Une "sangoma" de Port Elizabeth révèle le vainqueur du Mondial

PORT-ELIZABETH, 10 juin 2010 (AFP) - Les ancêtres le lui ont soufflé dans ses rêves: Constance, guérisseuse douée d'une communication privilégiée avec les esprits, sait qui va gagner le Mondial-2010 de football.


Cette "sangoma" de Port Elizabeth, sur la côte méridionale de l'Afrique du Sud secouée par les vents de l'océan Indien, reçoit dans l'arrière-boutique d'une échoppe de plantes médicinales.

Les sangomas font partie de la tradition des peuples bantous, qu'un périple de plusieurs siècles a menés jusqu'à la pointe sud du continent. Nombreux sont ceux qui les consultent, pour être délivrés d'une souffrance physique ou morale, ou bien connaître leur avenir.

Non loin du Nelson Mandela Bay Stadium, où vont se jouer huit des matches de la Coupe du monde, Constance entretient un véritable laboratoire. Des plantes de toutes sortes s'enmêlent dans des bassines. Des peaux de bêtes sèchent sur un fil.

"Ah, vous voici!", dit-elle aux journalistes de l'AFP. Comme si elle les attendait.

La sexagénaire écarte un rideau et pénètre dans une pièce exiguë où un canapé défraîchi attend les clients. Un stock impressionnant de désinfectants occupe une bonne partie des étagères. La sangoma s'installe à une petite table sur laquelle brûle de l'encens.

Derrière d'élégantes lunettes, son regard oscille entre profonde concentration et rêves d'ailleurs.


"consulter les ancêtres"

"C'est mon père et ma soeur qui m'ont dit que je devais devenir sangoma", raconte cette native du Natal, qui exerce cette activité depuis 12 ans.

"Ils étaient sangomas et quand ils sont morts, ils me sont apparus en rêve, pour m'indiquer la voie à suivre. Moi je ne voulais pas. Alors, une nuit, pendant mon sommeil, ils m'ont frappée", explique-t-elle.

"J'avais tellement mal que j'ai dû me déplacer avec une canne. Et puis, ils m'ont dit que je devais aller dormir dans la mer pendant sept jours. Je l'ai fait, et lorsque je suis sortie de l'eau, je n'avais plus mal nulle part. J'ai compris que je devais être sangoma, afin d'aider les autres."

Après un an de formation, le sacrifice de cinq chèvres et d'une vache a symbolisé le terme de son apprentissage.

Elle dit aujourd'hui avoir beaucoup de clients, riches et pauvres, Blancs et Noirs, vieux et jeunes. "Les gens viennent me voir parce qu'ils ont du mal à dormir, des problèmes de mariage. Je les aide tous."

En Afrique du Sud comme sur le reste du continent, pas un match de foot n'est joué sans un "muthi", protection bénie par les ancêtres. "Si on perd, c'est que le muthi des adversaires était le plus fort", remarque un footballeur, sous couvert de l'anonymat.

Près du stade d'Ellis Park, à Johannesburg, un gigantesque marché de médecines traditionnelles offre plantes séchées ou fraîches, ainsi que des morceaux d'animaux pas toujours identifiables. Un boeuf a été sacrifié devant Soccer City, qui accueille le match d'ouverture vendredi, pour que les ancêtres bénissent le Mondial.

A propos, qui va gagner la Coupe du monde ? Constance ferme les yeux, se concentre puis les rouvre, d'un coup. "Toutes les "équipes sont fortes. Je dois consulter les ancêtres. Revenez demain."

Le lendemain, la sangoma est au rendez-vous: "L'Argentine va gagner la Coupe du monde."

Rédigé par AFP le Vendredi 11 Juin 2010 à 00:33 | Lu 270 fois