Vaccination : Le déclic Delta


Tahiti, le 3 août 2021 – Sur les 239 000 doses acheminées en Polynésie, 90 000 attendent encore d'être utilisées, au risque d'être périmées en septembre. Fort heureusement, la dynamique des injections retrouvée ces deux dernières semaines selon la plateforme Covid semble illustrer une prise de conscience des non-vaccinés face au Delta et à son impact sur les hôpitaux. Si le rythme se maintient, il devrait permettre d'écouler les stocks.
 
Emmanuel Macron l'avait annoncé dans son discours final à la présidence de la Polynésie le 27 juillet. Plusieurs milliers de doses “seront périmées en septembre”. Si la campagne de vaccination s'est tassée dès le mois de juin, le déploiement éventuel d'un pass sanitaire –dans le prolongement du pass vaccinal– en Polynésie, la progression rapide du Delta et son impact sur les hôpitaux, auraient redonné un coup d'éclat au vaccin. Mais les quatre à cinq prochaines semaines vont-elles suffire à écouler les stocks mis à disposition gracieusement ?
 
Hausse de primo injections

Selon les chiffres de la plateforme Covid, le Pays a réceptionné depuis le début de l'année plus de 239 000 doses, dont 149 449 doses de Pfizer et 45 100 de Janssen, vaccin du laboratoire Johnson et Johnson. Au 3 août 2021, soit plus de six mois plus tard, 133 912 doses de Pfizer et 14 332 doses de Janssen ont été injectées. Tombé à 3 125 injections la dernière semaine de juin, le rythme repart très nettement à la hausse depuis deux semaines : soit 5 314 injections entre le 19 et le 25 juillet, et 7 467 la semaine dernière. “On n'est pas encore sur les cadences maximums qu'on a pu observer en début d'année” commente le responsable de la cellule process et data de la plateforme Covid, Romain Flory. “Au plus fort de la vaccination, on tournait sur 9 000 à un peu moins de 10 000 doses injectées par semaine avec des vaccinodromes”.

Mais la plateforme relève surtout une hausse de primo injections. Preuve d'un certain déclic ? “En tout cas, il y a beaucoup de nouvelles personnes qui viennent se faire vacciner. Tout ce flux-là va se répercuter plus tard”, indique le responsable. “Au rythme actuel, la dynamique pourrait dépasser les volumes les plus haut qu'on a pu observer”. C’est-à-dire plus de 10 000 par semaine. Assez pour écouler les quelque 90 000 doses restantes ? “Si ça se maintient, il n'y aura donc pas de gaspillage” estime le responsable. Le stock restant doit notamment permettre de vacciner encore 61 035 personnes sur la base d'un schéma vaccinal à deux doses.

Pass vaccinal : un système de délivrance automatisée à l'étude

Dans le même temps, les demandes de “certificat vert numérique” sur mes-demarches.gov.pf affluent. A ce jour, 11 500 demandes d'attestation vaccinale ont été déposées, dont 8 500 ont déjà été traitées, et 3 000 sont en cours de traitement. Pour accélérer la cadence et honorer le vivier de 75 000 personnes aujourd'hui totalement vaccinées, la plateforme réfléchit déjà à un système de délivrance automatisée. “En s'appuyant sur le numéro de DN, on va essayer de générer d'un coup les attestations de tous les cas de schéma de vaccination simples (une dose de Janssen ou deux doses de Pfizer)” précise Romain Flory. “Avec le volume qui s'annonce, on s'est dit qu'il fallait faire un traitement un peu plus massif et gérer le reliquat des cas exotiques après”. A l'instar du schéma vaccinal monodose pour les personnes justifiant d'une contamination antérieure.  

Quant à savoir si la Polynésie est en mesure d'ajouter un portefeuille “dépistage” à son pass vaccinal, l'autorité sanitaire pointe les nombreux acteurs qui réalisent des prélèvements en Polynésie et l'absence de base centrale. A l'inverse de la métropole, dont la plateforme Sidep (système d'information de dépistage) enregistre systématiquement les résultats des tests pratiqués par l’ensemble des laboratoires et structures autorisés à réaliser le diagnostic de Covid-19. Schéma dans lequel les tests antigéniques et RT-PCR donnent lieu à un QR code. “Pour la vaccination tout est centralisé par l'application Vaxi de notre éditeur Epiconcept, pour les tests c'est plus compliqué, il y a l'ILM, le CHPF, Cardella, Paofai et la direction de la Santé”, fait remarquer le responsable. Reste une option. Celle pour chaque entité d'ouvrir une passerelle sécurisée en direct avec l'imprimerie nationale, avec toutes les contraintes techniques et financières qu'elle comporte.

Efficacité démontrée du vaccin sur les +60 ans

OMS/Grégoire Lebacon
“On ne peut pas regarder le schéma vaccinal de tous les cas, mais quand on peut, on le fait”. L'épidémiologiste de la plateforme Covid, Henri-Pierre Mallet, livre son analyse sur les cas confirmés dont le statut vaccinal a pu être consultés. “On y voit 13% de personnes vaccinées. Ce sont d'ailleurs les chiffres qu'on retrouve dans la littérature, avec une efficacité attendue de 75% sur les formes symptomatiques et de 95% sur les formes sévères” rappelle l'épidémiologiste. Du côté des patients hospitalisés au CHPF la semaine dernière, il note 11% de vaccinés. Un chiffre à prendre avec prudence souligne ce dernier. Notamment chez certains patients qui s'avèrent positifs au Covid-19 mais qui sont hospitalisés pour des raisons plus graves (insuffisance rénale terminale ou cancer terminal) 
Mais c'est sur la population à risques des plus de 60 ans, dont le niveau de vaccination complète atteint 64%, que l'efficacité du vaccin s'impose face au risque d'hospitalisation. “A l'hôpital, on ne retrouve que quatre personnes vaccinées chez les plus de 60 ans. C’est-à-dire 11%. Si le vaccin n'était pas efficace on aurait la même répartition : 64% de personnes vaccinées âgées de 60 ans et plus” explicite l'épidémiologiste. Mais si ce sont des personnes un peu plus jeunes qui entrent en hospitalisation, c'est non seulement parce que le Delta est plus contagieux et qu'il touche plus de monde, mais aussi parce que les jeunes sont moins bien vaccinés. Rappelons que le schéma vaccinal le plus efficace comprend soit l'administration d'une dose (Janssen) suivi d'un délai de trois semaines, soit l'administration deux doses, à trois semaines d'intervalle, suivi idéalement d'un délai de 14 jours, plutôt que de sept jours.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 3 Aout 2021 à 20:19 | Lu 4421 fois