Université. Des étudiants pris à tricher avec ChatGPT


Tahiti, le 13 juin 2023 - C'est une première dont l'Université de la Polynésie française se serait bien passée. À l'heure du développement des IA, plusieurs étudiants ont triché pour la rédaction de leurs mémoires en utilisant un générateur de texte par intelligence artificielle tel que Chat GPT.
 
 
Les cas ne sont désormais plus isolés. Un peu partout dans l'Hexagone remontent quotidiennement des cas de triches de la part d'étudiants qui ont utilisé des intelligences artificielles pour rendre leurs devoirs. L'Université de la Polynésie française est à son tour touchée par ces cas de triches de la part d'étudiants qui ont rédigé leurs mémoires via ces IA comme Chat GPT.
 
Selon nos informations, un nombre de cas “significatif”, nous explique une source, ont eu recours à l'IA dans la rédaction de leurs mémoires en Master 1 et 2, filière Management et commerce international. À ce stade, et en l'absence de contact mardi avec la direction de l'université, difficile de dire si d'autres filières sont touchées par cette fraude.
 
“Les enseignants s'en sont rendus compte en lisant les productions des élèves”, nous explique un enseignant de l'Université. “Il y avait des problèmes de style, des formulations et une structuration du mémoire qui ne correspondait pas à ce que les élèves avaient l'habitude de produire et de rendre à leurs enseignants.”
 
S'en est suivi une enquête approfondie pour tenter de repérer les tricheurs. “Il nous a fallu utiliser des logiciels anti-plagiat et on a vu qu'il y avait énormément de correspondances avec des ouvrages ou des productions précédentes”, nous explique cet enseignant qui voit désormais ses collègues se transformer en Sherlock Holmes du net, traquant désespérément les fraudes. “Un certain nombre de cas sont ressortis comme suspects. Nous les avons confrontés à des logiciels de reconnaissance et il en est clairement ressorti qu'ils n'étaient pas les auteurs de nombreux écrits qui figuraient dans leurs mémoires.”
 
Tous les mémoires de l'Université seraient en ce moment même en suspens, le temps d'être disséqués pour voir et comprendre, quelle est la part d'inspiration d'une production écrite (la citation qu'il est toujours bon de mettre dans ses productions), quelle est la part de plagiat (la reprise de texte sans faire connaître la source), et quelle est celle issue d’un générateur de texte par intelligence artificielle.
 
Les dossiers sont sur le bureau du conseil académique qui devrait arrêter plusieurs sanctions en fonction de la gravité des fautes commises par les étudiants. “Les responsables pédagogiques vont prendre des sanctions”, nous assure-t-on.

Trois semaines d'enquête

L'arrivée de Chat GPT est une épine de plus dans le pied des enseignants qui doivent désormais passer à la loupe les productions de leurs étudiants afin de discerner qui a fourni un gros travail de rédaction pour rendre une production la meilleure possible, et qui a utilisé une IA. “Cela devient de plus en plus complexe”, nous explique un autre enseignant sur le campus. “Cela fait trois semaines que certains collègues sont dessus à vérifier, mémoire par mémoire, qu'il n'y a pas eu de triches, à l'aide de différents logiciels.” “Il va nous falloir de plus en plus d'outils”, poursuit-il, “pour traquer les fraudeurs. À l'heure actuelle, les logiciels ne délivrent que des statistiques et des probabilités de fraude et il est donc encore très difficile d'en apporter la preuve.” Avec un brin de désappointement, il conclut : “On va avoir de plus en plus de problèmes de ce type dans les années à venir.”
 
À Strasbourg en février. À Lyon en avril. Au Royaume Uni le mois dernier. Les signalements de triche à l'aide d'IA se multiplient.

Quelles armes et quelles sanctions pour l'université ?

L'université de Polynésie française, comme de très nombreuses autres, s'arme contre ces arnaques au devoir. En 2018, le président de l'Université, Patrick Capolsini, prévenait déjà les enseignants par courrier. “Il a été remarqué depuis l'année dernière, une augmentation de cas de plagiats traités par la section disciplinaire compétente à l'égard des usagers (étudiants). L'Université étant garante de la qualité des diplômes délivrés, nous ne pouvons rester sans rien faire. L'université de la Polynésie française souhaite donc à nouveau s'engager contre le plagiat afin de s'assurer de l'authenticité des travaux réalisés par les étudiants”, écrivait-il.
 
Une charte anti-plagiat était alors fournie à chaque étudiant qui devait la respecter sous menaces de sanctions à son encontre. “Les étudiants s'engagent à ne pas commettre de plagiat dans leurs travaux, quels qu'ils soient : devoirs et comptes rendus remis à un enseignant, mémoires de master, mémoires de thèse ou articles de recherche soumis à un journal scientifique, juridique ou littéraire”, précise la charte.

“L'Université se réserve le droit d’identifier les tentatives de plagiat par tous les moyens, dont l’utilisation de logiciels dédiés. (…) Les manquements à la présente charte sont passibles de sanctions disciplinaires graves : avertissement, blâme, exclusion de l’Université pour une durée limitée, exclusion définitive de l’Université, avec sursis ou sans sursis, voire interdiction d’accès à la fonction publique et sans préjudice de l’annulation de l’épreuve, du semestre voire du diplôme.”
 
Cette charte n'avait pas encore incorporé dans ses articles, la naissance des intelligences artificielles. Hier, nous ne connaissions pas le nombre exact d'étudiants pris dans cette fraude, ni quelles étaient les sanctions qui sont prises à leur encontre… ni même si ces dernières sont juridiquement légales.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Mardi 13 Juin 2023 à 19:15 | Lu 15469 fois