectif : me qualifier sur le tour mondial.”
C'est un sujet dont on ne parle pas assez : la défaite et ses conséquences. Toi qui en reviens grandie, quel conseil aurais-tu à donner pour y être mieux préparé ?
“Il faut traverser ces moments-là. Je n'ai d'ailleurs pas de leçon à donner à qui que ce soit sur ce point-là, et ce pour la simple et bonne raison que les gens ne vont pas nécessairement le vivre de la même manière. Il faut passer par là, réussir à imaginer tous les scénarios possibles et toutes les émotions qui pourraient en ressortir. Quand tu t'entraînes aussi longtemps sur un objectif, l'essentiel, c'est ne pas avoir de regrets. Que je gagne ou que je perde, je veux savoir que j'ai tout donné. Il faut vivre ces moments-là, être choqué, et réussir à transformer ces émotions-là en quelque chose de valide. Quand on perd, il faut tout de suite y retourner et continuer de se battre. Il faut y retourner parce que, au final, et il faut te le rappeler sans cesse, c'est ce que tu aimes.”
Du coup, arrivent la fin de saison et l'étape du Brésil. Il te faut faire un gros résultat. Comment as-tu abordé la compétition ? Et à quel moment as-tu senti le vent tourner en ta faveur ?
“J'aurais pu me qualifier au Portugal, lors de l'avant-dernière étape, mais hélas, j'ai perdu assez tôt dans la compétition. Heureusement pour moi, toutes les autres surfeuses en course pour la qualification ont également vite perdu. Du coup, nous sommes arrivées au Brésil et nous avions encore toutes nos chances. Au Portugal, j'étais hyper stressée, trop. Mon entourage l'était aussi et je l'ai senti. C'est pourquoi, une fois arrivée au Brésil, je me suis dit : ‘Fais-toi confiance. Reste positive. N'aie pas peur.’ J'ai mis en avant ma passion avant les enjeux et la compétition. Et puis, pour l'anecdote, je suis quelque peu superstitieuse et pour cette compétition, j'ai dû prêter ma combinaison fétiche à une autre surfeuse. D'ordinaire, ce sont des petits détails qui m'affectent un peu, mais là, je m'étais dit que ce n'était pas telle ou telle combinaison qui me ferait gagner, c'est moi et mon surf. Je ne voyais plus les choses par le prisme de la peur mais, au contraire, de manière plus positive et ça a tout changé. J'étais dans un état de confiance, que j'ai réussi à garder du début à la fin de la compétition, mais ce n'était pas que ça. J'étais honnête avec moi-même, mes peurs et mes doutes, et j'étais juste décidée à ce que rien ne m'échappe. Pas cette fois. À l'eau, je m'imaginais surfer avec mes sœurs, seules à un spot avec rien d'autre que l'envie de scorer. C'est un sentiment qui m'apaise et me détend. C'est ce qui m'a permis de donner le meilleur de moi-même jusqu'en finale.”
Tu remportes ta demi-finale face à la Portugaise Yolanda Hopkins et décroches par la même occasion ton ticket pour le WCT. Quelle est la première chose à laquelle on pense lorsque l'on réalise enfin son rêve ?
“Pour être honnête, je ne savais pas que la qualification était acquise lorsque j'ai remporté ma demi-finale. J'ai vu mon adversaire sortir de l'eau à une minute de la fin de la série et, sur la plage, je voyais Heimoana, mon copain, Kauli Vaast et tout le monde les bras en l'air. Je ne comprenais pas trop. C'est vraiment lorsque j'ai vu mon coach célébrer au loin que j'ai réalisé car lui, c'est sûr, n'allait pas célébrer tant que la qualification n'était pas acquise. En revenant au bord, j'ai également entendu les commentateurs l'annoncer au micro et c'est là que j'ai compris que c'était officiel. J'étais très heureuse, et en même temps, je trouvais ça normal. J'ai tellement travaillé pour ça, je sentais que je méritais ce ticket pour le WCT. Je me disais : ‘C'est à moi ! C'est mon tour !’ Ce qui est drôle, c'est que durant ma série, tout le monde était au courant des enjeux sauf moi. Et quand j'ai voulu gronder mon copain pour ne pas m'avoir dit alors qu'il savait, il m'a répondu : ‘Je pensais que tu savais, ils l'ont dit au moins cinq fois durant la série, en portugais, en anglais !’ J'étais tellement dans ma bulle que je n'ai rien entendu de tout ça. Finalement, c'était peut-être mieux comme ça.”
Cette année, Kauli Vaast et toi avez réalisé l'impensable, ou plutôt, vous avez dépassé toutes les attentes. Un titre olympique pour lui, une victoire et une qualification pour le circuit mondial pour toi... 2024 est et restera à jamais votre année.
“Nous avons eu une année incroyable. Les deux dernières années, nous nous sommes entraînés presque tout le temps ensemble. On se connait bien. On se soutient, on se pousse, on s'énerve aussi, on a une belle relation. Et l'avoir là, sur la plage, lors de ma qualification, c'était vraiment spécial pour moi.”
Tu es qualifiée depuis deux semaines maintenant, j'imagine que tu as eu le temps de penser à l'année prochaine. Quelle est ton approche pour ta première saison sur le WCT ?
“J'ai déjà commandé toutes mes planches pour les premières épreuves de la saison prochaine que sont Hawaii et Abu Dhabi. J'ai également déjà prévu mes sessions d'entraînement avant ces deux étapes. Je veux essayer mes planches et m'habituer à ces vagues, notamment Abu Dhabi, car je ne l'ai jamais surfé. C'était important pour moi de régler déjà tout ce côté logistique afin que je puisse me focaliser sur le surf et la préparation mentale. Ce qui est sûr c'est que tout sera nouveau pour moi. Il y a deux fois plus de compétitions que ce que j'ai l'habitude de faire, donc la récupération entre les épreuves aura davantage d'importance. Heureusement, j'ai une équipe autour de moi. Il y a Jérémy Florès, qui a été sur le tour durant des années et qui sait ce que c'est, un autre coach, ma psychologue sportive... J'ai au moins déjà ce confort-là et c'est important. Avec eux, je vais pouvoir garder un rythme de performance élevé. C'est mon objectif. Je veux pouvoir performer tout au long de la saison pour arriver jusqu'à la dernière étape de Fidji et décrocher le titre de championne du monde. J'ai tellement rêvé d'y être que maintenant, je compte tout donner afin de ne pas avoir de regret à la fin de saison.”
Lorsque l'on regarde de plus près les différentes étapes du circuit, on se dit quand même que c'est un championnat où tu as de grandes chances de t'épanouir. Quelles sont les étapes que tu redoutes ? Et quelles sont celles où tu penses bien faire ?
“ Celle que j'appréhende le plus, c'est la piscine à vagues de Abu Dhabi car toutes les autres filles ont déjà surfé là-bas, sauf moi. C'est un format spécial aussi. Là, tu es seul dans l'eau, il n'y a pas de priorité... C'est vraiment toi, la vague et ta performance. Concernant les autres vagues, je les ai pratiquement toutes surfées, à part l'Australie et les spots de Bells Beach et Margaret River. Mais ce sont des vagues qui me parlent car il y a là-bas beaucoup de mouvements d'eau, l'eau y est un peu plus froide. Ce sont des choses dont j'ai l'habitude. J'ai hâte de commencer la saison avec Pipeline, à Hawaii. C'est un spot mythique. De toute façon, le but sera le même à chaque fois : créer des connexions, essayer de lire les spots au mieux afin d'avoir les meilleures vagues et gagner. L'important, c'est qu'aujourd'hui, peu importe la vague, je suis prête.”
Concernant ton surf, selon toi, quels seront les points forts à mettre en avant, et à l'inverse, les quelques aspects qu'il te faudra encore travailler pour la saison prochaine ?
“Je pense aujourd'hui être assez constante lorsqu'il faut produire un surf sur le rail, tout en puissance. Au niveau des tubes, pareil, que ce soit sur des gauches ou des droites, je suis très à l'aise. Ce sont des vagues qui me parlent. Et après, effectivement, il y a le côté aérien où il faut absolument que je continue à progresser car le surf se dirige dans cette direction. C'est inspirant pour moi de voir les jeunes filles qui explosent dans les piscines à vague et qui arrivent de plus en plus à le mettre en pratique lors des séries. J'ai une grande marge de progression de ce côté-là, c'est certain.”
Aujourd'hui, le surf professionnel commence de plus en plus tôt. Sur le territoire, une nouvelle génération, emmenée par Kiara Goold, émerge. Quels conseils as-tu à donner à ces filles qui sont sur le point d'embrasser une carrière comme la tienne ?
“J'ai envie de leur dire : ‘Accrochez-vous !’ Ça va être mouvementé, dans tous les sens du terme. Dans les réussites et dans les défaites. Dans le surf, il y a plus de défaites que de victoires, même pour les meilleurs. Je leur souhaite donc de se battre, mais aussi et surtout de tout vivre. De prendre toutes ces leçons afin de s'améliorer constamment. Et surtout, de continuer à s'amuser parce que c'est un monde spécial où l'on doit grandir et apprendre deux fois plus vite que lors d'un parcours plus ‘normal’. Tu es médiatisé, donc tes succès mais aussi tes défaites sont rendus publics. Il faut réussir à tout prendre, les bons côtés, mais aussi les mauvais et en tirer le meilleur.”