Une proposition de couper Onati en deux


Tahiti, le 30 août 2023 - Et si Onati était coupé en deux pour favoriser la concurrence ? C'est ce que l'Autorité de la concurrence suggère afin que la partie gestion du réseau et la partie strictement commerciale soient étanches, et que les subventions du Pays pour l'un ne bénéficie pas dans un jeu de vases communicants à faire des promotions pour l'autre, et de fait, menacer les autres opérateurs dans leurs offres.
 
 
 
Un rapport de l'Autorité de la concurrence sur la détermination des conditions de déploiement et de financement des réseaux de télécommunications dans les îles peu denses et un autre sur un projet d'arrêté réglementant temporairement les tarifs et les conditions d'offres fixes d'accès à internet dans les zones peu denses ont été divulgués dans la soirée de ce lundi 29 août. Deux rapports qui font suite à des saisines du gouvernement Brotherson pour avis dans sa volonté de mettre en place “une couverture de qualité de l'ensemble du territoire polynésien, à des prix abordables pour les consommateurs, et d'assurer une concurrence saine par les infrastructures en zone dense et un mécanisme de partage des coûts équitables en zone non dense”.
 
Premier constat évident, mais qu'il est bon de rappeler dans le rapport sur les réseaux de télécommunication : “Il est sans doute illusoire que plusieurs opérateurs mobiles soient en mesure de parvenir à l’équilibre économique en déployant leur propre réseau sur l’ensemble du territoire, sauf au prix de tarifs très élevés pour les consommateurs”, note le rapport de l'Autorité. “Aussi, la question se pose de la mise en commun des infrastructures de couverture. Pourtant, le cadre règlementaire polynésien impose toujours le déploiement de tous les opérateurs sur tous les archipels. Cette situation parait décorrélée de toute logique économique.”
 
L'autorité rappelle alors qu'elle a déjà préconisé par le passé la distinction entre les zones denses, où chaque opérateur devrait construire son réseau, et les zones peu denses, “où serait privilégiée une concurrence limitée aux services.” Sans cela, “le risque est que la tarification des services mobiles péréquée sur l’ensemble du territoire soit remise en cause, dans le sens d’une augmentation des tarifs pratiqués dans les archipels éloignés, en défaveur du consommateur polynésien. Un abonnement coûterait alors plus cher aux Marquises ou aux Gambier, qu'à Tahiti.
 
Autre point soulevé par l'APC : les coûts d'itinérance [le relais signal de l'OPT pour PMT et Viti, NDLR]. Elle pointe le risque de la part de l'opérateur historique, qui a financé les installations sur place, de pratiquer des prix d'itinérance excessifs, afin de renforcer sa position dominante.
 

Couper Onati en deux

Pour améliorer la situation et tenter de faire en sorte que chaque opérateur s'y retrouve, l'APC formule plusieurs voies d'amélioration. La mise en place d'une itinérance 2G (voix et données) par exemple sur tout le territoire avec des tarifs d'interconnections fixés par le Pays. Pour un développement plus poussé, l'APC déconseille malgré tout une mutualisation des moyens des trois opérateurs pour construire les infrastructures, ce qui pourrait donner lieu à une “coordination” des offres commerciales qui irait à sens inverse de la concurrence.
Pour ce qui est des bassins de population élevés, l'Autorité conseille à chaque opérateur de construire ses propres infrastructures.
 
Dans ses recommandations finales, l'Autorité propose donc de conserver sous une forme une ou une autre la délégation de service publique à un opérateur qui investirait dans une zone peu dense, avec bien sûr un soutien de la puissance publique. Les tarifs d'itinérance pour les autres opérateurs seraient alors fixés par le Pays.
 
D'autres propositions sont aussi émises comme la possibilité pour le Pays de développer lui-même les infrastructures, et les mette en “location” auprès des opérateurs, Vini, Vodafone et Viti. Surprise du chef, la proposition de couper Onati en deux entités distinctes et indépendantes l'une de l'autre. La première entité gérerait le réseau et son entretien. La seconde louerait l'itinérance à Onati, PMT et Viti. Une façon de transformer ce service comme la TEP (Transport d’énergie électrique en Polynésie), dans le secteur de l’électricité, et éviter surtout que les subventions publiques du Pays pour l'aide à la constitution des réseaux (pilonnes, câbles, fibre etc.), ne viennent par capillarité, aider Onati dans ses offres commerciales pour concurrencer les deux autres opérateurs.

Internet, partout, pour tous, et au même prix
 
Dans son second rapport, l'Autorité de la concurrence est saisie pour donner suite à la demande du Pays de son avis sur un projet d’arrêté réglementant temporairement les tarifs et les conditions des offres fixes d'accès à Internet dans les zones peu denses de la Polynésie française disposant d’un accès au haut débit. Le but de la démarche est d'assurer l'uniformité des tarifs et des conditions des abonnements à l'internet fixe sur l'ensemble du territoire polynésien, pour au moins deux ans.
 
Les conclusions de l'APC sont peu ou prou les mêmes que pour la téléphonie mobile. “Mise en place d'un élargissement du périmètre du régime d’interconnexion obligatoire, réflexion sur les modalités de financement de ces réseaux, séparation des activités de réseau et de détail d’Onati en deux entités totalement distinctes et autonomes et réflexion sur la nécessité ou non de déployer de manière extensive la fibre optique lorsque la couverture 4G est suffisante pour assurer un accès au haut débit aux résidents des archipels éloignés.

Internet, vers la fin du groupage imposé ?
 
Dans sa réflexion, et celle qui est demandée à l'APC, le gouvernement de Moetai Brotherson songe, apprend-t-on dans le rapport de l'APC, à un dégroupage total de l'internet fixe, mettant fin à l'escroquerie organisée par l'OPT qui consiste à faire payer un abonnement de téléphonie fixe (monté sur un réseau cuivre) en plus de son abonnement fibre (monté en fibre optique). Une disposition qui ouvrirait les abonnements fibre plus faciles aux autres opérateurs, moyennant pour eux des accords commerciaux avec l'opérateur historique, l'OPT.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 31 Aout 2023 à 08:51 | Lu 5641 fois