Va’a - Rencontre avec Doris Hart, la présidente de la fédé : enjeux, objectifs…


PIRAE, le 1er octobre 2014. C’est au ‘Fare Hotu’ en bordure de la rade du Taaone que les journalistes de Tahiti Infos ont été reçus par Doris Hart, la présidente de la fédération tahitienne de va’a en fonction depuis 2012 et par Henri Guilbault son collaborateur administratif.
 
A la veille des deux grandes courses importantes du calendrier annuel que sont la Molokai Ho’e prévue à Hawaii le 13 octobre prochain et Hawaiki Nui Va’a prévue les 5,6 et 7 novembre 2014, nous avons voulu faire le point sur les enjeux et les objectifs de la fédération au lendemain de la participation de la délégation polynésienne aux championnats du monde de va’a.
 
La délégation était revenue de Rio de Janeiro au Brésil avec 47 médailles obtenues dont 31 en or, 8 en argent et 8 en bronze. Les pays, nations ou états participants du premier au dernier au classement étaient Tahiti, l’Australie, Hawaii, le Brésil, le Canada, la Nouvelle Zélande, la Nouvelle Calédonie, la Californie, la Grande Bretagne, Rapa Nui et l’Argentine.
 
Le va’a est plus qu’un sport. Avec le surf, il fait partie intégrante de la culture polynésienne, il représente donc un atout touristique majeur. Il vit également grâce aux bénévoles des quatre coins de la Polynésie qui œuvrent pour faire partager et transmettre une passion : la passion pour le va’a et pour l’océan.

Doris Hart au micro de Tahiti Infos :
 
Le va’a ce sont des résultats sportifs mais c’est avant tout une culture ?
 
« Lorsque nos équipes vont à l’extérieur les résultats sont remarquables comme on le voit à Molokai Ho’e par exemple, il y a cet aspect culturel surtout en métropole. On voit que cet aspect là plaît beaucoup. Pour Hawaiki Nui Va’a, il n’y a pas que le va’a, il y a tout ce qu’il y a autour : la Polynésie, l’exotisme, les danses, les pare’u, les fleurs, cela fait rêver. Il y a une forte demande. On évoquait en réunion la création d’un événement pluridisciplinaire à vocation internationale, dont le va’a ferait partie. »
 
Comment se positionne Hawaiki Nui par rapport à Molokai ?
 
« Cela fait plus de 60 ans je crois que Molokai existe. L’idée d’Hawaiki Nui Va’a est née également de la participation de nos équipes à Molokai. On restait à l’époque dans nos lagons, le marathon inter-île ne faisait pas encore partie de nos réflexions. Hawaiki Nui a 18 ans d’existence. Il y a l’aspect fête, cela fait partie de la culture polynésienne, cette notion de partage d’île en île est forte. Molokai est sur une étape, avec changements, Hawaiki Nui est donc unique avec ses trois étapes sans changements. »
 
Henri Guilbaut : « On suppose que les étrangers ne viennent pas car ils n’ont pas l’habitude de ce genre d’effort. »
 
Y a-t-il des choses qui pourraient être améliorées pour augmenter la participation des équipes étrangères à Hawaiki Nui Va’a ?
« Si vous regardez les résultats à Molokai, la plus grande partie ce sont les clubs de l’île ou de celles autour. Il y a des Japonais, des Américains, certes, je pense que la distance joue aussi. Je félicite ceux qui quittent leur continent pour venir ici. Le transport coûte cher. Tous ceux qui ont fait ce déplacement en sont retournés ravis. Ils disent que c’est un évènement à vivre au moins une fois dans sa vie, le summum du summum. »
 
Où en est-on avec la mise en place de packages hébergement-transport évoqués depuis deux ans pour faciliter la venue d’équipes étrangères à Hawaiki Nui ?
 
« Cette question il faut la poser à la présidente du comité. On avait mis en place une structure, je ne sais pas si elle est toujours d’actualité. C’est dommage, car pour la course Tahiti Nui Va’a des packages sont proposés à partir de Los Angeles, de métropole, de Hawaii. Ce sont aussi ces questions là qui ont été soulevées lors de nos déplacements. Le club veut savoir au départ combien il va payer, avec diverses options, avec ou sans un peu de tourisme après la course. Pour le Vendée Va’a, il y a une structure en place qui propose différentes formules et le club intéressé choisit. La compagnie Air Tahiti Nui pourrait être impliquée si elle était sollicitée. »
 
Henri Guilbaut : « Apparemment pour cette année il n’y aura pas de package proposé. »
 
Qu’en est-il du contrôle anti-dopage ?
 
« Cela fait partie de nos priorités. On a demandé à la fédération internationale de va’a d’inscrire Hawaiki Nui dans le calendrier, d’où la mise en place du contrôle. Ce n’est plus comme il y a deux ans un contrôle de prévention, cela devient un contrôle anti-dopage au vrai sens du terme. Il y aura une commission indépendante avec des gens formés localement qui sera là et qui emmènera les échantillons là où ils doivent être emmenés. »
 
Il y a des pays où le va’a commence à émerger, y-a-t-il un intérêt croissant ?
 
« On a vécu en France le ‘Vendée Va’a’ aux Sables d’Olonne. Il y avait des Bretons, des Parisiens, Bayonne...Un parcours en trois étapes comme à Hawaiki Nui. Pour des questions de stockage les pirogues étaient coupées en trois, en tant que polynésienne cela m’a fait quelque chose, aux championnats du monde c’était la même chose. Il y a peut être un partage de connaissance, un échange de savoir faire avec nos ‘shapers’ locaux à mettre en place. »
 
« On vous en donne la primeur : l’installation d’une école de va’a aux Sables d’Olonne. Tamatoa Perez, formateur, avait travaillé avec quelques enfants. Il y a une structure en Vendée qui s’appelle Iso (ndlr Institut Sports Océan) où il y a du surf, du kayak, de l’aviron, de la voile et le va’a y aura tout à fait sa place. »
 
« Le président de ‘Vendée Va’a’ Denys Remy sera avec nous cette année pour vivre Hawaiki Nui avec deux élus des Sables d’Olonne. Le ‘Vendée Va’a 2015’ sera un gros événement avec tout un village polynésien pendant une semaine, ils viennent également pour voir quels seront leurs partenaires. »
 
Pour ce qui est de la participation aux jeux olympiques ?
 
« Il faut 56 ‘nations’ pratiquant la discipline, on en est pas encore à ce stade, on est une trentaine de ‘régions’. Par contre, pour le handisport, le va’a a été inscrit pour les prochains jeux para-olympiques, prévus en 2016, il est plus stable qu’un kayak. On pourrait donc avoir un polynésien champion olympique dans cette discipline, à conditions que l’on mette de côté nos divergences de personnes pour mettre en avant le sport. »
 
Henri Guilbaut : « On a une porte d’entrée en Europe qui est le Vendée Va’a, on en a une 2ème qui est la fédération française de canoë Kayak qui est très à l’écoute, ils sont prêts à nous aider mais il faut que le nombre de clubs pratiquants en France évolue. Il faut que l’on travaille là dessus. »
 
Il y a de petits ‘peapea’ ?
 
« Non, il n’y en a pas. (sourire) Si j’en parle c’est que c’est surmontable. Pour revenir à la fédé française, le va’a ne serait pas reconnu comme un sport mais comme un loisir. C’est à nous de bouger, de proposer des choses pour développer le va’a. On a ainsi requalifié récemment nos courses ‘Te Aito’ et ‘Super Aito’ comme un ‘championnat de marathon’. Il faut laisser le temps à certaines personnes de connaître les choses. Nous, on est nés dans un va’a, je crois, mais ce n’est pas le cas de tous. »
 
Edt Va’a a sa course avec la Tahiti Nui Va’a, Team Opt avec la Marara Ho’e, il ne manque plus que Vodafone-Shell ?
 
« Oui, il ne manque plus que Shell. Paddling fait aussi sa course. Je souhaite également que ces grands clubs mettent en place des écoles dans leurs clubs. Ils vont chercher des jeunes qui sont déjà formés, il faut qu’ils jouent le jeu et qu’ils forment à la base. Ils ont tout à fait les moyens et la capacité de mettre en place des écoles de va’a. On en parlait déjà avec Edouard Maamaatua. »
 
Des projets pour la jeunesse ?
 
« On voudrait faire un championnat de vitesse pour les benjamins, les minimes, cadets…C’est inhumain de les faire ramer sur des pirogues V1 conçues pour les séniors. Je vais me rapprocher de sociétés, de personnes qui voudront bien contribuer pour acheter une ou deux petite pirogues -chaque entreprise aurait son logo dessus- que l’on mettra a disposition de ces petits. »
 
Henri Guilbaut :  « La fédé a voulu être présente auprès des jeunes dans les collèges avec qui des accords ont été passées un peu partout. Tamatoa Perez donne un coup de main aux professeurs pour entrainer les élèves pour une course qui est programmée, l’Ussp, cela marche très bien. Des sections sport-études commencent également à voir le jour. On va également mettre en place une licence ‘loisir’ pour les pratiquants qui ne sont pas dans les clubs, qui veulent s’amuser sur le plan d’eau, cela nous permettra de quantifier la pratique et de répondre aux problèmes d’assurance, notamment par rapport au port autonome. »
 
Les pouvoirs publics locaux vous accompagnent-ils dans ce développement ?
 
« Le ministre me l’a dit dimanche, une modification des textes est en cours au sujet de la classification du va’a en ‘haut niveau’ pour sortir de la catégorie ‘promotion’. C’est logique par rapport aux résultats obtenus. Il y a également la reconnaissance du brevet professionnel d’éducateur de va’a qui est en cours, afin de développer l’emploi à Tahiti comme en dehors de la Polynésie. La Polynésie se positionne aussi en tant qu’organisateur des championnats du monde de 2018, en 2016 cela sera en Australie. On doit déposer la candidature avant la fin de l’année et se mettre d’accord sur deux lieux de déroulement des épreuves. »
 
En conclusion qu’attendez vous pour ce monde du va’a ?
 
« C’est un sport qui ne peut pas se vivre sans certaines valeurs. Si on ne s’y attèle pas maintenant, la partie sport va prendre le dessus et ce serait dommage. Il faut préserver cette âme. Le respect, la solidarité, l’humilité, le partage c’est ce que nos ‘coachs’ essayent d’inculquer à nos jeunes dans cette société sans repères pour faire de l’insertion par le biais du sport. »
 
« Ce qui m’a frappé quand j’ai rencontré ceux qui pratiquent à l’extérieur, c’est qu’ils ont gardé ce côté ‘mana’, ‘tahoe’. Ils disent que ‘cela ne peut marcher que si l’on ne fait qu’un’. ‘Tahoe’ cela veut dire mettre ensemble toutes nos forces, nos valeurs. On a ce devoir de nous recentrer sur nos valeurs, ce n’est pas juste gagner, gagner ! Il y a des clubs qui font cet effort et je les en remercie, il y a encore du travail à faire dans ce sens. » NM & SB

Le Te Aito 2014, un évènement majeur

Tamatoa Perez en France

A l'extérieur de Tahiti la pirogue est découpée en morceaux pour faciliter le transport !

Rédigé par NM & SB le Mercredi 1 Octobre 2014 à 13:55 | Lu 1578 fois