Une taxe pour obliger les opérateurs à partager leurs pylônes


Les pylônes sont des constructions qui servent à héberger les antennes des opérateurs mobiles. Rien n'empêche un seul pilonne d'héberger plusieurs opérateurs, mais c'est encore très rare en Polynésie.
PAPEETE, le 8 aout 2017 - Les opérateurs devront désormais payer 220 000 francs tous les ans pour chaque pylône qu'ils possèdent. Le but est de les inciter à ouvrir ces infrastructures aux antennes de leurs concurrents pour limiter l'impact sur l'environnement que pourraient causer la multiplication de ces poteaux d'acier.

Une taxe sur les pylônes des opérateurs télécoms a été introduite en début de l'année et vient d'être définitivement validée par le Conseil d'État. Comme le précise un communiqué du Conseil des ministres, "cette imposition due annuellement consiste en l’application d’un tarif de 220 000 Fcfp pour chaque station radioélectrique dont dispose l’opérateur de télécommunication. Elle a pour finalité d’inciter les opérateurs à mutualiser leurs moyens et ainsi de limiter l’implantation de stations dans le paysage polynésien."

Faire le tour de Moorea en comptant les antennes-relai, c'est voir double. (Carte: TeFenu@)
La Polynésie compte 430 antennes-relais, dont très peu partagent les mêmes pylônes. La rude concurrence du secteur a pour l'instant fortement limité la volonté des opérateurs historiques de favoriser l'expansion de leurs nouveaux rivaux en leur ouvrant leurs infrastructures. Du coup il a partout fallu faire deux fois les mêmes travaux. Le tour de Moorea est édifiant pour cela : chaque pylône de Vini est doublé d'un pylône Vodafone situé à quelques dizaines ou centaines de mètres (voir carte ci-contre).

Mais plutôt que de réguler totalement ce marché, cette loi vise plutôt le portefeuille pour inciter l'OPT, Vini, Vodafone et Viti à louer des espaces sur leurs pylônes aux antennes-relai de leurs concurrents. La loi précise ainsi que "lorsque plusieurs redevables partagent un même support d'antennes pour l’accueil de leurs stations radioélectriques, le montant de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux est divisé par le nombre de redevables".

Si la somme est assez incitative (on ne parle pour l'instant que de quelques 100 millions de francs annuels pour toute la Polynésie), la conséquence la plus pratique sera donc de pousser les opérateurs à partager leurs précieux pylônes, et donc d'améliorer rapidement la couverture réseau de tous les abonnés. L'OPT pourrait par exemple décider de mutualiser ses installations dans les archipels avec Viti et Vodafone pour économiser cette taxe… On imagine que ce n'est pas pour tout de suite.

Compenser un impôt déclaré illégal

Et ce n'est de toute façon pas le but principal. Car cet impôt sur les pylônes a été instauré en même temps qu'une "taxe annuelle sur les abonnements et services de télécommunications" qui touche les mêmes opérateurs, qui doivent depuis le 1er janvier reverser entre 2% et 3,55% de leur chiffre d'affaires au pays. Cette nouvelle taxe devrait rapporter 3,5 milliards de Fcfp par an.

Ces deux nouveaux prélèvements visent explicitement à remplacer le "droit d’accès forfaitaire à l’exploitation des réseaux et services de télécommunication" qui a été déclaré illégal en 2013 par le tribunal administratif de Papeete. Le Pays a dû rembourser 1,5 milliard de francs à Viti et 3 milliards de francs à l'OPT… Le problème étant que tous les opérateurs payaient la même somme forfaitairement, même ceux qui viennent de se lancer et n'avaient aucune rentrée d'argent. Un dispositif jugé "de nature à constituer un obstacle injustifié au développement d’une concurrence effective et loyale" selon les juges.

Notons que le Conseil d'État a par contre validé les deux nouveaux impôts, celui sur les pylônes et la taxe sur les abonnements, dans une décision rendue fin juillet et relayée par nos confrères de Radio1.

Outre une amélioration des revenus du Pays et, potentiellement, de la couverture réseau de tous les abonnés polynésiens, l'impôt sur les pylônes vise aussi à limiter la multiplication de ces pylônes. Selon l'argumentaire de l'Assemblée de la Polynésie publié avec la loi du 6 décembre 2016, "dans un contexte d’ouverture à la concurrence qui reste d’actualité, cette taxe a pour objectif d’encourager la mutualisation des infrastructures nécessaires aux réseaux de télécommunications (terminaux, antennes relais) et notamment l’installation des stations radioélectriques sur un même site afin de limiter les impacts environnementaux."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 8 Aout 2017 à 17:32 | Lu 3830 fois